Irez-vous voir le film de Denis Villeneuve sur le tragique événement de Polytechnique en décembre ’89, est désormais la question de l’heure au Québec. Personnellement je crois bien que j’irai voir le film malgré le fait que j’ignore son impact réel sur la société, sur sa possibilité de changer ce que les événements eux-mêmes n’ont pas réussi à changer. Le film aura sans doute le mérite de nous rappeler, au moins, que les pensées morbides et maladives qui habitaient Marc Lépine, prenaient leurs sources dans une réalité sociale toujours présente aujourd’hui, malgré les progrès accomplis.
Misogyne et déséquilibré sont les expressions les plus courantes pour caractériser la nature du geste de Marc Lépine. Une manière croiront certains de faire valoir qu’il s’agit d’un cas isolé. Néanmoins, en s’attaquant uniquement à des femmes et en les identifiant comme responsables de ses propres malheurs, Lépine véhiculait une rengaine systémique entretenue par des politiques et des pratiques discriminatoires envers les femmes. Des pratiques qui acceptent mal l’entrée des femmes sur le marché du travail et qui justifient par de soi-disant contraintes économiques, l’iniquité salariale envers les femmes. Ne devrait-on pas en fait, parler de misogynie sociale ?
Irez-vous voir le film Polytechnique ? Je l’ignore bien sûr. Mais pourrions-nous faire quelque chose tous ensemble pour que Stephen Harper, dont le discours du trône de novembre 2009 trouve encore le moyen de ne pas respecter la politique d’équité salariale, aille voir le film de Denis Villeneuve ? Pourrions-nous faire quelque chose pour que le journaliste Sylvain Bouchard de 93,3 FM (et ses patrons), qui s’insurge publiquement, en s’adressant directement à des ados, du fait qu’un manuel scolaire souligne le bon travail de Françoise David, pour la défense du droit des femmes, aille voir le film lui aussi ?
L’éducation justement, en général, est à la base des valeurs qu’on enseigne aux enfants. Hélas, l’éducation sera toujours le reflet des intérêts que la société dessert en premier lieu. Est-ce à dire qu’il n’y a rien à faire ? Non, bien au contraire. Une chance qu’il y a encore des personnes comme Françoise David qui le comprennent.