Il n’y a pas de mots assez gentils pour qualifier l’événement : l’hypocrisie de Harper, la trahison d’Ignatieff, le complot de la droite… nommez-les. Nous venons d’assister à l’un des pires scénarios budgétaires que l’histoire moderne a rédigé pour le pays.
Dans un excellent article publié hier, Michel Chossudovsky, professeur d’économie à l’Université d’Ottawa révèle ce que le Parti libéral et les médias se sont bien gardés de rendre publique, avant le vote à la chambre des communes. Voyons maintenant comment Ignatieff qui prétend avoir mis le gouvernement en probation réagira. Oups ! Voilà une phrase de trop, car nous le savons bien comment il réagira, puisqu’il n’était pas sans connaître le véritable contenu du budget Flahorty. Voici l’article au complet de Michel Chossudovsky dont l’original fut publié dans L’Aut’ journal. Les parties soulignées l’ont été par moi.
« 200 milliards aux banques!
Les médias ont fait grand cas du déficit de 85 milliards sur cinq ans du budget Flaherty, mais ils ont complètement passé sous silence le montant faramineux de 200 milliards $ (12 pour cent du PIB) prévu dans ce que le gouvernement appelle un « Cadre de financement exceptionnel » pour venir en aide aux institutions financières canadiennes. En soi, ce transfert monétaire auprès des banques est la principale cause du déficit budgétaire et de l’endettement du gouvernement fédéral.
Déjà, le gouvernement Harper avait débloqué en catimini un premier montant de 25 milliards $ le 10 octobre dernier, puis un autre de 50 milliards le 12 novembre, pour racheter des prêts hypothécaires des institutions financières. Malgré l’importance des montants en jeu, ni les partis d’opposition, ni les médias n’ont crû bon de poser des questions au gouvernement, d’analyser les implications de cette « aide » aux grandes banques canadiennes.
Dans son budget, le ministre des Finances Jim Flaherty en rajoute. « Le gouvernement, peut-on y lire, achètera pour 50 milliards de dollars de blocs de prêts hypothécaires assurés au cours de la première moitié de 2009-2010 aux termes du Programme d’achat de prêts hypothécaires (PAPH) assurés. Cette somme s’ajoutera aux 75 milliards de prêts dont l’achat a déjà été autorisé, ce qui portera la taille du programme à 125 milliards. »
Le Cadre de financement exceptionnel comprend également, entre autres, un montant de « 12 milliards de dollars à la nouvelle Facilité canadienne de crédit garanti en vue de l’achat de titres à terme adossés à des prêts et à des baux portant sur des véhicules et du matériel ».
En fait, l’ensemble des mesures proposées représente un montant global de 200 milliards de dollars « afin d’appuyer l’offre de financement aux particuliers et aux entreprises ».
Le ministre des Finances affirme que « les emprunts contractés par le gouvernement pour financer les opérations du Programme d’achat de prêts hypothécaires (PAHP) et pour aider la Banque du Canada à injecter des liquidités dans le système financier n’augmentent pas la dette fédérale, soit le déficit accumulé, puisqu’ils sont compensés par des actifs financiers portant intérêt ». Cette interprétation est douteuse. Le déficit budgétaire augmentera en flèche afin de financer les banques.
Le gouvernement finance son propre endettement
Les bénéficiaires du renflouage bancaire sont également les créanciers du gouvernement fédéral. Les banques à charte sont les courtiers de la dette publique fédérale. Elles vendent des bons du Trésor et des obligations au nom du gouvernement. Elles détiennent aussi une portion de la dette publique.
Ironiquement, les banques prêtent de l’argent au gouvernement fédéral pour financer le plan de sauvetage et grâce à l’argent récolté par la vente d’obligations et de bons du Trésor, le gouvernement finance le plan de sauvetage par le biais de la Société centrale d’hypothèque et de logement. C’est un processus circulaire. Les banques sont à la fois les bénéficiaires du renflouage et les créanciers de l’État. Dans un sens, le gouvernement fédéral finance son propre endettement.
Même si les procédures liées au plan de sauvetage canadien diffèrent de celles du Trésor américain sous le Plan de sauvetage des actifs à risque (Troubled Assets Relief Program ou TARP), elles tendent vers un même but. Les deux programmes contribuent à la centralisation des banques et à la concentration de la richesse financière.
Sous le TARP, quelque 700 milliards de dollars du plan de sauvetage ont été alloués aux principales banques de Wall Street. La population canadienne représente environ 11 % de celle des États-Unis. Le premier plan de sauvetage canadien de 75 milliards est inférieur d’un peu moins de 11 % à celui de 700 milliards des États-Unis.
Aucun débat parlementaire
Le plan de sauvetage américain de 700 milliards, sous le Plan de sauvetage des actifs à risque, a fait l’objet d’un débat et d’une législation au Congrès.
Au Canada, au contraire, 75 milliards de dollars ont été octroyés en pleine campagne électorale aux banques à charte, sans que la population canadienne en soit dûment informée.
À cet égard, la presse financière et les médias canadiens ont une part de responsabilité. L’affaire a à peine été mentionnée et est passée pratiquement inaperçue, quelques jours avant une élection fédérale.
La couverture médiatique a été infime. Il n’y a pas eu de débat parlementaire. Aucune discussion, aucun débat, contrairement à ce que l’on aurait dû s’attendre des partis d’opposition, que ce soit avant ou après une campagne électorale.
Personne ne semble avoir remarqué quoi que ce soit. La plupart des Canadiens ne savaient pas qu’il y avait un plan de sauvetage de 75 milliards des institutions financières canadiennes.
On nous présente tout bonnement cette décision comme un effort « visant à réduire le resserrement du crédit » et à encourager les banques canadiennes à « délier les cordons de leur bourse et à prêter davantage aux entreprises et aux consommateurs ».
Le programme encourage la centralisation et la concentration de la richesse financière au détriment de l’économie réelle.
Les fusions et les acquisitions
Nous ne sommes pas face à un déficit budgétaire de style keynésien, lequel stimule les investissements et la demande de biens de consommation et mène à une augmentation de la production et de l’emploi.
Alors que le plan de sauvetage des banques constitue une composante des dépenses publiques, il ne servira pas à relancer l’économie. Le plan de sauvetage est un « cadeau » auprès des banques.
Les banques à charte canadiennes utiliseront l’argent du renflouage à la fois pour consolider leur position et financer l’acquisition de plusieurs institutions financières américaines « en difficulté ».
Par exemple, en 2008, TD Canada Trust a acquis la Commerce Bancorp du New Jersey, ce qui en fait la deuxième plus importante transaction canadienne d’un processus de fusions et d’acquisitions évaluée à 8,6 milliards de dollars US (Market Wire, 12 janvier 2009).
La filiale de la Banque Royale (RBC) à New York, RBC Centura, a acquis la Alabama National Bancorp pour un modeste 1,6 milliards de dollars. La Réserve fédérale a approuvé l’acquisition le 5 février 2008 (Florida Today, 12 février 2008).
En octobre 2008, la Banque Royale a annoncé qu’« elle avait complété l’acquisition de la division canadienne de ABN AMRO oeuvrant dans la location de locaux commerciaux et fournissant des crédits d’équipement aux compagnies canadiennes (Canada Newswire, 2 October 2008).
La déstabilisation de la structure fiscale fédérale
Il s’agit de la plus sérieuse crise de la dette publique dans l’histoire du Canada.
Le plan de sauvetage déstabilise la structure fiscale fédérale incluant la péréquation (transferts aux provinces). Il entraîne une montée en flèche du déficit budgétaire, lequel doit être financé aux dépens des contribuables. C’est toute la structure des finances publiques qui en affectée.
Le renflouage de 200 milliards de dollars sera d’une part financé par l’augmentation de la dette publique et d’autre part par des coupures dans les dépenses incluant les transferts aux provinces.
On peut s’attendre à un mélange de compressions budgétaires combinées à une hausse de la dette publique. La plupart des catégories de dépenses publiques (excluant la Défense) en seront probablement affectées.
La structure fiscale fédérale est compromise. La montée en flèche du déficit budgétaire finance le plan de sauvetage bancaire.