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Claude Demers

l'auteur de ce blogue. Retraité et professeur d'échecs à temps partiel.

Cuba à l’heure du 50e anniversaire de la révolution

Jacques lanctôt, traducteur pour le journal Granma, vient de produire deux textes sur Cuba au jour le jour, publiés cette semaine dans Canoe.com.

Je fais suivre ces textes d’un article de Salmi Lamrani, pour Mondialisation.ca sur les contradictions d’Amnistie Internationale envers Cuba.


Jacques Lanctôt

La Havane au jour le jour (I)

Agence QMI
30/01/2009 09h43

Jacques Lanctôt  - La Havane au jour le jour (I)

Je suis à La Havane depuis une quinzaine de jours. Tous les matins de la semaine, je me rends au journal Granma international, un hebdomadaire destiné aux lecteurs de l’étranger, publié en français, en anglais, en espagnol et en portugais, qui devient un mensuel en italien, en allemand et aussi en turc, je crois.J’y effectue, avec une petite équipe, la traduction de textes choisis parmi les nouvelles de la semaine parues dans le quotidien du même nom. Ce n’est pas un travail éreintant, mais il exige tout de même beaucoup d’attention et de précision, car une phrase mal traduite peut créer un contresens qui pourrait éventuellement avoir de lourdes conséquences, on peut facilement l’imaginer, étant donné qu’il s’agit d’un journal officiel. Aussi, tous les discours de Fidel, toutes ses «réflexions» qu’il avait pris l’habitude d’écrire presque tous les jours pour les lecteurs du Granma, depuis que la maladie l’a éloigné de la direction du pays, sont traduits par la même personne depuis des années, un Français qui n’est cependant pas à l’emploi du Granma. Par contre, j’ai traduit en équipe cette semaine mon premier discours de Raul, beaucoup moins long que ceux auxquels Fidel nous avait habitués. Deux styles différents, deux façons d’aborder la réalité cubaine, mais qui se complètent heureusement.

Pour me rendre au journal, un collègue français me prend tous les matins à un coin de rue de chez moi. Il donne également un «lift» à une traductrice anglaise, venue directement d’Angleterre il y a six ou sept ans. Le trajet dure à peine dix minutes. Ici il n’y a pas vraiment d’heure de pointe. Cela ferait drôlement l’affaire de l’ami Yves Desautels que j’imagine peinant actuellement dans les bancs de neige de Montréal pour annoncer les conditions routières sur l’île et autour de l’île aux auditeurs de Radio-Canada, tous les matins et tous les après-midi de la semaine.

Chemin faisant, nous doublons de nombreux autobus modernes, les «métrobus» chinois ou brésiliens, bondés de travailleurs. Le transport en commun, une priorité depuis deux ans à Cuba, a nettement été amélioré, diminuant les retards au travail, une vraie calamité jusqu’à tout récemment. Pour remplacer les nombreux «camellos» (chameaux), surnommés ainsi en raison de leur élévation ou leur bosse, des autobus articulés bien entretenus vont et viennent à travers la ville sans peine malgré l’étroitesse de certaines rues. L’autobus coûte moins de un cent de un dollar. Bien sûr, si on tient compte des 23 jours de travail en moyenne par mois, cela finit par représenter une petite portion du salaire, déjà bas, des Cubains, mais il faut aussi savoir que la majorité des centres de travail ont leur propre service de transport qui accommode leurs travailleurs. Ce sont bien souvent à bord d’anciens autobus scolaires jaunes qu’ils se rendent à leur travail. Ces autobus proviennent presque tous du Québec. Ils ont même gardé leur signalisation bilingue française et anglaise, et c’est, dans ce cas-ci, l’ami Daniel Côté, des Ameublements Elvis, qui les a vendus et, dans certains cas, donnés au gouvernement cubain.

Les bureaux du Granma international sont situés juste à côté de l’édifice du Granma quotidien, en biais avec le ministère des Forces armées révolutionnaires. L’imprimerie se trouve entre les deux. Rien à voir avec le modernisme et les équipements sophistiqués du Journal de Montréal ou de La Presse. Peu importe, tout fonctionne comme sur des roulettes et on monte encore les pages sur les marbres ou tables lumineuses où il nous faut effectuer une dernière révision avant de donner le bon à tirer. De temps en temps, des rouleaux de papier journal provenant des moulins de l’Abitibi-Bowater au Québec, sont déchargés sur le trottoir avant d’être acheminés à l’intérieur de l’imprimerie. Ça me fait une petite fierté de savoir que notre papier, provenant de nos forêts, sert à imprimer le journal pour lequel je travaille actuellement. Mais j’imagine qu’il ne faut pas le crier sur les toits, car le gouvernement étasunien pourrait sévir contre cette compagnie, grâce à sa loi d’extraterritorialité qui lui donne des pouvoirs extraordinaires, ceux d’intervenir contre des compagnies non étasuniennes qui font affaire avec Cuba.

(À suivre.)


Jacques Lanctôt

La Havane au jour le jour (suite)

Agence QMI
03/02/2009 10h38

Jacques Lanctôt  - La Havane au jour le jour (suite)

Avant de quitter la maison pour le travail, entre 7h30 et 8 heures, c’est un rituel, je prépare le café. Auparavant, on coulait le café dans un tissu.J’aimais beaucoup cette méthode traditionnelle. J’avais l’impression qu’on y mettait toute son âme et que le café était un nouveau défi, chaque fois. Maintenant, la cafetière italienne a remplacé cette façon artisanale de faire le café. Je me verse ensuite mon premier café dans une petite tasse. Au début, je le prenais sans sucre, mais j’ai fini par abdiquer, car ici on sucre le café directement dans la cafetière. Je prépare ensuite le verre de lait de mon fils de trois ans et demi, qu’il boit tiède, avec un peu de chocolat en poudre lorsqu’il y en a à la maison.

Au travail, vers 10 heures, quelqu’un passera, bureau par bureau, pour nous offrir un café, sucré également. Puis, un peu plus tard, on annoncera la collation.

Vers 13 heures, nous nous rendons à la salle à manger, située dans l’autre édifice, une petite promenade d’à peine une minute. On reprend contact avec la chaleur et avec le soleil. Il faut aviser, la veille, si nous allons manger à la cantine le lendemain. La salle à manger comprend une vingtaine de tables et le service est effectué par trois ou quatre personnes. Le repas est aussi peu cher que l’autobus. Il y a toujours une soupe, un plat principal composé de riz — je dirais obligatoirement, car sans riz, ce ne peut être un véritable repas —, de haricots, noirs ou bruns, de poulet, de porc, de piccadillo (bœuf haché) ou de poisson, apprêtés de différentes façons, de «viandas»: pomme de terre douce, banane plantain, courge, manioc ou malanga, et finalement d’un dessert. Aucun alcool n’est servi. C’est dur pour mon moral, moi si habitué à mon verre de vin à chaque repas, mais je m’y fais!

En après-midi, une collation est également offerte. Vers 16 heures, c’est la fin de la journée, et tout le monde rentre chez soi. Entre-temps, nous aurons traduit quelques articles, vérifié à tour de rôle les traductions des collègues, corrigé les pages montées sur épreuves puis les pdf à l’ordinateur. Parfois, une courte réunion syndicale vient interrompre le rythme de notre travail. C’est le moment où tout un chacun y va de son commentaire et de ses suggestions, Italiens, Français, Québécois, Brésiliens, Anglais, Allemands, ainsi qu’une Étasunienne, parlant dans une langue commune, rassembleuse, l’espagnol. Ici la minorité que nous représentons n’oblige pas la majorité à parler cette langue soi-disant universelle, l’anglais, et ce n’est que pur bon sens.

Ainsi va la vie d’un modeste traducteur qui n’en est pas à ses premières armes puisque déjà, à l’époque de mon exil, au début des années soixante-dix, je travaillais au même Granma, situé alors dans un autre édifice, près de la Place de la Révolution. Mais trente ans plus tard, ce sont les mêmes gestes, les mêmes rituels, même si l’ordinateur est venu remplacer la machine à écrire et le moteur de recherche google le dictionnaire papier, facilitant d’autant le travail.

Cuba a certes changé depuis ces années de fortes poussées révolutionnaires, alors que l’Amérique latine était secouée de bord en bord par des mouvements de guérilla qui ont presque tous été écrasés dans le sang. Ne subsistent, dans les faits, que les FARC colombiennes. Mais n’empêche, cette même Amérique latine, après avoir connu dictatures et gouvernements autoritaires, s’est profondément modifiée en élisant un peu partout des gouvernements de gauche. Elle vient même d’ouvrir la porte à Cuba lors de différents sommets politiques et économiques, sans que les États-Unis soient invités à la table des discussions. La marginalisation de la Révolution cubaine est désormais chose du passé et la nouvelle administration étasunienne devra en tenir compte.

Le journaliste du Devoir, Guy Taillefer, ne semble pas, lui, le comprendre en qualifiant la Révolution cubaine d’anachronique, dans un article récent publié à l’occasion du 50e anniversaire de cette Révolution et en banalisant à l’extrême le blocus économique et politique qui affecte dramatiquement cette petite île des Caraïbes depuis près de 50 ans: «Un embargo commercial qui, du reste, n’est plus depuis plusieurs années qu’un épouvantail brandi des deux côtés du détroit de Floride à des fins politiques», affirme ce journaliste nourri au pablum et à la nourriture prémâchée des grandes agences de presse internationales.

Or, les pertes matérielles dues au blocus sont évaluées à plusieurs milliards de dollars, sans parler des pertes en vies humaines que cela a provoquées à cause de l’impossibilité de se procurer certains médicaments. Des balivernes que tout cela? Pour Guy Taillefer, qui manifestement lit les nouvelles sur un télésouffleur, il semble bien que oui. S’il y a bien quelque chose d’anachronique dans le monde aujourd’hui, c’est cette politique génocidaire des États-Unis vis-à-vis Cuba.

Y a-t-il quelque chose de plus ridicule qu’un cubanologue patenté qui, prétendant analyser une situation complexe, renvoie dos à dos David et Goliath, comme s’il s’agissait de bonnet blanc, blanc bonnet?


Les contradictions d’Amnistie Internationale

Mondialisation.ca, Le 5 mai 2008

Amnistie Internationale(AI) est sans aucun doute la plus célèbre organisation de défense des droits de l’homme à travers le monde. Créée en 1961 par l’avocat britannique Peter Benenson, cette organisation non gouvernementale dispose de sections dans plus de cinquante pays et de plus de deux millions d’adhérents à travers la planète. Son travail remarquable en faveur de l’abolition de la peine de mort et de la torture, contre les crimes politiques et pour la libération des prisonniers d’opinion lui a permis de bénéficier du statut d’organisme à caractère consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations unies, de l’UNESCO, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Etats américains, entre autres1.

Les « prisonniers d’opinion »

AI publie chaque année un rapport sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Presque aucun pays n’échappe à son regard vigilant. Concernant Cuba, l’organisation internationale fait état de « 69 prisonniers d’opinion » dans son rapport 2007 et explique que ces derniers sont incarcérés pour « leurs positions ou activités politiques non violentes ». Le gouvernement cubain récuse cette charge et accuse AI de partialité. Les relations ont été rompues entre l’organisation et les autorités du pays depuis 1988, date de la dernière visite de AI à Cuba2.

Dans une déclaration du 18 mars 2008, AI a cette fois-ci dénombré « 58 dissidents toujours emprisonnés à travers le pays ». L’organisation souligne que « le seul crime commis par ces 58 personnes est d’avoir exercé de manière pacifique leurs libertés fondamentales ». Kerry Howard, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International, note qu’elle « les considère comme des prisonniers d’opinion. Ces personnes doivent être remises en liberté sans délai et sans condition3 ».

Dans son communiqué, l’organisation internationale reconnaît que « la plupart ont été inculpés d’‘actes contre l’indépendance de l’Etat’ ». Amnesty International reconnaît également que ces personnes ont été condamnées « pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba4 ».

Pour se convaincre d’une telle réalité, en vigueur depuis 1959, il suffit de consulter, en plus des archives étasuniennes partiellement déclassifiées, la section 1705 de la loi Torriccelli de 1992, la section 109 de la loi Helms-Burton de 1996 et les deux rapports de la Commission d’Assistance à une Cuba libre de mai 2004 et juillet 2006. Tous ces documents révèlent que le président des Etats-Unis finance l’opposition interne à Cuba dans le but de renverser le gouvernement de La Havane. Il s’agit là du principal pilier de la politique étrangère de Washington à l’égard Cuba5.

Ainsi, la section 1705 de la loi Torricelli stipule que « les Etats-Unis fourniront une assistance, à des organisations non gouvernementales appropriées, pour soutenir des individus et des organisations qui promeuvent un changement démocratique non violent à Cuba6 ».

La section 109 de la loi Helms-Burton est également très claire : « Le Président [des Etats-Unis] est autorisé à fournir une assistance et offrir tout type de soutien à des individus et des organisations non gouvernementales indépendantes pour soutenir des efforts en vue de construire la démocratie à Cuba7 ».

Le premier rapport de la Commission d’assistance à une Cuba libre prévoit la mise en place d’un « solide programme de soutien favorisant la société civile cubaine ». Parmi les mesures préconisées, un financement à hauteur de 36 millions de dollars est destiné au « soutien de l’opposition démocratique et au renforcement de la société civile émergeante8 ».

Le 3 mars 2005, M. Roger Noriega, secrétaire assistant pour les Affaires de l’hémisphère occidental de l’administration Bush, a signalé que 14,4 millions de dollars avaient été ajoutés au budget de 36 millions de dollars prévu dans le rapport de 2004. M. Noriega a même poussé la sincérité jusqu’à dévoiler l’identité de certaines personnes travaillant à l’élaboration de la politique étrangère étasunienne contre Cuba9.

Enfin, le second rapport de la Commission d’assistance à une Cuba libre prévoit un budget de 31 millions de dollars pour financer davantage l’opposition interne. De plus, un financement d’au moins 20 millions de dollars annuels est alloué à ce même effet pour les années suivantes « jusqu’à ce que la dictature cesse d’exister10 ».

Ainsi, aucun doute n’est possible à ce sujet.

Contradictions

AI admet désormais que les personnes qu’elle considère comme des « prisonniers d’opinion » ont « reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba ». C’est ici que l’organisation internationale entre en pleine contradiction.

En effet, le droit international considère comme illégal le financement d’une opposition interne dans une autre nation souveraine. Une telle politique viole de manière flagrante les principes et les normes qui régissent les relations entre les Etats. Tous les pays du monde disposent d’un arsenal juridique leur permettant de défendre l’indépendance nationale contre ce type d’agression étrangère, en codifiant comme délits les conduites qui favorisent l’application de telles dispositions menant à la subversion. Il s’agit là d’un devoir primordial de tout Etat.

La législation cubaine

La législation cubaine punit de sanctions très sévères toute association avec une puissance étrangère dans le but de subvertir l’ordre établi et de détruire son système politique, économique et social. La loi n° 88 de protection de l’indépendance nationale et de l’économie de Cuba a été adoptée le 15 mars 1999, suite à la décision prise par les Etats-Unis d’accroître les sanctions économiques et le financement de l’opposition interne à Cuba.

Cette législation a pour but, comme le stipule l’Article 1, de « typifier et sanctionner les actes destinés à soutenir, faciliter ou collaborer avec les objectifs de la loi ‘Helms-Burton’, le blocus et la guerre économique contre [le] peuple [cubain], destinés à briser l’ordre interne, déstabiliser le pays et liquider l’Etat socialiste et l’indépendance de Cuba11 ».

La loi prévoit des sanctions de sept à quinze ans de privation de liberté pour toute personne qui « fournirait, directement ou par le biais d’un tiers, au gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, ses agences, dépendances, représentants ou fonctionnaires, des informations pour faciliter les objectifs de la loi ‘Helms-Burton’. Cette sanction sera de huit à vingt ans de prison si le délit est commis conjointement par plusieurs personnes ou s’il est stipendié d’une manière ou d’une autre12.

La législation n° 88 sanctionne d’une peine de trois à huit ans de prison le fait d’accumuler, reproduire ou diffuser du matériel à caractère subversif du « gouvernement des Etats-Unis, ses agences, dépendances, représentants, fonctionnaires ou de toute entité étrangère » dans le but de soutenir les objectifs des sanctions économiques et déstabiliser la nation. Les peines seront de quatre à dix ans d’emprisonnement si le délit est réalisé avec le concours d’autres personnes ou s’il est financé13.

Enfin, l’Article 11 stipule que « celui qui […] directement ou par le biais d’un tiers, reçoit, distribue ou participe à la distribution de ressources financières, matérielles ou autre, en provenance du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, ses agences, dépendances, représentants, fonctionnaires ou d’entités privées, est passible d’une privation de liberté de trois à huit ans14 ».

Ainsi, comme l’admet explicitement Amnesty International, les personnes qu’elle considère comme étant des « prisonniers d’opinion » ont en réalité commis un grave délit sévèrement sanctionné par la loi cubaine. Ce faisant, ils sont passés du statut d’opposants à celui d’agents stipendiés par une puissance étrangère et sont donc condamnables au regard de la justice cubaine. Les « prisonniers d’opinion » sont en réalité des mercenaires au service d’une puissance étrangère hostile et belliqueuse.

Spécificité pénale cubaine ?

Il convient également de souligner que les Etats-Unis ont été historiquement l’ennemi acharné de l’indépendance et de la souveraineté de Cuba. En 1898, Washington est intervenu dans la guerre anticoloniale cubaine pour empêcher les Cubains d’accéder pleinement à l’autodétermination et a occupé le pays jusqu’en 1902. Par la suite, Cuba est devenue une espèce de protectorat dominé politiquement et économiquement jusqu’en 1958. A partir de 1959, les Etats-Unis ont tout tenté pour détruire la Révolution cubaine : attentats terroristes, invasion armée, menace de désintégration nucléaire, sanctions économiques, guerre politique, médiatique et diplomatique et subversion interne.

Comme tout Etat responsable, le gouvernement révolutionnaire a adopté des mesures légales pour sa survie contre de tels agissements. Cependant, la législation pénale cubaine dispose-t-elle d’un caractère particulier ? Est-elle unique ? Voyons ce que prévoient les législations occidentales – qui, pourtant, ne font pas face aux mêmes menaces que Cuba – pour les individus qui se mettraient au service d’une puissance étrangère.

Le Code pénal étasunien

Aux Etats-Unis, de tels agissements sont fortement sanctionnés. Selon le paragraphe 951 du Code pénal, « quiconque, autre qu’un fonctionnaire diplomatique ou consulaire ou attaché, agit aux Etats-Unis en tant agent d’un gouvernement étranger sans notification préalable au Ministre de la Justice […] est passible à ce titre d’une peine pouvant atteindre dix ans de prison ». Le point e/2/A du paragraphe précise que « toute personne engagée dans une transaction commerciale légale doit être considérée comme un agent d’un gouvernement étranger […] s’il s’agit d’un agent de Cuba ». Ainsi, un Cubain qui achèterait un appareil médical aux Etats-Unis pour un hôpital de La Havane est légalement passible d’une peine pouvant atteindre dix ans de prison15.

Le paragraphe 953, connu sous le nom de loi Logan, stipule que « tout citoyen des Etats-Unis, quel qu’il soit, qui, sans autorisation des Etats-Unis, entreprend ou maintient, directement ou indirectement, une correspondance ou une relation avec un gouvernement étranger ou tout fonctionnaire ou agent de celui-ci, dans l’intention d’influencer les mesures ou la conduite d’un gouvernement étranger ou de tout fonctionnaire ou agent de celui-ci, par rapport à un conflit ou une controverse avec les Etats-Unis » est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison16.

Si une telle loi était appliquée à Cuba, l’immense majorité de ce que la presse occidentale considère comme étant la « dissidence cubaine » se trouverait sous les verrous. En effet, les opposants cubains se réunissent régulièrement avec le représentant des Etats-Unis à La Havane, Michael Parmly, dans les bureaux de la Section d’intérêts nord-américains (SINA) ou même dans la résidence personnelle de celui-ci.

Le paragraphe 954 prévoit une peine de dix ans de prison pour toute personne qui émettrait de « fausses déclarations » dans le but de porter atteinte aux intérêts des Etats-Unis dans ses relations avec une autre nation17. Là encore, si l’opposant Oswaldo Payá – qui accuse le gouvernement cubain d’être responsable de disparitions et d’avoir assassiné plus de « vingt enfants » – était soumis à une législation aussi sévère que celle des Etats-Unis, il serait actuellement en prison, sans susciter aucun émoi auprès des âmes bien-pensantes occidentales. Pourtant le plus célèbre des dissidents cubains n’a jamais été inquiété par la justice cubaine, car celle-ci n’a pas de preuves qu’il reçoit de l’argent d’une puissance étrangère. A titre de comparaison, Raúl Rivero, qui était un opposant relativement modéré et frileux par rapport à Payá, avait été condamné à vingt ans de prison (et libéré un an plus tard) car il avait accepté les généreux émoluments offerts Washington18.

Le paragraphe 2 381 stipule que « quiconque, devant allégeance aux Etats-Unis, mène une guerre contre le pays ou s’associe à ses ennemis, en leur fournissant une aide et un soutien aux Etats-Unis ou ailleurs, est coupable de trahison et est passible de la peine de mort, ou d’une peine de prison supérieure à cinq ans19 ».

Ainsi, si des citoyens étasuniens avaient eu les mêmes agissements que les individus reconnus coupables d’association avec une puissance étrangère par la justice cubaine, ils risqueraient la peine capitale. Le paragraphe 2 385 prévoit une peine de vingt ans de prison pour toute personne prônant le renversement du gouvernement ou de l’ordre établi20.

Comme cela est aisément constatable, le code pénal étasunien est, à maints égards, bien plus sévère que la législation cubaine.

La legislation pénale française

Le Code pénal français prévoit également des sanctions extrêmement sévères en cas d’association avérée avec une puissance étrangère. Selon l’article 411-4,

« Le fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France, est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait de fournir à une puissance étrangère, à une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents les moyens d’entreprendre des hostilités ou d’accomplir des actes d’agression contre la France21 ».

La loi française est, à cet égard, plus sévère que la législation cubaine.

La loi espagnole

Le Code pénal espagnol de 1995 prévoit des sanctions sévères pour ces mêmes délits. Selon l’Article 592, « les personnes maintenant des intelligences ou des relations de tout type avec des gouvernements étrangers, avec leurs agents ou avec des groupes, organismes ou associations internationales ou étrangères, dans le but de porter préjudice à l’autorité de l’Etat ou de compromettre la dignité ou les intérêts vitaux de l’Espagne, seront punis d’une peine de prison de quatre à huit ans22 ».

L’Article 589 prévoit une peine de un à trois ans de prison pour « toute personne qui publierait ou exécuterait en Espagne n’importe quel ordre, disposition ou document d’un gouvernement étranger qui porte atteinte à l’indépendance ou à la sécurité de l’Etat, s’oppose au respect de ses lois ou provoque leur violation23 ». Si les fameuses Dames en Blanc cubaines avaient eu le même comportement en Espagne, elles seraient privées de liberté.

Le Code pénal belge

Le Chapitre II de la législation belge qui traite « des crimes et des délits contre la sûreté extérieure de l’Etat » et plus précisément l’Article 114, stipule que « quiconque aura pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou avec toute personne agissant dans l’intérêt d’une puissance étrangère, pour engager cette puissance à entreprendre la guerre contre la Belgique, ou pour lui en procurer les moyens, sera puni de la détention de vingt ans à trente ans. Si des hostilités s’en sont suivies il sera puni de détention à perpétuité24 ».

La législation italienne

Selon l’Article 243 du Code pénal italien, « quiconque entretient des intelligences avec l’étranger dans le but qu’un Etat étranger déclare la guerre ou réalise des actes d’hostilité contre l’Etat italien, ou bien commette d’autres faits dans le même but, est puni à une réclusion non inférieure à dix ans. Si la guerre s’ensuit, la peine de mort est appliquée [1] ; si les hostilités se vérifient, la réclusion criminelle à perpétuité est appliquée. [1] La peine de mort est supprimée et substituée par la réclusion à perpétuité25 ».

L’Article 246 traite du financement du citoyen par une puissance étrangère : « Le citoyen, qui, même indirectement, reçoit ou se fait promettre de l’étranger, pour lui-même ou pour autrui, de l’argent ou n’importe quel article, ou en accepte seulement la promesse, afin de commettre des actes contraires aux intérêts nationaux, est sanctionné, si le fait ne constitue pas l’acte le plus grave, de la réclusion de trois à dix ans ». La peine est augmentée si « l’argent ou l’article sont remis ou promis par le biais d’une propagande avec le moyen de la presse26 ».

Ainsi, la législation italienne est bien plus sévère que la loi cubaine. Si les célébrissimes dissidents tels que Payá, Marta Beatriz Roque ou Elizardo Sánchez se trouvaient en Italie, ils seraient en prison et non pas en liberté.

La loi suisse

Même la pacifique Suisse prévoit des sanctions pour délit d’association avec une puissance étrangère. L’Article 266 du Code pénal stipule que :

« 1. Celui qui aura commis un acte tendant à porter atteinte à l’indépendance de la Confédération ou à mettre en danger cette indépendance, ou à provoquer de la part d’une puissance étrangère, dans les affaires de la Confédération, une immixtion de nature à mettre en danger l’indépendance de la Confédération, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins.

2. Celui qui aura noué des intelligences avec le gouvernement d’un Etat étranger ou avec un de ses agents dans le dessein de provoquer une guerre contre la Confédération sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au moins.

Dans les cas graves, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté à vie ».

L’Article 266 bis est également très clair :

« 1 Celui qui, à l’effet de provoquer ou de soutenir des entreprises ou menées de l’étranger contre la sécurité de la Suisse, sera entré en rapport avec un Etat étranger, ou avec des partis étrangers, ou avec d’autres organisations à l’étranger, ou avec leurs agents, ou aura lancé ou propagé des informations inexactes ou tendancieuses, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Dans les cas graves, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté d’un an au moins27 ».

La législation suédoise

En Suède, le Code Pénal prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement pour « celui qui perçoit de l’argent ou d’autres dons d’une puissance étrangère ou de quiconque agit dans l’intérêt de celle-ci, afin de publier ou diffuser des écrits, ou d’influencer de quelque façon que ce soit l’opinion publique en ce qui concerne l’organisation interne de l’Etat28 ».

Cette démocratie scandinave sanctionne également « celui qui propage ou transmet à des puissances étrangères ou à leurs agents des informations inexactes ou tendancieuses, dans le but de créer des menaces pour la Sécurité de l’Etat ». Enfin, une peine allant de dix ans à la réclusion criminelle à perpétuité est appliquée à « celui qui constitue une menace contre la sécurité de l’Etat pour avoir utilisé des moyens illégaux avec l’appui d’une puissance étrangère29 ».

Agents au service d’une puissance étrangère et non « prisonniers d’opinion »

Les exemples pourraient être multipliés à l’infini. Dans n’importe quel pays du monde, l’association avec une puissance étrangère est sévèrement sanctionnée par la loi et il n’est donc point possible d’accorder le qualificatif de « prisonniers d’opinion » aux individus stipendiés par un gouvernement étranger, comme cela est le cas pour les détenus cubains, ce que reconnaît d’ailleurs très honnêtement Amnesty International.

Amnistie Internationale est une organisation réputée pour son sérieux, son professionnalisme et son impartialité. Mais le traitement qu’elle réserve à Cuba est sujet à caution. Afin de continuer à jouir du même prestige et de la même objectivité, AI serait avisée de reconsidérer, sans plus attendre, son jugement à l’égard de ceux qu’elle considère comme étant des « prisonniers d’opinion » à Cuba, car la double mesure n’est pas acceptable.


Notes

1 Amnesty International, « L’histoire d’Amnesty International », pas de date. http://www.amnesty.org/fr/who-we-are/history (site consulté le 23 avril 2008).

2 Amnesty International, « Cuba. Rapport 2007 », avril 2007. http://www.amnesty.org/fr/region/americas/caribbean/cuba#report (site consulté le 23 avril 2008).

3 Amnesty International, « Cuba. Cinq années de trop, le nouveau gouvernement doit libérer les dissidents emprisonnés », 18 mars 2008. http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/cuba-cinq-ann%C3%A9es-de-trop-le-nouveau-gouvernement-doit-lib%C3%A9rer-les-dissid(site consulté le 23 avril 2008).

4 Ibid.

5 Salim Lamrani, Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme (Paris : Editions Estrella, 2008), pp. 45-55.

6 Cuban Democracy Act, Titre XVII, Section 1705, 1992.

7 Helms-Burton Act, Titre I, Section 109, 1996.

8 Colin L. Powell, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, mai 2004). www.state.gov/documents/organization/32334.pdf (site consulté le 7 mai 2004), pp. 16, 22.

9 Roger F. Noriega, « Assistant Secretary Noriega’s Statement Before the House of Representatives Committee on International Relations », Department of State, 3 mars 2005. www.state.gov/p/wha/rls/rm/2005/ql/42986.htm (site consulté le 9 avril 2005).

10 Condolezza Rice & Carlos Gutierrez, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, juillet 2006). www.cafc.gov/documents/organization/68166.pdf (site consulté le 12 juillet 2006), p. 20.

11 Gaceta Oficial de la República de Cuba, Ley de protección de la independencia nacional y la economía de Cuba (LEY NO 88), 15 mars 1999.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Ibid.

15 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 45, § 951.

16 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 45, § 953.

17 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 45, § 954.

18 El Nuevo Herald, “Mensaje de Payá destaca que en la isla hay desaparecidos”, 18 mars 2005, p. 23A.

19 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 115, § 2381.

20 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 115, § 2385.

21 Code Pénal Français, Livre IV,Chapitre I, Section 2, Article 411-4.

22 Code Pénal Espagnol de 1995, chapitre II, Article 592.

23 Code Pénal Espagnol de 1995, chapitre II, Article 589.

24 Code Pénal Belge, Chapitre II, Article 114.

25 Code Pénal Italien, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 243.

26 Code Pénal Italien, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 246.

27 Code Pénal Suisse, Article 266.

28 Code Pénal Suédois, Chapitre 19, Article 13.

29 Code Pénal Suédois, Chapitre 19, Article 8.


Salim Lamrani est enseignant, essayiste et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a publié Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises, 2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli, 2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin : Le Temps des Cerises, 2006).

Il vient de publier Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme (Paris : Editions Estrella, 2008).

Contact : lamranisalim@yahoo.fr


À lire aussi : Cuba, 50 ans de révolution dans : L’Humanité.

Sarkozy pour l’ingérence et/ou l’indifférence

Sarkozy déclarait hier le 2 février que le principe de non-ingérence et de non-indifférence, ce n’était pas son truc. Pas compliqué. Faites l’équation et vous n’arrivez qu’à cette conclusion. Sarkosy est pour l’ingérence et/ou l’indifférence. Faites votre choix !

Irez-vous voir le film de Denis Villeneuve ?

Irez-vous voir le film de Denis Villeneuve sur le tragique événement de Polytechnique en décembre ’89, est désormais la question de l’heure au Québec. Personnellement je crois bien que j’irai voir le film malgré le fait que j’ignore son impact réel sur la société, sur sa possibilité de changer ce que les événements eux-mêmes n’ont pas réussi à changer. Le film aura sans doute le mérite de nous rappeler, au moins, que les pensées morbides et maladives qui habitaient Marc Lépine, prenaient leurs sources dans une réalité sociale toujours présente aujourd’hui, malgré les progrès accomplis.

Misogyne et déséquilibré sont les expressions les plus courantes pour caractériser la nature du geste de Marc Lépine. Une manière croiront certains de faire valoir qu’il s’agit d’un cas isolé. Néanmoins, en s’attaquant uniquement à des femmes et en les identifiant comme responsables de ses propres malheurs, Lépine véhiculait une rengaine systémique entretenue par des politiques et des pratiques discriminatoires envers les femmes. Des pratiques qui acceptent mal l’entrée des femmes sur le marché du travail et qui justifient par de soi-disant contraintes économiques, l’iniquité salariale envers les femmes. Ne devrait-on pas en fait, parler de misogynie sociale ?

Irez-vous voir le film Polytechnique ? Je l’ignore bien sûr. Mais pourrions-nous faire quelque chose tous ensemble pour que Stephen Harper, dont le discours du trône de novembre 2009 trouve encore le moyen de ne pas respecter la politique d’équité salariale, aille voir le film de Denis Villeneuve ? Pourrions-nous faire quelque chose pour que le journaliste Sylvain Bouchard de 93,3 FM (et ses patrons), qui s’insurge publiquement, en s’adressant directement à des ados, du fait qu’un manuel scolaire souligne le bon travail de Françoise David, pour la défense du droit des femmes, aille voir le film lui aussi ?

L’éducation justement, en général, est à la base des valeurs qu’on enseigne aux enfants. Hélas, l’éducation sera toujours le reflet des intérêts que la société dessert en premier lieu. Est-ce à dire qu’il n’y a rien à faire ? Non, bien au contraire. Une chance qu’il y a encore des personnes comme Françoise David qui le comprennent.

Assemblée publique avec Amir Khadir

Assemblee publique avec Amir Khadir
Le 5 fevrier a 19 heures
Université de Montréal.

L’économie solidaire: utopie ou nécessité?
Venez rencontrer et en discuter avec le premier
député solidaire a l’Assemblée nationale.

Lieu: Pavillon Jean Brillant
3200 rue Jean Brillant, salle B-2245
.

Pour plus d’infos:
Delice Mugabo 514-678-6846
outremont@quebecsolidaire.net

La face cachée du budget Flahorty

Il n’y a pas de mots assez gentils pour qualifier l’événement : l’hypocrisie de Harper, la trahison d’Ignatieff, le complot de la droite… nommez-les. Nous venons d’assister à l’un des pires scénarios budgétaires que l’histoire moderne a rédigé pour le pays.

Dans un excellent article publié hier, Michel Chossudovsky, professeur d’économie à l’Université d’Ottawa révèle ce que le Parti libéral et les médias se sont bien gardés de rendre publique, avant le vote à la chambre des communes. Voyons maintenant comment Ignatieff qui prétend avoir mis le gouvernement en probation réagira. Oups ! Voilà une phrase de trop, car nous le savons bien comment il réagira, puisqu’il n’était pas sans connaître le véritable contenu du budget Flahorty. Voici l’article au complet de Michel Chossudovsky dont l’original fut publié dans L’Aut’ journal. Les parties soulignées l’ont été par moi.

« 200 milliards aux banques!

Les médias ont fait grand cas du déficit de 85 milliards sur cinq ans du budget Flaherty, mais ils ont complètement passé sous silence le montant faramineux de 200 milliards $ (12 pour cent du PIB) prévu dans ce que le gouvernement appelle un « Cadre de financement exceptionnel » pour venir en aide aux institutions financières canadiennes. En soi, ce transfert monétaire auprès des banques est la principale cause du déficit budgétaire et de l’endettement du gouvernement fédéral.

Déjà, le gouvernement Harper avait débloqué en catimini un premier montant de 25 milliards $ le 10 octobre dernier, puis un autre de 50 milliards le 12 novembre, pour racheter des prêts hypothécaires des institutions financières. Malgré l’importance des montants en jeu, ni les partis d’opposition, ni les médias n’ont crû bon de poser des questions au gouvernement, d’analyser les implications de cette « aide » aux grandes banques canadiennes.

Dans son budget, le ministre des Finances Jim Flaherty en rajoute. « Le gouvernement, peut-on y lire, achètera pour 50 milliards de dollars de blocs de prêts hypothécaires assurés au cours de la première moitié de 2009-2010 aux termes du Programme d’achat de prêts hypothécaires (PAPH) assurés. Cette somme s’ajoutera aux 75 milliards de prêts dont l’achat a déjà été autorisé, ce qui portera la taille du programme à 125 milliards. »

Le Cadre de financement exceptionnel comprend également, entre autres, un montant de « 12 milliards de dollars à la nouvelle Facilité canadienne de crédit garanti en vue de l’achat de titres à terme adossés à des prêts et à des baux portant sur des véhicules et du matériel ».

En fait, l’ensemble des mesures proposées représente un montant global de 200 milliards de dollars « afin d’appuyer l’offre de financement aux particuliers et aux entreprises ».

Le ministre des Finances affirme que « les emprunts contractés par le gouvernement pour financer les opérations du Programme d’achat de prêts hypothécaires (PAHP) et pour aider la Banque du Canada à injecter des liquidités dans le système financier n’augmentent pas la dette fédérale, soit le déficit accumulé, puisqu’ils sont compensés par des actifs financiers portant intérêt ». Cette interprétation est douteuse. Le déficit budgétaire augmentera en flèche afin de financer les banques.

Le gouvernement finance son propre endettement

Les bénéficiaires du renflouage bancaire sont également les créanciers du gouvernement fédéral. Les banques à charte sont les courtiers de la dette publique fédérale. Elles vendent des bons du Trésor et des obligations au nom du gouvernement. Elles détiennent aussi une portion de la dette publique.

Ironiquement, les banques prêtent de l’argent au gouvernement fédéral pour financer le plan de sauvetage et grâce à l’argent récolté par la vente d’obligations et de bons du Trésor, le gouvernement finance le plan de sauvetage par le biais de la Société centrale d’hypothèque et de logement. C’est un processus circulaire. Les banques sont à la fois les bénéficiaires du renflouage et les créanciers de l’État. Dans un sens, le gouvernement fédéral finance son propre endettement.

Même si les procédures liées au plan de sauvetage canadien diffèrent de celles du Trésor américain sous le Plan de sauvetage des actifs à risque (Troubled Assets Relief Program ou TARP), elles tendent vers un même but. Les deux programmes contribuent à la centralisation des banques et à la concentration de la richesse financière.

Sous le TARP, quelque 700 milliards de dollars du plan de sauvetage ont été alloués aux principales banques de Wall Street. La population canadienne représente environ 11 % de celle des États-Unis. Le premier plan de sauvetage canadien de 75 milliards est inférieur d’un peu moins de 11 % à celui de 700 milliards des États-Unis.

Aucun débat parlementaire

Le plan de sauvetage américain de 700 milliards, sous le Plan de sauvetage des actifs à risque, a fait l’objet d’un débat et d’une législation au Congrès.
Au Canada, au contraire, 75 milliards de dollars ont été octroyés en pleine campagne électorale aux banques à charte, sans que la population canadienne en soit dûment informée.

À cet égard, la presse financière et les médias canadiens ont une part de responsabilité. L’affaire a à peine été mentionnée et est passée pratiquement inaperçue, quelques jours avant une élection fédérale.

La couverture médiatique a été infime. Il n’y a pas eu de débat parlementaire. Aucune discussion, aucun débat, contrairement à ce que l’on aurait dû s’attendre des partis d’opposition, que ce soit avant ou après une campagne électorale.

Personne ne semble avoir remarqué quoi que ce soit. La plupart des Canadiens ne savaient pas qu’il y avait un plan de sauvetage de 75 milliards des institutions financières canadiennes.

On nous présente tout bonnement cette décision comme un effort « visant à réduire le resserrement du crédit » et à encourager les banques canadiennes à « délier les cordons de leur bourse et à prêter davantage aux entreprises et aux consommateurs ».

Le programme encourage la centralisation et la concentration de la richesse financière au détriment de l’économie réelle.

Les fusions et les acquisitions

Nous ne sommes pas face à un déficit budgétaire de style keynésien, lequel stimule les investissements et la demande de biens de consommation et mène à une augmentation de la production et de l’emploi.

Alors que le plan de sauvetage des banques constitue une composante des dépenses publiques, il ne servira pas à relancer l’économie. Le plan de sauvetage est un « cadeau » auprès des banques.

Les banques à charte canadiennes utiliseront l’argent du renflouage à la fois pour consolider leur position et financer l’acquisition de plusieurs institutions financières américaines « en difficulté ».

Par exemple, en 2008, TD Canada Trust a acquis la Commerce Bancorp du New Jersey, ce qui en fait la deuxième plus importante transaction canadienne d’un processus de fusions et d’acquisitions évaluée à 8,6 milliards de dollars US (Market Wire, 12 janvier 2009).

La filiale de la Banque Royale (RBC) à New York, RBC Centura, a acquis la Alabama National Bancorp pour un modeste 1,6 milliards de dollars. La Réserve fédérale a approuvé l’acquisition le 5 février 2008 (Florida Today, 12 février 2008).

En octobre 2008, la Banque Royale a annoncé qu’« elle avait complété l’acquisition de la division canadienne de ABN AMRO oeuvrant dans la location de locaux commerciaux et fournissant des crédits d’équipement aux compagnies canadiennes (Canada Newswire, 2 October 2008).

La déstabilisation de la structure fiscale fédérale

Il s’agit de la plus sérieuse crise de la dette publique dans l’histoire du Canada.

Le plan de sauvetage déstabilise la structure fiscale fédérale incluant la péréquation (transferts aux provinces). Il entraîne une montée en flèche du déficit budgétaire, lequel doit être financé aux dépens des contribuables. C’est toute la structure des finances publiques qui en affectée.

Le renflouage de 200 milliards de dollars sera d’une part financé par l’augmentation de la dette publique et d’autre part par des coupures dans les dépenses incluant les transferts aux provinces.

On peut s’attendre à un mélange de compressions budgétaires combinées à une hausse de la dette publique. La plupart des catégories de dépenses publiques (excluant la Défense) en seront probablement affectées.

La structure fiscale fédérale est compromise. La montée en flèche du déficit budgétaire finance le plan de sauvetage bancaire.

D’une coalition à l’autre

La question n’était plus de savoir si Ignatieff appuierait le budget et par le fait même, le gouvernement Harper, mais bien comment il s’y prendrait pour le faire sans trop perdre la face. Aidé par l’appui au budget des provinces de l’Ouest et de l’Ontario qui n’ont que faire des récriminations du Québec selon lequel ce budget lui fera perdre près d’un milliard de dollars d’ici deux ans, Ignatieff y trouve une belle occasion de refaire l’image des Libéraux à l’Ouest. D’abord en gardant le silence sur les demandes de Québec. Ensuite, en endossant le budget pour se montrer ‘responsable’ et tenter de prendre le crédit des investissements dans l’économie.

Cette porte de sortie, tous les médias bien ancrés sur les positions de la droite ne cessent de la lui suggérer depuis hier, en commençant par Radio-Canada et son journaliste Michel Auger. Celui-ci affirmait que le seul choix véritable d’Ignatieff se situait entre l’appui au budget, avec quelques amendements de cosmétiques, et la décision de replonger le pays dans une crise politique qui empêcherait la mise en oeuvre rapide de mesures venant soi-disant en aide aux victimes de la crise.

Rendons claire une question au départ. Ce budget n’a rien d’un budget de sortie de crise. Donnant à gauche et à droite sans plan réel de développement, le gouvernement Harper qui, il y a quelques semaines encore affirmait que le prochain budget ne serait pas déficitaire, nous annonce maintenant un déficit de près de 34 milliards de dollars. Par son appui, Ignatieff dévoile le jeu qu’il a gauchement tenté de cacher depuis sa nomination à la tête du Parti libéral : sa décision de maintenir les Conservateurs au pouvoir plutôt que de participer à une coalition Libéral-NPD. En votant pour un budget électoraliste, toujours aussi revanchard envers le Québec et qui poursuit des visées néolibérales dans le domaine de l’environnement, Ignatieff vient d’assurer les grandes entreprises industrielles et financières, qu’il sera, à la tête du Parti libéral, un fidèle serviteur de leurs intérêts et un instrument de rechange valable, lorsque celles-ci le jugeront utile.

N’oublions pas par ailleurs que dans son discours du trône d’il y a deux jours, le gouvernement conservateur souligna le fait qu’à l’égard de toutes les autres questions, non budgétaires, il fallait s’en remettre au discours du trône de novembre 2008. Ce même discours qui fut le déclencheur d’une crise politique momentanée et de l’idée même d’une coalition Libéral-NPD. Il ne s’agissait pas que d’économie. Il s’agissait aussi de la non-confiance envers les Conservateurs qui venaient de rendre public leur ‘agenda’ caché hostile à l’équité salariale et au droit de grève dans la fonction publique ; menaçant de mettre un terme au financement des partis politiques. Des mesures que le gouvernement Harper attend désormais l’occasion de mettre en application.

En se peinturant dans un coin, les Libéraux pourraient avoir une belle surprise. La coalition Libéral-NPD étant morte pour TRÈS longtemps, la seule alternative des Libéraux face aux Conservateurs sera désormais des élections générales.

La question pour le Parti libéral : Sera-t-il prêt, le moment venu ?
La question pour les Canadiens : Voter Libéral changera-t-il vraiment quelque chose ?

De l’ALENA à l’ACIMMO

Un des aspects les plus marquants du phénomène de la mondialisation concerne les droits jugés «fondamentaux» des investisseurs sur ceux des gouvernements en place. Le chapitre 11 de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) consacre ce principe en autorisant les investisseurs à poursuivre les États dont la législation serait considérée comme une entrave au libre-échange commercial prévu dans l’Accord. La poursuite de Myers, une entreprise de l’Ohio contre le gouvernement canadien démontre qu’il ne s’agit pas ici d’une question purement hypothétique.

Gênés par ce genre de situation, les représentants canadiens ont tenu des propos modérés, face au chapitre 11 de l’ALENA. Mais ce n’était qu’une gêne. En réalité, le gouvernement appuie le principe général de la primauté du commerce sur les États en favorisant son adoption dans toutes les zones de libre-échange.

Et voilà que les dirigeants provinciaux s’apprêtent à étendrent ce principe aux relations interprovinciales, en négociant l’ ACIMMO (Accord sur le commerce intérieur et la mobilité de la main d’oeuvre). Une telle entente fut déjà signée entre la Colombie-Britannique et l’Alberta. Des discussions sont en cours entre le Québec et l’Ontario.

Des discussions opaques et secrètes qui suscitent l’opposition partout à travers le pays..


À lire : L’ACIMMO entre officiellement en vigueur le 1er avril 2009. À lire à ce propos l’édito du 4 avril 2009.

Personnalité de l’année : Bill Clennett en lice

Nous reproduisons ci-bas le texte lui rendant hommage, publié dans Le Droit
du 18 février 2008.

Le Droit

Personnalité, lundi, 18 février 2008, p. 15

Bill Clennett

Ardent défenseur de causes sociales

Thériault, Charles

Aujourd’hui, LeDroit et Radio-Canada veulent souligner la détermination et
l’engagement social du Gatinois Bill Clennett en le nommant Personnalité de
la semaine

Bill Clennett n’aime pas jouer les vedettes. Il est visible dans les médias
parce qu’il est actif et qu’il croit dans les causes qu’il défend mais
c’est bien malgré lui qu’il a été connu à la grandeur du pays à la suite de
l’incident impliquant l’ancien premier ministre canadien, Jean Chrétien, en
1996.

Notre personnalité de la semaine LeDroit/Radio-Canada a remporté récemment
une importante bataille lorsque Loto-Québec a été forcée de dévoiler ses
statistiques sur les suicides et tentatives de suicides survenus dans les
casinos de la province, dont celui du Lac Leamy.

Originaire de Montréal, William Clennett a grandi dans le quartier très
anglophone de Notre-Dame-de-Grâce. Jusqu’à l’adolescence, il ne parlait pas
un mot de français. « Nous étions douze enfants à la maison. Mon père était
comptable en chef à la Banque Royale mais nous étions une famille de la
classe moyenne. Dans le quartier Notre-Dame de Grâce, j’avais plein d’amis
mais lorsque mes parents ont décidé de déménager à Dorval pour avoir une
plus grande maison, je n’ai pas accepté ce changement. J’avais 11 ou 12 ans
et je changeais de milieu et je perdais mes amis. Durant mon adolescence,
c’était la période des grandes contestations et j’ai commencé à prendre
conscience de certaines choses et je m’ennuyais de plus en plus à l’école.
Je suis allé au cégep durant un an, puis j’ai décroché pour voyager à
travers le Canada », raconte M. Clennett.

Arrivée dans l’Outaouais

Au cours de son adolescence, Bill Clennett a travaillé comme moniteur dans
un camp pour déficients intellectuels, à Saint-Lazare, près de Rigaud.
« C’était un camp bilingue mais plus anglophone que francophone. J’ai
commencé à apprendre le français graduellement. Ce camp a fusionné avec un
camp semblable à Hull et le tout est devenu le Camp Gatineau qui existe
toujours aujourd’hui, dans le parc de la Gatineau. C’est ainsi que je suis
arrivé dans l’Outaouais, à la fin des années 1960. Le Camp Gatineau étant
plus francophone, ça m’a incité encore plus à parler français et à
découvrir la culture francophone. En 1971, j’ai décidé de m’établir en
Outaouais et j’ai travaillé au Pavillon Claude qui est devenu le Pavillon
du Parc », ajoute-t-il.

Malgré son manque de formation dans le domaine, Bill Clennett a appris à
travailler avec les personnes handicapées et il a réalisé à quel point ce
sont des personnes attachantes. « Il y avait un grand vent de changement
dans la façon de traiter les handicapés intellectuels. C’était très
stimulant car j’ai participé à tous ces changements. Je me suis lancé à
fond là-dedans ».

Mais Bill Clennett peut difficilement s’empêcher de contester le système
dans lequel il vit et après quatre ans au Pavillon du Parc, il quitte parce
qu’il n’était plus d’accord avec les méthodes de travail utilisées. Après
avoir voyagé un peu, il entame des études en sciences politiques à
l’Université d’Ottawa mais la naissance de sa fille est venue tout
chambouler. Il décide donc de rester à la maison pour s’en occuper alors
que son ex-conjointe retournait au travail.

Implication sociale

« Durant cette période, j’ai rencontré le père Isidore Ostiguy, un prêtre
capucin qui s’intéressait beaucoup aux questions de logement. J’ai aussi
découvert le milieu populaire en participant aux réunions du conseil
d’administration de la garderie de ma fille. Isidore Ostiguy était actif au
sein du groupe Logemen’Occupe et il m’a proposé d’embarquer dans cet
organisme. Je ne connaissais rien aux questions de logement et j’ai appris
sur le tas. Au début j’avais un très petit salaire mais on a réussi à
trouver un meilleur financement et donner une structure plus solide à
Logemen’Occupe ».

Bill Clennett a passé presque dix ans à la tête de Logemen’Occupe. Il y a
mené plusieurs batailles pour la défense des droits des locataires et pour
favoriser un meilleur accès au logement social. Suivant l’exemple du Front
d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) de Montréal,
Logemen’Occupe a organisé des dizaines de manifestations, parfois
spectaculaires et originales mais jamais violentes. « Je trouvais que
l’élément visuel était très important pour expliquer le problème. Quand on
a construit un village de sans-abri sur la rivière des Outaouais, au
courant des années 1990, on voulait démontrer leur situation. Les dernières
années du gouvernement conservateur de Brian Mulroney ont été très
difficiles car le gouvernement fédéral a diminué, puis aboli les
subventions au logement social. On a essayé de lutter contre cela. Et cette
lutte m’a amené à réfléchir et à prendre un certain recul. J’ai quitté
Logemen’Occupe et un peu plus tard, je me suis joint à l’Association de
défense des droits sociaux (ADDS) parce que je me suis rendu compte que les
questions de sécurité du revenu étaient devenues très importantes. Les
coupures dans l’aide sociale et l’assurance-chômage faisaient très mal aux
gens », a-t-il ajouté.

Sa lutte l’a amené à témoigner en commission parlementaire sur un projet de
loi sur la lutte à la pauvreté, au moment où le Parti québécois était au
pouvoir. L’ancienne ministre Louise Harel y participait et Bill Clennett
l’a mise en contradiction avec ses propres déclarations. « J’ai fait
témoigner Mme Harel contre Mme Harel. En commission parlementaire, j’ai
fait jouer des enregistrements de ses déclarations au moment où elle était
dans l’opposition. Le PQ était en train de faire ce qu’il reprochait aux
libéraux, quelques années auparavant ».

M. Clennett se rend bien compte qu’il est difficile de mener toujours de
telles luttes. « En fait, ça vingt ans que je rame à contre-courant.
Maintenant, en me joignant au parti Québec Solidaire, je sais bien que je
ne suis près de prendre le pouvoir. Mais on peut avoir une influence
politique sans être élu », a-t-il conclu.


Source : Québec solidaire

Belém – au Brésil

FORUM SOCIAL MONDIAL

La crise, arme de transformation massive ?

Lu dans L’Humanité

Comme il se doit, à la une de l’actualité mondiale cette semaine, loin devant le sourire du 44è président (à se présenter en rupture des 43 précédents) et les résultats de la 22è journée de ligue 1, vous trouverez l’événement, la une, le choc de la semaine. LE sujet de conversation qui occupera toutes les rédactions à partir de demain. Cette actualité d’envergure internationale, et qui augure de figurer dans le Top Ten des sujets les plus traités de la semaine prochaine, tient en cinq lettres : BELEM. C’est quoi Belém ? Belém, capitale de l’Etat du Pará, extrême nord du Brésil, accueille du 27 janvier au 1er février le Forum Social Mondial. Autrement dit, le rendez-vous mondial des « altermondialistes » comme on les appelle (et comme ils le récusent parfois).

Après Nairobi en 2007 ou Porto Allegre qui a marqué les mémoires de 2001 à 2005, Belém sera cette semaine le théâtre de la 8è rencontre mondiale des forces du mouvement social, les plus internationaux des alters. Ce sont donc les associations, les réseaux, les ONG, les syndicats de (presque) tous pays qui se retrouvent pour échanger, débattre, proposer et (se) mobiliser ensemble, sur tous les thèmes et sur tous les tons, sur tous les peines et sur tous les fronts. Car il s’agit de parler de climat comme de démocratie, de guerre comme de travail, d’éducation, de droits, de paix et de pain, d’art et d’émancipation, de nouvelles formes de lutte aussi et, évidement, de la star des Top Ten médiatiques la moins sexy du moment : de la crise et de ce que l’on peut en faire.

Car certains ne sont pas loin de penser qu’on peut justement en faire quelque chose de séduisant, de croustillant, une arme de transformation massive se murmure t-il. En tout, on atteint les 2000 séminaires et ateliers ou rencontres, l’alter va devoir se faire ubiquiste. En un mot, le FSM 2009

Or…au cas où vous parviendriez à passer à côté de l’Evènement dans la grande multiplicité des couvertures médiatiques qui caractérise notre hexagone de la diversité, au cas où vous seriez débordé par les arbres qui tombent et autres remaniements ministériels -personne n’est parfait- vous trouverez ici un petit coin d’Amazonie. Chroniques sur le vif, interviews, conversations, enjeux, décisions et déboires du World Social Forum. Voila ce que vous propose cet espace le temps d’une semaine brésilienne où, au son de la samba, j’irai de ville en ville (et de rencontre en rencontre) pour apprendre le pas du WSF. Rejoignez-moi, rejoignez-nous car les alters sont attendus par milliers. Mais d’abord, il faut traverser l’Atlantique… Allez, comme on dit à Rio, Tchau !

Emmanuelle Reungoat pour humanite.fr
Chercheuse en science politique à l’Université Paris 1, et membre de la Fondation Copernic.


Des Canadiens et Québécois à Belém. Vous pouvez suivre l’évolution de la discussion ici.

Harcèlement racial – Poursuite contre le syndicat de la SQ

Le journal Le Devoir rapportait aujourd’hui un cas de harcèlement racial ayant amené un policier à poursuivre le Syndicat des politiciers de la Sûreté du Québec.

Voici le texte du Devoir signé Stéphane Baillargeon.


Un policier de la Sûreté du Québec (SQ) d’origine iranienne poursuit son syndicat à hauteur de 5,4 millions de dollars pour ne pas l’avoir représenté adéquatement dans une longue histoire de harcèlement racial. Du même coup, Merhdad «Mikel» Golzarian demande à la Cour supérieure d’invalider la loi qui régit le forum de règlement de grief impliquant les quelque 5000 policiers de la SQ parce qu’elle serait partiale et incompatible, tant avec les règles de justice naturelle qu’avec les Chartes canadienne et québécoise des droits de la personne.

La cause sera entendue à compter de lundi. Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, qui appuie la démarche du plaignant, a annoncé son intention de soulever prochainement à l’Assemblée nationale la constitutionnalité du régime syndical de la SQ.

«Il y avait un vice de fond majeur dans le processus des griefs, qui ont donc été abandonnés, et depuis ce temps je suis victime de représailles et d’intimidation», a résumé hier matin à Montréal M. Golzarian en rencontrant la presse. «Depuis dix ans, je suis pris dans une « procédurite » judiciaire. Je ne sais plus comment m’en sortir à part en soulevant l’opinion publique.»

Reprenons. Sitôt embauché par la Sûreté du Québec, dans le cadre d’un programme d’accès à l’égalité pour les communautés culturelles, Merhdad «Mikel» Golzarian dit avoir subi des «actes de harcèlement racial, de traitement différentiel et de marginalisation». Un collègue a jeté son uniforme aux poubelles en lui déclarant face à face que c’est là qu’était «la place des immigrants». Son casier au complet a été jeté aux ordures. Le policier qui travaillait à Saint-Hyacinthe puis à Rawdon a retrouvé un oiseau mort dans sa voiture et enduré d’innombrables autres gestes et paroles des mêmes eaux pestilentielles.

La Commission des droits de la personne du Québec a reçu sa plainte en 1998, enquêté et lui a donné raison trois ans plus tard, lui accordant 75 000 $ en dommages moraux et punitifs. La Commission a ordonné des correctifs qui n’auraient pas été implantés. Le policier a donc cherché à déposer des griefs contre son employeur, par le biais de son syndicat, l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ).

Suspendu

L’affaire a ensuite dérapé. L’APPQ a refusé de loger les plaintes et la SQ a procédé à la suspension de son salaire depuis 2002, selon M. Golzarian. Pire, il se serait retrouvé devant un comité d’arbitrage composé de plusieurs personnes qui avaient déjà été mêlées à ses accusations de harcèlement. En plein conflit d’intérêt, en pleine opacité juridique, quoi.

Maintenant, Mikel Golzarian en a assez. Il demande des dédommagements pour pertes de salaire et avantages sociaux depuis 2002, racisme, atteinte à sa dignité, défaut de représentation et de protection des droits d’employé, mauvaise foi et négligence grave. Il réclame à l’APPQ et à ses dirigeants 3,5 millions $ pour les seuls «préjudices matériels».

«L’employeur a donné toutes les chances à cette personne», réplique Jean-Guy Dagenais, président du syndicat. Il explique par exemple que sa cause devait faire l’objet d’un arbitrage, auquel M. Golzarian ne se serait pas présenté. Il affirme aussi que «depuis 1966, M. Golzarian est le seul de ses membres à s’être plaint de l’Association».

Dans les faits, le plaignant reçoit l’appui de collègues dans sa démarche, dont Michel Chevalier, qui juge aussi ne pas voir eu droit à une justice administrative impartiale et transparente dans une histoire de promotion.

Le Centre de recherche-action sur les relations raciales, qui offre son «appui technique» au plaignant, réclame finalement au ministre de la Justice et de la Sécurité publique «d’agir rapidement» pour assurer le traitement impartial des plaintes à la SQ.

Fo Niemi, directeur général du groupe de pression, rappelait hier qu’à peine 1 % des effectifs de la Sûreté du Québec peuvent être considérés comme membres des communautés culturelles et qu’on n’y trouve aucun Québécois anglophone, ou presque. La Loi 143 de 2001 avait pourtant demandé au corps policier de faire des efforts pour diversifier le profil de ses recrues.