La question n’était plus de savoir si Ignatieff appuierait le budget et par le fait même, le gouvernement Harper, mais bien comment il s’y prendrait pour le faire sans trop perdre la face. Aidé par l’appui au budget des provinces de l’Ouest et de l’Ontario qui n’ont que faire des récriminations du Québec selon lequel ce budget lui fera perdre près d’un milliard de dollars d’ici deux ans, Ignatieff y trouve une belle occasion de refaire l’image des Libéraux à l’Ouest. D’abord en gardant le silence sur les demandes de Québec. Ensuite, en endossant le budget pour se montrer ‘responsable’ et tenter de prendre le crédit des investissements dans l’économie.
Cette porte de sortie, tous les médias bien ancrés sur les positions de la droite ne cessent de la lui suggérer depuis hier, en commençant par Radio-Canada et son journaliste Michel Auger. Celui-ci affirmait que le seul choix véritable d’Ignatieff se situait entre l’appui au budget, avec quelques amendements de cosmétiques, et la décision de replonger le pays dans une crise politique qui empêcherait la mise en oeuvre rapide de mesures venant soi-disant en aide aux victimes de la crise.
Rendons claire une question au départ. Ce budget n’a rien d’un budget de sortie de crise. Donnant à gauche et à droite sans plan réel de développement, le gouvernement Harper qui, il y a quelques semaines encore affirmait que le prochain budget ne serait pas déficitaire, nous annonce maintenant un déficit de près de 34 milliards de dollars. Par son appui, Ignatieff dévoile le jeu qu’il a gauchement tenté de cacher depuis sa nomination à la tête du Parti libéral : sa décision de maintenir les Conservateurs au pouvoir plutôt que de participer à une coalition Libéral-NPD. En votant pour un budget électoraliste, toujours aussi revanchard envers le Québec et qui poursuit des visées néolibérales dans le domaine de l’environnement, Ignatieff vient d’assurer les grandes entreprises industrielles et financières, qu’il sera, à la tête du Parti libéral, un fidèle serviteur de leurs intérêts et un instrument de rechange valable, lorsque celles-ci le jugeront utile.
N’oublions pas par ailleurs que dans son discours du trône d’il y a deux jours, le gouvernement conservateur souligna le fait qu’à l’égard de toutes les autres questions, non budgétaires, il fallait s’en remettre au discours du trône de novembre 2008. Ce même discours qui fut le déclencheur d’une crise politique momentanée et de l’idée même d’une coalition Libéral-NPD. Il ne s’agissait pas que d’économie. Il s’agissait aussi de la non-confiance envers les Conservateurs qui venaient de rendre public leur ‘agenda’ caché hostile à l’équité salariale et au droit de grève dans la fonction publique ; menaçant de mettre un terme au financement des partis politiques. Des mesures que le gouvernement Harper attend désormais l’occasion de mettre en application.
En se peinturant dans un coin, les Libéraux pourraient avoir une belle surprise. La coalition Libéral-NPD étant morte pour TRÈS longtemps, la seule alternative des Libéraux face aux Conservateurs sera désormais des élections générales.
La question pour le Parti libéral : Sera-t-il prêt, le moment venu ?
La question pour les Canadiens : Voter Libéral changera-t-il vraiment quelque chose ?