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Roman de Pierre Rochette. Poète et chansonnier Pierre Rochette est l’un des deux chansonniers, avec Pierre David, qui ont donné leur nom à la boîte à chanson ‘Les deux Pierrots’. L’Île de l’éternité retrace la période des boïtes à chansons au Québec à partir du cheminement de l’auteur.

L'île de l'éternité de l'instant présent (Pierre Rochette)

Chapitre 4 – DE L’ILE AU CONTINENT

L’île de l’éternité de l’instant présent

Il s’abreuvait depuis toujours aux frissons de l’éternité. Cela lui semblait si naturel qu’il n’avait jamais pu comprendre comment il se faisait que les humains puissent souffrir. Son corps de 51 ans lui avait toujours paru sous la forme de la jeunesse éternelle. La pureté de l’âme, la sensation continuelle de flotter deux pieds au-dessus du sol, le rythme lent, amoureux, étonné, charmé. La sensation de ne rien peser, de se fondre dans le tout avec ravissement, de saisir dans ses mains l’air comme des milliers de pépites d’or. Était-il artiste, poète de la vie, amant de l’être ou son enfant naissant encore aux langes ?

Vous devez vous demander pourquoi je répète ce que vous avez déjà lu en début de premier chapitre ? Parce qu’il est maintenant temps de vous dévoiler le fait que ces phrases furent extraites du journal personnel de Renaud, parlant toujours de lui-même à la troisième personne, entre les chansons dans sa boîte de chanteur fantôme, soudée au plafond du théâtre le Patriote de Ste-Agathe.

Il n’aurait pas permis, je crois, que ce journal fut publié, ni de son vivant, ni après sa mort. Trop conscient que le corps à l’intérieur duquel se vivaient des brosses d’être de plus en plus intimes n’était qu’un accident dans l’histoire du monde. Seul comptait le fait qu’un inconnu, comme bien d’autres probablement sur les milliards d’humains habitant cette planète, vivait des instants de béatitude qui pouvaient durer sans interruption, parfois durant plus de trois jours consécutifs. Il habitait presqu’en permanence l’île de l’éternité de l’instant présent, hanté par le drame inverse de ne plus retrouver le pont qui lui permettait autrefois, sur scène, de rejoindre les hommes.

Le dernier été de sa vie fut le plus mystérieux de tous pour ceux qui l’avaient connu jeune homme. Le dernier samedi du mois d’août, il y eut une dissolution de son ego au début de son tour de chant. Et paraît-il que tout ce qu’on entendit dans la salle fut des marmonnages qui chantonnaient quand même assez clairement puisqu’on reconnut l’air de « aux Marches du palais» . Dans ces moments, il n’y avait aucune différence entre le sommeil et le réveil. Juste une sensation de soûlerie grisante. Une brosse d’être toujours semblable et jamais pareille à la fois, mais d’une intensité légère à couper le souffle de reconnaissance que cela existe.

Il descendit de peine et de misère par l’échelle pour saluer les gens. Mais fut incapable d’y remonter. Ce fut la première fois que les employés eurent accès à son étrangeté. Et il s’en sentit gêné, très gêné. Il alla se coucher dans son vieux camion 77 qu’il avait acheté d’ailleurs au cas où ces brosses d’être l’empêcheraient soudain de conduire. Ce qui pouvait arriver à n’importe quel moment du jour ou de la nuit.

Mais son spectacle se divisait en deux parties. Après la pièce de théâtre, les gens sortaient. Une fraction de la foule s’assoyait à des tables de l’entrée principale où Renaud reproduisait comme dans un musée l’atmosphère du St-Vincent d’il y a trente ans. Le tour de chant durait au maximum une heure. Mais, certains soirs, il atteignait un tel détachement dans l’immobilité que les chansonniers animateurs de l’époque auraient été bien fiers de se reconnaître à travers ce type d’états d’âme des plus communs à chacun d’eux en ces temps de bohème heureuse.

Le moment le plus difficile survenait toujours lorsqu’on venait lui serrer la main avant de partir du Patriote. Chaque souffrance de chaque être humain le blessait au cœur car il avait l’impression d’avoir raté la seule quête qui l’avait passionnée dans la vie : Trouver le pont entre l’île de l’éternité de l’instant présent et le continent de la souffrance pour que les humains, comme le font parfois les réfugiés des pays pauvres que l’on voit dans les actualités, puissent quitter le lieu maudit de leur détresse avec, pour seul bagage, leur baluchon sur la tête et leurs enfants dans les bras.

C’est dans ces moments-là que certains hommes aux mains tremblantes le remerciaient de leur avoir donné ce quelque chose qu’ils ressentaient mais ne comprenaient pas, dans des mots à te faire pleurer de honte d’être l’objet de tant d’amour alors que telle n’avait jamais été son intention. Il en parlait souvent dans son journal.

Une scène porte en elle
Le malheur de gonfler un ego
Et parfois l’ego s’imagine chanter
Alors qu’il ne fait que pleurer d’imbuité.

Et il écrivait aussi dans son journal qu’il ne désertait lui-même jamais le Patriote sans saluer le ciel où veillait sur lui, depuis trente ans, le poète Paul Gouin, mari de la mère Martin, propriétaire du St-Vincent.

Le nom de Monsieur Paul Gouin me ramène directement au soir où ma mère et moi quittâmes ensemble le camp Ste-Rose. Je me rappelle. En entrant dans l’automobile, ma mère enleva son chapeau de paille, détacha ses cheveux, se mit du rouge à lèvres, se maquilla comme pour se rajeunir. De mon côté, j’entourai mes épaules de son vieux châle, attachai mes cheveux par en arrière, comme pour me vieillir.

Sans trop m’en rendre compte, j’aboutis sur la rue Notre-Dame, dans le Vieux Montréal. Nous marchâmes sur les pavés usés et raboteux de la place Jacques Cartier à la ruelle des peintres. Et je lui fis découvrir le St-Vincent.

Clermont me reconnut et nous invita à sa table. Il y avait deux places de libres, Michel Woodart, son ami, était maintenant passé de client à chansonnier animateur. C’était sa première soirée et tout le monde s’était donné rendez-vous pour lui manifester leur solidarité. La mère Martin, de fait, lui faisait plutôt passer une espèce d’audition. Alors Clermont s’assura qu’elle reçut assez de cognac pour qu’elle le trouvât bon et qu’elle l’engagea sur le champ. C’était ça, Clermont : généreux et pas mesquin pour deux sous.

Renaud n’est pas là, demandai-je à Clermont ?

Il est parti prendre sa marche avec le père Gouin Me répondit-il.

Ce qui était fascinant chez Clermont, c’était son intelligence. Non seulement il ne ratait jamais un soir, mais il saisissait d’intuition l’unicité de ce qui s’y passait.

Par exemple, il me raconta qu’un jeune homme de quinze ans, Pierre David, était venu s’engager comme laveur de vaisselle. La mère Martin l’avait entendu chanter et avait exigé qu’il apprenne la guitare. De fait, quand Pierre chantait, sa voix de basse et sa fragilité brisait le St-Vincent en deux comme le poussin fait éclore l’œuf à sa naissance. Ce jeune homme avait tous les dons. Charisme, beauté physique, rondeur de la voix. Seule faille à son destin, il aurait préféré devenir fleuriste. De là cette étrange tristesse, qui ne quittait jamais ses yeux.

Pierre David, disait Clermont
C’est le premier à être passé
Du chansonnier animateur
À l’animateur chansonnier.

La différence réside dans le fait
Qu’il anime avec du répertoire
Plutôt que de chanter du répertoire pour animer
Ce qui donne un parfum de fête
Incomparable à la foule fondue en lui.

Par exemple, il me raconta aussi que Lawrence lepage, que Vigneault appelle le menteur du village engagé pour l’hiver, vivait dans une bulle de mythomanie. La veste qu’il a sur le dos, c’est Brassens qui le lui avait donnée. Les bottes qu’il a dans les pieds venaient d’Anne Sylvestre, alors que son frère Cyrille lui avait bien dit que cette veste provenait du corps de son père décédé et que les bottes sortaient des garde-robes de sa mère encore vivante, Lawrence ayant les pieds trop petits pour chausser des pointures d’homme. Mais quand Lawrence chantait ses deux chansons : Monsieur Marcoux Labonté ou mon Vieux François, c’était avec cette magie qui permettait au public de faire partie de l’intérieur de sa bulle et l’on avait l’impression de fêter avec les personnages menteux de son imaginaire.

Regarde Lawrence, son absence,
Toujours habillé en noir,
Avec chapeau noir sur la tête
Été comme hiver.
Il est là et pas là à la fois.
Et il nous amène là et pas là à la fois
Et ça nous saoule avant même de boire

Clermont pouvait me décrire pendant des heures ce que chaque chansonnier animateur vivait en lui-même, pourquoi il était sur scène, pourquoi on ressentait telle chose en l’entendant chanter.

Et Renaud lui dis-je ?

Il est parti prendre sa marche avec le poète Paul Gouin

Ils prennent de longues marches
Répliquai-je en éclatant de rire.

Et Clermont de me répondre :

Renaud a découvert des fissures dans la structure du temps.
Il cherche les techniques d’animation appropriées
Pour percer ces fissures à volonté en un seul tour de chant
Afin d’atteindre l’éternité sur scène
Et de la donner en cadeau au public.

Je fus surprise. Très surprise. Cela sonnait si différemment de ce qu’il m’avait dit des autres chanteurs.

Et Monsieur Gouin dans tout ça ?

C’est un poète
Qui rajeunit en écoutant Renaud
Pendant que Renaud vieillit en se confiant à lui.

Madame Martin vint finalement m’embrasser comme si j’avais été depuis longtemps son intime. Quand elle vit que j’étais accompagnée de ma mère, elle refusa que celle-ci paie quoi que ce soit. Ma mère buvait en tapant des mains et en chantant aussi fort que les autres. J’en étais à la fois un peu gênée et très fière. On aurait dit qu’elle se dévoilait à moi en jeune adulte égalitaire. Mais plus la soirée avançait, plus elle rajeunissait. Et je me retrouvai avec une adolescente exaltée chantant plus fort que les autres.

Dès que Renaud arriva sur scène, ma mère sut. Sa main se glissa dans la mienne, ce qui me permit de me confier à elle dans une sorte de langage de sourd et muet. Deux petits coups sur ses doigts : Maman je souffre, j’ai peur de mourir d’amour. Mes deux mains entourant sa main droite, en la serrant bien fort : Maman je vais réussir à conquérir son cœur, tu vas voir, je suis certaine d’y arriver. Puis, ma main roulant autour de son doigt gauche : maman est ce que je fais une bêtise ?

C’est lui hein ?…. Dit ma mère
Comment il s’appelle donc ?

Quelle coquetterie, quelle manière subtile de forcer poliment ma réserve, comme si je lui en avais déjà parlé.

Il s’appelle Renaud, maman Chansonner Animateur au St-Vincent Et gardien des légendes au camp Ste-Rose.

Elle devina alors que plus un mot ne franchirait pas le portail de ma bouche. Et je sentis par la délicatesse de son baiser sur la joue qu’elle respecterait silencieusement mon voyage amoureux. « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… ». Mais comme le voyage s’annonçait mal. Je me consolais en me disant qu’il en était souvent ainsi au début des contes.

Clermont se pencha vers moi et me dit dans l’oreille.

Surveille attentivement Renaud
Il ne chante pas vraiment
Il passe de chanson en chanson
Pour faire courber le temps.

Effectivement, on se serait cru dans un manège de cirque, chaque chanson courbant le chariot du St-Vincent d’un rythme à l’autre savamment gradué vers le haut, puis vers le bas, de plus en plus vite, s’arrêtant au passage pour repartir à une vitesse supérieure vers le haut, puis vers le bas, puis vers le haut où il restait suspendu de longues minutes, les gens debout sur les tables dans une étonnante harmonie gestuelle. Et là, Renaud immobile et silencieux croisait d’un regard interrogateur les yeux de Paul Gouin à l’épaisse barbe blanche, debout à l’extérieur de la porte du garage pendant que la foule poursuivait, seule, cette danse des mains qui frappent en cadence à la porte d’un quelque chose de si légèrement intense.

Il n’a pas encore trouvé le moyen
De traverser techniquement
La fissure du temps
Me dit Clermont
Quand cela arrive,
C’est par hasard.
Et il ne saisit pas pourquoi
Il faut du hasard pour que cela arrive.
C’est de ça que ses yeux parlent
Avec ceux de Monsieur Gouin.

Ce que j’adorais de Clermont, c’était sa connaissance respectueuse du merveilleux intime de chaque chansonnier animateur. Il avait gagné l’estime de tous. Comme ce fameux soir où une chanteuse dont je ne me rappelle pas le nom, la première à avoir habité la scène du St-Vincent, s’était jetée en bas du pont Jacques Cartier parce que son guitariste dont elle était follement amoureuse l’avait quittée. Clermont logea gratuitement le guitariste chez lui, durant plusieurs mois, jusqu’à ce que celui-ci sorte du choc de son deuil. La chanteuse avait pris pour une rupture ce qui pour le guitariste n’avait été qu’une simple passade.

Vers deux heures du matin, ce fut comme des milliers de soirs par la suite, le moment de gloire du laveur de vaisselle, Monsieur Etienne. C’était un homme simple, bon, à qui l’on avait fait croire qu’il était une immense vedette parce qu’il chantait merveilleusement mal la chanson « Rossignol « de Luis Mariano. Comme chaque soir, un des chansonniers orchestra une émeute de bruits qui se rendit jusqu’au lavoir en arrière. Et Monsieur Etienne, se gonflant d’orgueil, se fit attendre et attendre, jusqu’au moment où la présence de sa tête chauve avec quatre poils dessus, sur le bord de la salle des toilettes, fit exploser la foule de joie.

Et c’est alors que se produisit le plus burlesque des spectacles burlesques. Monsieur Etienne chanta sans que la salle ne l’écoute, trop occupée à lui perdre la tête par l’enivrement de l’adulation soudaine dont il était l’objet.

On m’a raconté, par la suite qu’au moins une fois par mois, il allait voir Madame Martin pour offrir sa démission comme laveur de vaisselle parce qu’il avait trop de succès comme chanteur. Madame Martin lui donnait discrètement un bonus en le suppliant de ne pas quitter son poste où il était si précieux pour le moral des clients. Et c’était vrai. Tous aimaient et respectaient Monsieur Etienne, même si les rires immensément gras arrivaient à peine à se camoufler sous les apparences de ventres tordus en deux.

Ma mère fit tant la fête, tant de bruit et de façon si charmante, que Madame Martin nous invita à visiter son appartement au troisième étage du St-Vincent. Il fallait pour se faire utiliser un vieil ascenseur qui montait si lentement, avec un tel grincement. Il n’y avait que des meubles d’Antiquité sur le plancher et des tableaux sur les murs, vestiges sans doute d’une splendeur passée. On est toujours mal à l’aise quand le passé semble se figer dans un lieu, même si tout respire le beau. Nous visitâmes toutes les pièces. Un immense cadre de Paul Gouin, homme d’une quarantaine d’années trônait dans la salle à manger.

Paul est mon amant depuis 37 ans Madame
Sans doute avez-vous déjà eu vous aussi un amant Madame ?
Des choses de même, on ne raconte pas ça
Sans un dernier cognac Madame.

Comme ma mère avait l’air heureux. Elle adorait madame Martin. Et Madame Martin semblait elle aussi déguster cette amitié naissante.

Ne dit-on pas d’un amant, celui qui jouit des faveurs
D’une femme avec qui il n’est pas marié ? Souligna ma mère.

Paul a tout abandonné pour moi Madame
Et sa femme et sa carrière politique.

Et vous êtes plus chanceuse que moi Madame

Ma mère cala son verre et ajouta :

Faut croire que mon verre est aussi vide
Que le dedans de moi-même
Puis ça me tente pas du tout
De le remplir de souvenirs
Comme dit souvent mon mari.

Nous quittâmes le St-Vincent, passâmes par la maison de chambres de la rue St-Paul. Nous montâmes les marches en riant comme deux vraies folles.

La dernière fois que je me suis sentie jeune comme ça,
Dit ma mère,
Je n’avais pas encore vieilli.

Un mot était épinglé sur ma porte :

J’ai loué la chambre
Face à la tienne
J’arrive Lundi,
Renaud.

Ma mère fut géniale de discrétion. Un simple sourire discret. Elle se sentit plutôt rassurée de voir que j’avais au moins un minimum décent pour vivre ma bohème. Nous retournâmes à l’auto. Elle eut soudain froid. Je lui redonnai son châle. Elle enleva son maquillage, son rouge à lèvres, remonta sa coiffure. Je redéfis mes cheveux, libérai mes épaules nues de mes mèches rebelles.

Tu m’as demandé comment j’ai connu ton père.
Tu veux la version de ton père, celle de ta mère
Ou la vérité ?

Je ne répondis pas.

Un homme m’avait promis d’abandonner sa femme pour moi. Je l’aimais à la folie. Il fut mon amant, passionnément mon amant. Le soir de Noël, il me téléphona pour m’annoncer que c’était terminé. J’entendais sa femme pleurer et crier des bêtises. Je me jurai de ne plus jamais me faire prendre par un homme.

Dans la même période, ton père louait une chambre chez la voisine d’en bas, qui en échange faisait son lavage. Il travaillait dans un garage. C’est à force de voir ses vêtements mal lavés et tachés d’huile sur la corde à linge que j’offris de les lui relaver. C’est ainsi que d’une soirée à l’autre, je réalisai par le contenu de sa petite valise qu’il avait du avoir une enfance très pauvre. Il venait de la campagne. Et il aimait ma conversation, je crois. Comme il parlait rarement, fallait bien qu’un des deux meuble les silences.

Un soir, il m’annonça qu’il s’en allait d’en bas parce que ce n’était plus vivable. Il connaissait l’adresse de la manufacture où je travaillais. Il a fait semblant de rien. Il s’est assis sur le trottoir avec sa valise. En sortant de l’ouvrage, je l’ai aperçu. Je lui ai demandé où il allait coucher ce soir ? Il m’a dit aucune idée. Je n’étais pas pour le laisser dans la rue. Je l’ai emmené chez moi, il n’est jamais reparti. Ça lui a pris deux ans pour me conquérir le cœur. Et je peux te dire que depuis ce jour, il s’est appliqué à faire de ma vie un conte de fées.

Je montai embrasser mon père. Nous parlâmes une demi-heure. Puis je me sentis triste d’être obligée de repartir. Ma mère le sentit et elle me rassura par des paroles complices.

Merci Marie
Ce fut la soirée la plus magnifique de ma vie

Avant de retourner au camp Ste-Rose, je retournai à ma chambre du Vieux Montréal. Je décollai le mot de Renaud sur ma porte, le retournai, l’épinglai sur la sienne et écrivis :

Je ne suis pas encore
Ni une bouleversante
Ni une fascinante
Je sais qu’un jour
J’y arriverai.
Désolée.

Arrivée au camp Ste-Rose, je réveillai l’éducatrice Isabelle. Elle avait pris mon tour de garde. Elle m’attendait pour rentrer chez elle. Nous descendîmes prendre un thé au bureau de la direction. Je lui parlai de ma soirée au St-Vincent, de Renaud, d’Anikouni.

J’ai fait l’amour quelquefois avec Renaud, tu sais
Mais j’ai décroché
Le jour où il a baisé ma coloc
Pendant que j’étais au téléphone.

Cela me fit mal, très mal. Mais je n’en laissai rien paraître.

Le lendemain, lundi 13 juillet, les enfants me harcelèrent de questions à propos d’Anikouni, concluant à cause de mon absence que je l’avais sûrement revu. Robert, le directeur administratif du camp les calma en leur promettant qu’à la grande soirée des Yogs, je leur raconterais la fin de la légende d’Anikouni.

Dans le continent de la souffrance, on tremble de froid même l’été. Et surtout le lundi. Ceux ou celles qui ont reçu de la visite ont vécu le bonheur fugace de se coller à la fonte du poêle à bois en plein milieu d’une tempête de neige estivale avec bourrasques. Ceux et celles qui n’en ont pas reçu se sentent comme ces enfants qui ont oublié de mettre leur clé au cou et qui sont obligés d’attendre par un froid glacial qu’un parent arrive avant d’entrer se réchauffer à l’intérieur.

On ne s’habitue jamais au décor d’une prison, même imaginaire. Le lundi, celui du camp Ste-Rose suintait de toute part du plus lugubre de son lugubre. À commencer par le caveau à patates. On avait construit, au début du siècle, à l’arrière du pavillon principal, un caveau immense pour entreposer au frais les légumes, dont des patates. Le tout était maintenant abandonné et cadenassé.

Dans la forêt, on avait construit, au siècle dernier, une petite dépendance en bois rond, qui, racontait-on, avait déjà servi de cadre d’expression à un artiste peintre bourgeois, donc amateur. Le tout maintenant était dans un tel état de décomposition que cela donnait des frissons seulement que de s’y approcher.

Le bâtiment administratif, la cafétéria, la salle communautaire et le dortoir dataient de la période fin Deuxième Guerre mondiale. Les lieux avaient été achetés par des religieuses, qui y avaient fait construire quelques bâtiments en vue d’accueillir des jeunes filles de bonne famille durant les vacances. Puis les mœurs et habitudes se modifiant, les moins nantis avaient pu enfin en profiter. Mais quand on est démuni, on se sent toujours piégé par un bâtiment de riche, même si on en hérite parce que les riches lèvent le nez dessus. Il en était resté une piscine extérieure, des balançoires et un canot.

C’est extraordinaire de penser qu’un objet, dans un lieu, risque de faire basculer la réalité dans l’imaginaire. Les enfants venaient souvent jeter un coup d’œil au canot. Le fait qu’Anikouni canote lacs et rivières à la recherche du feu de la caverne sacrée pour y dérober l’amour les rendaient fragiles à quelque chose qu’ils me pouvaient identifier parce qu’ils étaient trop jeunes.

Au temps libre juste avant le dîner, la plupart allèrent s’asseoir devant le canot.

Ils avaient passé l’avant-midi dans un temps institutionnalisé. Trois éducateurs donnant trois ateliers différents (sketches, arts plastiques, gymnastique). Les enfants avaient roulé en équipe de l’un à l’autre à raison de trois quarts d’heures à la fois. Les spécialistes auprès de sociaux affectifs avaient donc réussi à leur faire passer le temps à travers le corps. Ce qui était tout un exploit en soi.

Parce que le lundi, on ne savait jamais par le corps de quel enfant le temps exploserait sous forme de colère incontrôlable. Dans ces moments-là, jamais le temps ne se fissurait, mais il se gonflait comme un furoncle sur un pied. Le manque d’amour pouvait rendre fou n’importe qui à n’importe quel moment.

De fait, une bataille sauvage avait éclaté entre la plus que grassette Chantal et la moins que rectiligne Monique. Cheveux arrachés, sacres exultés, griffes de sang, parsemées du visage aux bras. Monique n’avait pas pardonné à Chantal sa grimace exprimant le fait qu’elle avait eu de la visite et l’autre pas. Ce n’est pas pour rien que le canot était toujours enchaîné et cadenassé au quai et que l’après-midi, on préférait que les enfants se baignent dans la piscine plutôt que dans le lac.

Ce qui donna pour résultat, ce lundi-là une effroyable sensation de routine à la période de chant de 16 heures 30. La même question revenait sans cesse :

Quand allons-nous revoir Anikouni ?

Renaud avait accepté de devenir gardien des légendes à la condition qu’il ait carte blanche, qu’on ne sache jamais quand et à quelle heure il apparaîtrait, et surtout que la direction accepte, à quelques heures d’avis, ses improvisations. Robert le directeur n’aurait jamais accepté une telle entente, n’eut été du manque de candidats de calibre, je crois. Mais, comme il y avait déjà trente-cinq éducateurs ou éducatrices spécialisées qui prenaient soin du roulement du temps au quotidien, Robert avait décidé de donner une chance au coureur, après avoir nommé Isabelle comme lien logistique entre les besoins du camp et ceux du gardien des légendes. L’essentiel étant qu’il fallait toujours préparer l’horaire du camp sans tenir compte d’Anikouni. Ainsi serait-il plus facile de le congédier si cette manière d’être finissait par nuire à l’horlogerie de l’ensemble.

Mais aujourd’hui je sais qu’il y avait un autre motif dont Renaud ne pouvait parler à l’époque, celui de ses recherches sur le temps. Il ne pouvait accepter d’être l’employé de qui que ce soit., Refusant de prostituer son temps pour quelque raison que ce soit. Comme d’ailleurs il allait rarement à la banque parce que cette institution emprisonnait ses employés dans les barreaux des heures insipides à compter de l’argent, leur apprenant ainsi à fractionner le temps de leur vie plutôt que de le dessiner en moments magiques et libres.

La soirée de huit heures eut lieu autour d’un feu, sur le bord du lac au canot enchaîné, tel que demandé par Anikouni à Isabelle. Chaque équipe y alla de son sketch, de ses chants et de ses chorégraphies préparées à l’insu des autres dans les ateliers du matin. Puis, au signal de Robert, je me mis à improviser la légende d’Anikouni.

La nuit dernière….
Je suis partie à la recherche d’Anikouni…

J’ai retrouvé son canot abandonné sur la rivière
Suivi ses traces de pas dans la forêt
Rencontré les femmes chez qui il a dormi
On les appelle les fascinantes
Parfois les bouleversantes…

L’une d’elles m’a finalement raconté
Qu’Anikouni avait trouvé
Le feu de la caverne sacrée

Les enfants se mirent à crier de joie. Robert intervint aussitôt pour que la discipline soit respectée.

CAIA…… BOUM

J’adorai la lenteur de mon débit de paroles. Il me semblait qu’il permettait à chacun de s’insérer au ralenti dans le récit sans que l’ensemble de l’atmosphère en souffre. Par exemple, cette musique du dire permettait aux jumeaux de s’abandonner tout doucement contre Isabelle, alors qu’elle créait chez Jean-François une passion à devenir à son tour un héros. Natacha rêvait d’un prince charmant pendant que la plus que grassette Chantal maigrissait en secret pour lui plaire un jour. Soudain, on aperçut sur le lac une torche à l’avant de ce qui semblait être un canot. Les enfants ne tenaient plus en place. Je leur fis chanter la chanson galli galli zum et Jean-François se leva pour entonner le refrain en apposant les deux mains à sa bouche sous forme de porte-voix.

Le feu de l’amour brûle la nuit
Je veux te l’offrir pour la vie

Anikouni, s’approcha, flamme au bout de son bras. Il déposa un genou par terre et dit :

Princesse Miel
J’ai volé pour vous le feu de la montagne sacrée
Acceptez-vous maintenant de m’épouser ?

Je ne voulus pas que cette magie s’arrête à cause d’un oui.

Il faudra demander ma main à mon père, improvisai-je

Dans quel château se cache votre père Princesse miel ?

J’adorai ce jazz entre nous, sur un thème somme toute si mince d’arguments. Nous avancions l’un et l’autre dans le thème du camp à pas d’esthètes, comme dans un ballet d’une partie d’échecs sans faille. Mais il y avait plus. Tout ce que Clermont m’avait dit sur lui me donnait la chance de tenter de m’approcher de son univers, ou toute expression créatrice et novatrice semblait s’y détendre aux premières loges.

Mon père ne se cache pas dans un château.
Un méchant roi nommé Patibulaire
L’a enfermé dans une prison

J’adorai saupoudrer l’imaginaire de Renaud par quelques éléments de mon enfance, juste pour en voir l’effet….

Le roi Patibulaire ne me fait pas peur
Mais comment vais-je faire pour délivrer
Votre père Princesse Miel ?

Je me sentis très près de l’échec et mat. J’osai une hypothèse de scénario :

Il vous faudra découvrir
Le trésor…
Du chevalier de la rose d’or Anikouni

Le trésor du chevalier de la rose d’or vous dites ?
Quelle fantastique aventure complètement inconnue
Répondit-il ?

Pour moi aussi, fis-je.

Alors pourquoi me mettre dans cet embarras princesse ?

Pourquoi pas répondis-je ?

C’était extraordinaire comme sensation. Nous nous parlions maintenant à travers le thème, à travers nos personnages, d’intelligence imaginative à passion de relancer l’autre.

Permettez que je me retire dans mes appartements
Peut-être pourriez-vous demander de l’aide
Aux enfants ?

Et je quittai, comme ça. Comme si cela avait été prévu dans l’instant présent seulement. Je montai l’escalier du dortoir, ouvrit le panneau du plafond pour avoir une vision du lac au plus haut niveau possible, enfonçai la tête dans la lucarne mal quadrillée.

Et durant plus d’une demi-heure, les enfants tentèrent d’aider Anikouni de leurs conseils. Renaud provoquait, par des silences appropriés, une complicité imaginative absolument savoureuse. Jean-FranÇois s’enfonça dans l’eau jusqu’à mi-corps pour pousser le canot et Anikouni disparut dans le noir lacté de l’horizon. C’est ainsi que l’île de l’instant présent tenta de se frayer pour la seconde fois un passage dans le cœur des enfants habitant en permanence le continent de la souffrance.

L'île de l'éternité de l'instant présent (Pierre Rochette)

Chapitre 3 – LE CONTINENT DE LA SOUFFRANCE

L’île de l’éternité de l’instant présent

À trente ans de distance, il m’est possible de peindre ce que je vécus à l’époque avec cette fragilité qui donne aux descriptions, un sentiment pas nécessairement de vérité mais sûrement d’authenticité.

Imaginez deux tableaux suspendus au mur de ma mémoire.

Le premier représente une île où se vit, sans que nous en ayons vraiment conscience, de grands moments de bonheur qui succèdent au bonheur. On y voit, de l’extrême sud de la ruelle des peintres, les portes de garage du St-Vincent ouvertes, un chanteur sur un banc fondu à une foule de plus en plus dense, de plus en plus heureuse, sous l’effet d’une magie dont tous ressentent les bienfaits sans être encore habilité à en identifier les ingrédients.

Le second, représente un continent où l’on souffre du matin au soir, du soir au matin. À commencer par le personnel qui se perçoit comme un groupe d’intervenants sociaux, posant des diagnostics, s’efforçant de contrôler l’inguérissable, d’empêcher les débordements d’une colère tout à fait justifiée, et cela sous toutes ses formes. La principale souffrance des éducateurs et éducatrices se nomme l’impuissance au quotidien.

En premier lieu, impuissance au niveau de leur propre vie. Une impression folle de boulot métro dodo, une certitude de n’être qu’un engrenage défectueux à l’intérieur d’un système basé sur le principe d’une pathologie à guérir plutôt que d’une liberté à conquérir. Sans compter des vies privées aussi insatisfaisantes les unes que les autres. Amours déçus, divorce, endettement, amant maîtresse, en cachette…Enfin le lot de maladies sociales que l’on cache quand on a un poste de pouvoir dans une société où sous le prétexte d’aider le plus faible, on anesthésie ses propres douleurs. Et c’est en endossant la servitude institutionnalisée qu’on institutionnalise la souffrance des petits.

Finalement, le camp Ste-Rose n’était pas bien différent du reste de la société. La vie s’exprimant sous un horaire dont les stéréotypes indiquent plus le malaise d’assumer sa liberté que le bonheur d’en dessiner le cadre en artiste. Lever 8h20, rassemblement pour la gymnastique, déjeuner. Puis roulement des trois ateliers accueillant un des trois groupes (castors, hiboux, écureuils) à tour de rôle. Dîner, sieste, piscine ou cinéma selon la température, collation, cours de chant, souper, temps libre, soirée modulaire, collation, coucher.

Seuls les dimanches représentaient en soi, à l’intérieur de chaque enfant, une bombe à retardement. Probablement parce que le fait d’espérer une visite déclenchait une fâcheuse « élasticité accordéon » du temps.

Un peu comme la notion d’un cinq minutes peut varier, soit que l’on attende impatiemment sa bien-aimée, soit qu’il ne reste que ce cinq minutes pour lui dire qu’on l’aime avant qu’elle prenne le train du non-retour. Dans le continent de la souffrance, cela semble, pour tous ceux qui l’habitent, et cela sans exception, impossible de tuer le temps. Parce qu’ils n’ont jamais connu autre chose que cette contrée, même dans leur vie personnelle blessée par leur passé en tension vers un soulagement possible au futur… Et cela est encore pire le dimanche.

Mais comme j’étais arrivée du Vieux Montréal, le jeudi 29 juin 1973, juste à temps pour le chiffre de nuit au dortoir, j’eus la chance d’éviter la journée du tourbillon accélérateur de Ste-Rose.

Vers deux heures du matin, alors que le dortoir glissait dans un silence paisible, Natacha Brown en profita pour passer de son lit au mien sans réveiller les autres.

« Je m’ennuie d’Anikouni » me confia-t-elle en déposant sa tête sur mon ventre.
« Et toi ? »

Comment faisait-elle pour passer au travers de ma carapace, pour lire au plus intime de moi-même ? Je lui caressai les cheveux pour apaiser ce temps qui ne finissait plus de s’étirer en elle. Natacha provoquait chez moi une incapacité de tricher de telle sorte que chaque mot qui émergeait de ma bouche, même filtré, en disait plus que je ne l’aurais désiré.

C’est un gardien des légendes magnifique, Natacha.

Tu l’as revu Miel ?

Que les enfants m’appellent Miel, cela me faisait réaliser à quel point j’avais réussi à me sauver de prisons dorées de mon père. Le mot évoquait maintenant, à mon oreille, beaucoup plus la tendresse bienveillante (encore un mot de mon père) d’une éducatrice souriante que la mollesse d’une princesse ayant dormi toute sa vie sur une liasse de matelas qui n’aurait supporté même la présence d’un petit pois.

Hier, le destin a fait que…
Nous avons été
Un en face de l’autre
Assis par terre
Devant une chandelle allumée

Il a déjà fait deux expéditions
Pour tenter de voler le feu de l’amour
Dans la caverne de la vie.

Il a échoué
Mais il poursuit courageusement

Son voyage au pays de l’amour.

Faut dormir maintenant Natacha.

C’est ainsi, que, par une chance inouïe, indépendante de ma volonté, je gagnai la confiance d’un groupe d’enfants désillusionnés. Je n’aurais jamais dû faire rêver Natacha de cette façon. Ma confidence se faufila subtilement de Ruth à la grande Monique qui d’un seul trait conclut une trêve avec la plus que grassette Chantal, les deux se mettant d’accord pour dévoiler le tout à Jean-Francois.

On m’avait donné la responsabilité du cours de chant de 16h.30. Mais ce vendredi-là, par un curieux concours de circonstances (ayant dû raccompagner un des deux jumeaux à l’infirmerie) j’arrivai vingt minutes en retard. Les enfants, assis en rond, chantaient :

Zum galli galli galli zum
Galli galli zum

Et Jean-François, treize ans, dont le physique batailleur insécurisait tout le personnel à travers ses refus de participer à quelque activité que ce soit, se mit à fredonner à la manière d’Anikouni, les deux phrases que je m’étais juré d’oublier.

Le feu de l’amour brûle la nuit
Je veux te l’offrir pour la vie.

Tout le personnel de l’administration s’approcha aussitôt ébahi.

C’était la première fois en 8 mois que Jean-François crevait de lui-même sa bulle de révolte et de guerre contre lui-même. Il exigea que le groupe recommence la chanson Et son propre couplet se mit à peindre la couleur de son être. Son visage d’une telle dureté habituellement m’apparut ressembler à celui de Jacques Brel. Sa voix résonnait avec cette fougue inhabituelle de vivre au travers des marais institutionnalisés du désespoir.

Maintenant il tourbillonnait à l’intérieur du cercle avec des gestes grandioses, chantant à tue-tête. Et les trois modules, castors, hiboux, écureuils, balançaient leur galli galli zum à la manière des tribus africaines dans certains documentaires, juste entre le rythme et la transe.

Spontanément, tout le personnel se mit à applaudir. Et les enfants de faire de même. J’en profitai pour faire mon entrée en chantant la chanson d’Anikouni.

Mon grand bonheur fut de m’apercevoir que les deux jumeaux de 7 ans, dyslexiques dans leur retard de croissance dû à leur emprisonnement dans une garde-robe, murmuraient maintenant les paroles. Même Monique l’ultra mince et Chantal son contraire, unissaient maintenant leur voix. De ressentir l’unisson dans le groupe me surprit. Mais pas autant que de voir Jean-François prendre la parole au nom de chacun. Quand le futur caïd s’exprimait, c’était impossible de ne pas recevoir le ton de sa voix autrement que sous la forme d’un ordre, même d’une menace. On sentait toujours en sous-entendu : Je veux telle chose parce que sinon…

Miel on veut des nouvelles d’Anikouni.

Le visage de Natacha passa du clair au rosée. J’en conclus que sa langue s’était déliée durant la journée et que je ne pouvais me soustraire à cette requête sans me trahir moi-même. Mais comme le pouvoir dans ce drôle de camp était enfin entre les mains des enfants, je me sentis très à l’aise dans ce renversement soudain des rôles.

Vous vous souvenez les amis
Ce qu’Anikouni vous a raconté
Avant de canoter sur le lac ?

L’amalgame des OUIS mélangés aux cris fut tel que je dus hurler :

CAIA… ..BOUM

Quand on veut parler, on lève la main, dis-je.
Chantal… À toi la parole.

Anikouni nous a dit qu’il partait en voyage
Voler le feu de la caverne sacrée
Natacha nous a dit que tu l’as vu.

Et Jean-François de conclure :
On veut connaître la suite de l’histoire !

Je ne savais pas la suite de l’histoire. Il n’y avait plus qu’à improviser…. Mais bon… Quand même… Allais-je être capable d’y mettre autant de magie ? Je jetai un coup d’œil au personnel du camp. On aurait dit qu’eux aussi vivaient un moment de grâce. On aurait dit que tous, temporairement, avaient baissé les armes pour faire la paix avec la vie. Il n’y avait plus d’éducateurs, plus d’éducatrices, plus d’enfants, qu’un quelque chose que je n’arrivais pas à identifier. Mais, comme mon père avait toujours conté de belles choses dans des mots doux et parfumés…

Savez-vous les amis, ce que veulent dire :
Le feu de l’amour brûle la nuit
Je veux te l’offrir pour la vie?
Dans l’âme d’une princesse

Ça veut dire ceci :

Si chaque nuit tu en fais la demande à la vie,
Elle te rendra plus fougueuse que Scarlett Ohara
D’autant en emporte le vent,
Plus gémissante qu’Héloïse pour Abélard
Dans la nuit des temps,
Plus pure que Juliette dans les bras de Roméo
L’embrassant
De telle sorte qu’un soir, un mystérieux soir
Un beau prince, ombrageux et charmant
Posant genou aux pieds de vos royaux atours
T’offriras et son cœur et son or
Et la terre entière chantera
En cet instant présent
Ils vécurent heureux
Et eurent beaucoup d’enfants
Au paradis…Millénaire
De la poésie des bien-aimés
De l’île de l’éternité

C’est pour que ce poème résonne éternellement en son cœur
Qu’une princesse ordonne à l’indien de son cœur
Que celui-ci souffre d’amour pour elle
Qu’il consente à partir en canot
Pour aller voler pour elle,…
juste pour elle
Le feu de la caverne sacrée.


Pour qu’un jour
Ils puissent se marier
Avoir beaucoup d’enfants
Au paradis… Millénaire
De la poésie des bien-aimés
De l’île de l’éternité.

Les enfants, comme moi quand j’étais petite, s’étaient laissé bercer par la musique des mots. Je suis persuadée qu’ils n’avaient pas compris grand-chose, mais là n’était pas l’essentiel. Comme la fois où mon père avait parlé d’un génie désespéré à la démarche patibulaire. Patibulaire devint à mes yeux un personnage d’une telle laideur que les soirs d’après, je ne pus trouver le sommeil sans répéter en moi-même :

Disparaît Patibulaire,
Disparaît Patibulaire

Et Patibulaire s’enfuyait au fond de moi-même, aussi réel que Pinocchio, Cendrillon ou Blanche Neige. Il était petit, gros, poilu comme un mauvais génie, un séraphin au cœur sec, un diable semblable à celui des contes de Ti-Jean le Québécois. Seul un nommé Débonnaire, héros de l’histoire suivante, réussissait à le dissoudre à jamais au pays de mes fantômes enfantins.

Ça fait plusieurs lunes déjà…
Qu’Anikouni rame son canot
De rivière en rivière

Il rame de nuit
Dort de jour
Pour déjouer ses ennemis
Les méchants patibulaires

Répétez après moi les amis
Les méchants patibulaires

Un moment donné
Je vous raconterai au complet
La légende d’Anikouni
Le grand voleur du feu de l’amour
Caché au creux de la caverne sacrée.

Zum galli galli galli zum
Galli galli galli zum

Pendant que les enfants reprenaient cycliquement le refrain, je pris Jean-Francois par le bras pour qu’il se lève debout et entonne le couplet une dernière fois. Il fut magnifique. Trente ans plus tard, lorsque je revois cette scène, je me demande encore si Jean-Francois n’a pas été le premier à réussir à tuer le temps, par hasard, juste le temps d’un instant, sur le continent de la souffrance du camp Ste-Rose.

Celui-ci, en chantant, avait fait tomber quelques défenses de ma part à son égard. Mais je ne pouvais enlever de mon être la peur qu’il me suscitait d’une façon incontrôlable. Le samedi, à la période libre juste après le souper, nous nous retrouvâmes silencieux assis l’un près de l’autre dans la première marche en haut du grand escalier de la salle communautaire. Je surveillais de loin la partie de ballon chasseur. Lui tournait et retournait nerveusement une balle de tennis comme pour endurcir ses poings. On m’avait déjà dit qu’il rêvait de devenir boxeur et champion du monde. Rien pour me rassurer.

Mon père ne vient jamais me voir, osa-t-il
Les fins de semaine sont bien longues


Écoute,
risquai-je,
Moi aussi, ça ne va pas très bien
Ça va m’être difficile de te remonter le moral

Toi aussi tu attends de la visite ?
Deux larmes dévalèrent sur mon visage. Je ne fis rien pour les cacher. Elles étaient lourdes de sens et je savais qu’il n’y en aurait pas d’autres.

Si tu brailles toi aussi
Comment je vais faire pour m’en sortir moi
C’est toi l’adulte

J’eus comme un rire étouffé. Je m’essuyai les deux joues du revers du poignet

On ne file pas mieux l’un que l’autre
D’après ce que je vois
Ne le dis pas à personne que tu m’as vue pleurer
Ok Jean-François ?

Ne le dis pas à personne toi non plus que…
Je suis écœuré de manger du pâté chinois…

Il y eut entre nous un grand rire de désarroi. Comme si on partageait la même prison, lui de l’intérieur, moi de l’extérieur. Les prisonniers ont une expression pour expliquer ce qu’ils font en dedans de quatre murs : FAIRE DU TEMPS. Curieux comme on ne peut dissocier prison et conscience du temps.

Ma mère passait son temps à pleurer, dit Jean-François
Y avait jamais moyen de savoir pourquoi
Mon père s’est fâché, il l’a jetée dehors
On ne l’a jamais revue.<
p> Il est sorti de prison la semaine passée
S’il ne vient pas me voir dimanche
Ça va aller ben mal, ben mal
Fit-il en compressant la balle de tennis.

J’ajoutai presque aussitôt :
Sais-tu que, moi aussi,


S’il y a quelqu’un qui ne vient pas me voir en fin de semaine
Ça va aller encore plus mal que toi ?

Il parut saisi de stupeur. Me yeux s’ombragèrent alors d’une colère alors plus drastique que la sienne. Je lui fis un doigt d’honneur et partis prendre une marche. Décidément le deuxième en quelques semaines. Et les deux seuls de ma vie d’ailleurs. J’étais scandalisée de la façon dont il m’avait agressée avec sa misère.

Renaud me manquait terriblement. Je savais qu’il commençait à chanter à vingt heures. Je l’avais dans la peau. Je me serais donnée à lui sans réfléchir, juste pour me venger de ses fascinantes qui ne laissaient aucun espace en lui pour moi. Qu’avaient donc ces bouleversantes de plus que moi ?

Je revins sur mes pas, entrai dans la salle communautaire, pris Jean-François par l’épaule.

Faut que j’te parle.

Nous marchâmes d’un pas rapide vers la forêt, jusqu’à la cabane abandonnée. Je prenais des chances. Mais n’était-ce pas ça la vie ? prendre des chances…Transgresser le règlement au risque de perdre son emploi… Je lui criai :

Tu vois cette cabane, elle tombe en ruine
Mon cœur est déboîté comme elle
Fais, que t’es bien mieux de te conduire
Comme du monde dimanche
Ce n’est pas le temps de me faire souffrir
Avec tes maudites niaiseries

As-tu compris ?, as-tu compris ?
Y n’y a pas juste toi qui as mal au camp Ste-Rose

Jean-François hurla à son tour en me menaçant de ses poings
Il y a jamais personne qui m’aime

Et je hurlai de toutes mes forces en enfonçant mon doigt dans sa chair de jeune coq pour qu’il n’oublie pas la douleur de mon dire :

Quand la vie t’aura blessée comme elle l’a fait
Avec les deux jumeaux
Enfermés des semaines entières dans un garde-robe
Je te donnerai le droit de te plaindre
Ok là ? Ok là ?

Et Jean-François s’enfuit en courant. Je restai figée et n’essayai pas de le retenir. Allait-il faire une fugue ? Sans doute. Si oui, j’étais dans le pétrin. Mais comme je n’avais qu’une seule idée en tête, me retrouver dans le Vieux Montréal, au café St-Vincent, au pays du bonheur, j’aurais donné n’importe quoi pour briser les chaînes qui me reliaient au mal de vivre de mon emploi.

21 heures 5. Je décidai de monter au dortoir chercher mes affaires avant que les petits ne montent. Robert, le directeur du camp, me croisa en me demandant si j’avais vu Jean-François.

Je lui mentis en lui disant : Aucune nouvelle. En arrivant à mon lit de garde, je vis sur ma commode trois pissenlits déposés sur une feuille de papier

Je m’excuse


Jean-François.

Les enfants montèrent se coucher. Jean-François entra rapidement à l’intérieur de ses couvertures n’osant croiser mon regard, par pudeur, je crois. Ça devait être la première fois qu’il s’excusait de sa vie et il ne devait pas être très à l’aise avec ça.

Sur les entrefaites, le concierge vint me prévenir. On me demandait au téléphone. Je descendis.

Allo
Miel, c’est ton père
J’appelle d’une cabine téléphonique
Je ne veux pas me mêler de ta vie
Mais donne donc un coup de fil à ta mère
Elle s’ennuie, je crois.
Fais juste la rassurer.

Ok Papa je ne vous oublie pas
Mais j’ai besoin de m’isoler

Pour voir clair dans ma vie

Ça va bien aller J’ai confiance en toi chérie Dis surtout pas à ta mère que je t’ai appelée OK ?

J’en profitai pour me faire un thé. Le téléphone sonna à nouveau, presque immédiatement.

Allo
Miel c’est ta mère
Ton père est parti s’acheter du tabac à pipe
Ça ne me dérange pas trop si tu ne me donnes pas de nouvelles
Mais appelle ton père ok
Il trouve cela ben vide sans toi dans la maison
Il n’en parle pas mais je le sens
Ne lui dis surtout pas que je t’ai téléphoné ok ?

Maman, merci d’avoir appelé Je vais aller vous voir quand ça va aller mieux Dans ma tête Ne vous inquiétez surtout pas, tout est sous contrôle.

J’éclatai en sanglots. Trop d’amour m’étouffait, mais d’autres se mouraient de ne pas en recevoir. Je remontai au dortoir, réveillai Jean-François. Il fut bouleversé par la puissance de mon chagrin.

Je n’aurais pas dû te parler aussi durement Je te demande pardon,

De voir sur son visage si dur des larmes si tendres apparaître me fit sourire de gêne malgré moi. Je séchai ses larmes de mes doigts et il fit de même pour moi, tout en reprenant ses propres paroles :

Jean-François
Si tu brailles toi aussi
Comment est-ce que je vais faire pour m’en sortir ?

Je ne suis toujours bien pas pour t’apporter
Des pissenlits à tous les jours

Murmura-t-il entre deux sourires

Bonne nuit mon grand
Bonne nuit Miel.

Et le damné dimanche arriva. L’univers entier sembla devenir fragile. Étrangement fragile. Chacun semblait suspendu à une visite possible. Comme j’avais pour tâche de diriger chaque nouveau visiteur vers son enfant ou son petit enfant, j’assistais chaque fois à une scène différente dans sa forme mais semblable dans sa douleur. On ne demande pas à un petit chiot de détester sa mère ou son père parce qu’il s’est fait mordre par elle ou par lui. Un enfant a besoin d’amour et s’il n’en reçoit pas, il va s’en imaginer juste pour ne pas crever. C’est peut-être ça un enfant du diable : Même en enfer, on trouve le moyen de se réchauffer le cœur avec le feu qui nous brûle le dedans du corps. Chantal la plus que grassette par exemple me semblait systématiquement rejetée par sa mère, bien proportionnée et toute délicate. Quand une visite dure le moins longtemps possible, c’est que le parent fait son minimum, son devoir.

Quand une adolescente retourne à ses activités sans une larme, c’est qu’elle a saisi les règles du jeu et que ça sent déjà la mort à l’intérieur d’elle-même. Mais au moins, elle avait eu de la visite, ce qui lui permit de faire une grimace à la trop mince Monique, orpheline d’une fin de semaine à l’autre, afin d’exciter sa jalousie.

Jusqu’à la dernière seconde, Jean-François resta à mes côtés, convaincu que son père finirait par arriver. Il était 16 heures et 15. Plus que quelques quarts de tour avant d’être de nouveau étranglé par le désespoir. Temps libre, pas de chant le dimanche. Je berçais les deux jumeaux, lui massait son éternelle balle de tennis. Et soudain, je l’entendis crier :

Je le savais.

Mon grand boxeur dévala l’escalier et se rendit à la rencontre d’un homme qui ne pouvait qu’être son père. Même carrure dans une semblable démarche marginale et gênée. Il était accompagné d’une toute petite femme avec un chapeau sur la tête, du même genre qu’adorait tant porter ma mère lorsqu’elle se faisait de la couture…. Mais…Diable… C’était ma mère ! ! !

J’eus la même réaction que tous les autres. Je partis à courir et je lui sautai dans les bras… Il y a des moments où d’avoir la tête dans le cœur te donne l’impression d’être toi aussi un enfant du diable.

Ma mère m’embrassa sans arrêt le front.

Marie…Marie…

Le fait qu’elle ne m’appelle plus Miel me soulagea. Je pressentis chez ma mère cette intelligence féminine de ne pas me forcer à ouvrir mon carré de sable. Ma mère était une femme très terre-à-terre, prête à se battre au côté de sa fille lorsque le danger semblait vouloir faire basculer son univers.

Monsieur Brisson, comme son fils Jean-François, n’avait pas la parole facile. Ils avaient quand même pris la peine l’un et l’autre de se regarder dans les yeux, juste pour voir s’il y avait encore une lueur d’amour sous l’amoncellement des blessures. Pas d’excuses, pas de je t’aime, même pas une caresse. De nous voir toutes les deux, ma mère et moi, en parfaite symbiose d’expression, donnait à leur silence une profondeur caverneuse.

Marie,
Tu peux exiger bien des choses de moi
Mais tu ne peux pas demander à une mère de rester chez eux
Lorsque sa fille vit une période difficile
C’est contre-nature
C’est justement cela que je racontais
Dans l’autobus à Monsieur Brisson.

Je serrai la main de Monsieur Brisson. J’eus l’impression de le déranger en m’approchant de trop près. Une main dure, sans sentiment, accompagné d’un tout petit murmure dont on n’ osait même pas saisir le sens.

Votre petit gars a pris soin de moi
Comme s’il s’était agi
De sa propre mère
Gaffai-je.

Je me sentis horriblement coupable de cet impair. Impossible à réparer. Nous nous dirigeâmes vers la cafétéria. Ma mère pouvait tenir à elle seule une conversation pendant des heures quand elle s’y mettait. Elle s’extasiait devant la beauté des enfants, serrait ma main bien fort et à plusieurs reprises comme pour se féliciter d’avoir suivi son instinct maternel, posait des questions embarrassantes sans même s’en rendre compte, nettoyait le visage de Jean-François avec une serviette humide ramassée sur une table. Elle y avait vu de la saleté. C’était impossible de lui résister.

Monsieur Brisson, de son côté n’avait parlé à son fils que par monosyllabes. Celui-ci avait répondu sur le même registre.

Tu t’en sors ici ? dit le père
J’ tiens le coup dit le fils
Moi, c’est pareil, conclut le père.

De longs silences

L’ouvrage est rare… Dit le père
Mmmmm… Dit le fils
Mais c’est moins dur
Que derrière les barreaux,
conclut le père.

Jamais le fils n’ouvrait une séquence, ni même ne la fermait. Cela semblait faire partie de la loi de son milieu. Valait mieux écouter parce que le père avait peu à dire.

Monsieur Brisson me semblait mal à l’aise. Son fils lui ressemblait trop. Les sentiments, ça passait d’abord par des coups de poing ou une bonne bataille.

Au café, ma mère renchérit en disant :

Jean-François,
Tu ressembles tellement à ton père
Une chance que vous étiez avec moi dans l’autobus
Monsieur Brisson
Avec vous
Une femme se sent rassurée
Elle sent qu’elle ne sera pas abandonnée.

Je faillis m’étouffer. Jean-François me fit un clin d’œil. Cela me remplit de tendresse à son égard. Mais Monsieur Brisson eut l’air d’en avoir assez.

Je pense que c’est l’heure de l’autobus… lâcha-t-il
Mmmmm répondit Jean-François
On s’en sort toujours…. Hein fils ?

Ce mot « fils », c’est tout ce que Jean-François espérait entendre. Je le sentis par la fierté qui tressaillit au coin de ses yeux. Maintenant il pouvait en baver du temps inutile. Son père ferait de même de son côté La vie finirait bien par tout arranger.

Moi je vais partir plus tard, dit ma mère
Ma fille va venir me raccompagner
Elle a son automobile, vous savez
Mon mari et moi l’avons toujours gâtée
Elle a été tellement aimée cet enfant-là.

Ma mère avait l’art de faire passer ses messages en nous faisant bien savoir qu’elle ne souffrait aucune contradiction. Elle s’était arrangée pour que cela se passe comme elle l’avait décidé. Dans sa tête, la logique se déroulait comme ceci : Je n’ai pas fait tout ce chemin-là vers toi pour qu’à ton tour, tu ne viennes pas saluer ton père. Arrange-toi comme tu peux avec ton emploi. Et débarrasse-toi surtout de la présence de cet homme, charmant peut-être, mais non nécessaire à mon bonheur.

Après avoir fait le tour des bâtiments, nous allâmes nous asseoir dans la grande balançoire réservée au personnel. Le temps était doux, le moment propice aux questions inattendues.

Maman, Comment as-tu connu Papa ? Lâchai-je soudain ?

Ma mère ne fut pas, outre mesure, surprise de ma question. D’autant plus qu’elle n’osait pas m’en poser de peur de me blesser.

Tu veux la version de ton père
Celle de ta mère
Ou la vérité ?

Mmmmmm murmurai-je.

Nous étions enfin toutes les deux au cœur de nous deux. Je lui pris la main, la serrai fort contre mon cœur.

Ton père m’a déjà écrit :
Merci d’avoir été cette princesse
Qui, en me voyant passer habillé en vagabond
M’entoura de la caresse de ses bras.

Mais moi ta mère, je te dirais que…
La vérité
Parfois vaut mieux l’oublier…

Mmmm répondis-je

J’en étais rendue à m’exprimer comme Jean-François. Je laissais ma mère ouvrir et fermer les parenthèses et je m’emmitouflais dans le centre.

Je crois que t’as raison
Parfois vaut mieux oublier la vérité

Mmmmmm fit ma mère à son tour

Quand on est une vraie femme ma fille
La vérité ne s’oublie pas comme on veut
Hein Marie ?

Que ces paroles résonnaient vraies dans la bouche de ma mère. Les deux jumeaux vinrent nous rejoindre. Et nous primes le temps, après l’avoir envoyé promener hors du présent, de bercer chacun des petits. Et je sus par leur sourire ensommeillé qu’ils allaient bientôt s’endormir loin du continent de la souffrance du camp Ste-rose, mais encore si loin de l’île de l’éternité de l’instant présent.

L'île de l'éternité de l'instant présent (Pierre Rochette)

Chapitre 2 – LE VIEUX MONTRÉAL

l’île de l’éternité de l’instant présent

Claude Gauthier
Claude Gauthier

Je n’avais jamais encore réveillé mon père en pleine nuit. Mais ce gardien des légendes à genoux déclarant son amour, ce canot glissant sur le lac en brume, cette brillance traînant, par après, dans les yeux de tous, enfants comme adultes, tout ça m’avait ébranlée. Ce n’était pas du théâtre. Mais qu’était-ce donc ? C’est au dortoir que je me rendis compte de la magie tournoyant d’un lit à l’autre. Anikouni permettait à ces enfants démunis de s’évader peut-être ? Non, il y avait une autre chose que je ne comprenais pas et qui me rendait follement amoureuse de lui. Une absence présente ou une présence absente, comment dire, comment dire ?

Mon père se leva, enveloppé d’une doudou bleu et jaune et s’installa dans sa berceuse, soutirant quelques bouffées de fumée de sa pipe. Il avait développé avec moi cet art de n’être qu’oreille quand, dans ma bouche, le flot des sentiments ou humeurs devenait trop confus.

Papa, depuis hier soir, je me meurs enfin d’amour.

Je sus par la manière dont il mâchouillait le manche de sa pipe qu’il retenait des larmes de joie. Il aurait voulu me poser mille questions mais…. On n’arrose pas d’eau fraîche une fleur qui a besoin de soleil pour assécher ses craintes. J’ajoutai…

Cet amour me fait souffrir
Vous devez bien vous en douter
Y a des douleurs qui se racontent mal
J’ai trop de passions bouillant en dedans de moi
Pour que je me sente bien de les vivre à la maison
J’aimerais me louer un petit meublé demain
Si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

Le ton était malgré moi un peu cassant. Mon père sentit qu’il ne souffrirait aucune contradiction. Quand il se leva pour boire un peu d’eau, je sus qu’il venait d’être touché en plein cœur. C’était sa manière à lui de me dire qu’il était d’accord même s’il aurait aimé que cela se passe autrement entre nous deux. Nous étions tellement différents au niveau des émotions. Lui admirait ceux et celles qui brûlaient de passion à la recherche du sens de leur vie. Mais il préférait pour lui-même le bel immobilisme heureux. Il me baigna d’une sorte de morale grand-père exprimée dans les mots suivants :

Il faut que jeunesse se passe.
Il est probablement bon que la tienne se passe ainsi
N’est-ce pas ?

Papa,
Il est possible que durant les prochains mois
Je vive des choses très difficiles
En mettant de côté le père qui vit en vous,
Y a-t-il des souffrances de vous
Qui pourraient me servir de guide
Si oui
Auriez-vous la bonté
De me les raconter ?

La lecture de l’encyclopédie nous avait permis à mon père, ma mère et moi de développer des formules de politesse du cœur, telle « auriez-vous la bonté de… » Quand mon père tombait amoureux d’un nouveau mot,, il en parlait pendant au moins une semaine. C’est ainsi que, dans notre vocabulaire familial, le mot « pitié » fut remplacé par « compassion », « bonheur » par « équanimité », « charité » par « bienveillance », « angoisse » par « abandon » et « obligeance » par « bonté ».

Papa, lui redis-je
Auriez-vous la bonté de me raconter
Vos souffrances ?

Il savait, je pense, qu’en reprenant ses propres formules, je retraverserais à l’envers le pont délicieux du cœur que lui-même avait construit entre nous deux, au fil du cœur des années de nous deux. De toute ma vie, je n’avais jamais vu une seule larme couler sur son visage. De fait je ne l’avais jamais vu souffrir ne fusse une seule fois. Alors personne ne m’avait enseigné la souffrance et j’avais si peur d’aller seule à sa rencontre.

Deux larmes lentes, rares, solides refusèrent de céder entre ses paupières.

Ce n’est pas parce qu’un père
Se retire discrètement devant la vie privée de sa fille
Que l’homme en lui
Se sent prêt à assumer son dire.

Il me dit simplement en signe de bénédiction paternelle

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
Bon voyage amoureux ma fille

Cette phrase avait une réelle signification pour nous deux. Dernièrement, nous en avions discuté âprement. Imprudemment, j’avais avancé l’hypothèse qu’une si belle manière de dire ne pouvait provenir que de l’Odyssée d’Homère. Mon père, en chercheur assoiffé, parcourut l’encyclopédie et découvrit à la page 585 du livre dix de Larousse que de fait, cette phrase provenait du premier vers du sonnet XXX ! des Regrets du poète Du Bellay, peignant ainsi la nostalgie du pays natal. Le lendemain matin, je retrouvai donc l’explication écrite sur le tableau noir de mon enfance. Moi qui m’étais toujours demandé comment on pouvait faire un si beau voyage à traverser de si pénibles aventures, comme le racontait l’Eliade, je venais d’avoir une hypothèse de réponse. Le voyage atteint sa beauté quand on a la chance de retourner au pays natal pour y mourir en paix entouré de ceux qu’on aime.

Donc mon père me signifiait surtout qu’il serait là à chacun de mes retours. Mais curieusement, la logique du propos me conduisit à lui poser une question fondamentale :

Papa
Vous ne m’avez jamais parlé
De votre pays natal ?

Je me rappelle, nous étions en train de dîner. Ma mère avait baissé les yeux et mon père, prétextant un retard, m’avait passé la main autour du visage pour que le silence soit moins difficile à accepter. Se pouvait-il que son pays natal n’eût été que celui de la souffrance ? Et qu’il n’y a aucun Ulysse qui retourne finir ses jours dans des lieux qui lui ont fait trop mal ?

Cette question n’avait jamais été réglée entre nous. Elle succédait donc à mes demandes d’auriez-vous la bonté de…. Jusque dans le fond de la pupille de mes yeux. Que j’aurais aimé qu’il se dévoile cette nuit-là, qu’il brise à jamais notre bulle de conte de fées. II me serra bien fort dans ses bras, me signifiant par cela qu’on ne demande pas à un conteur de souffler sur la seule chose qui fut magique dans sa vie, son château de cartes. Et nous retournâmes nous coucher.

Au réveil par contre, ce ne fut pas la même histoire avec ma mère :

On n’abandonne pas son cœur à un pur inconnu
On se renseigne un peu avant,
Miel

Ne m’appelle plus Miel
Maman
Plus jamais Miel entends-tu ?

Je fus surprise moi-même de ma colère. Plus la sienne montait de me voir rompre toute amarre, plus la mienne l’enterrait à coups de hache contre l’anneau du quai. Cette tension soudaine, entre nous, nous étonna toutes les deux. D’autant plus que nous avions cultivé, en famille, l’éducation que donne la beauté des mots quand on est passionné de la langue française.

Je t’interdis de lever le ton dans cette maison, répliqua ma mère.

Et moi je t’interdis de me traiter comme une enfant osai-je

On ne parle pas comme ça à sa mère.

On ne cherche pas à écraser sa fille de vingt et un ans.

Moi je cherche à t’écraser ? Mais tu perds la tête, Miel

Mon nom c’est Marie, Marie Gascon
Terminée l’enfance.
Puis si ça ne fait pas ton affaire…

Et je lui fis un doigt d’honneur qui me mérita une gifle. J’atteignis la limite du vulgaire. Au moins le mot défendu beaucoup plus pour la laideur que pour son côté provocateur, n’avait pas été prononcé. Et je me retins, je crois, juste par respect pour cette douceur de vivre que la lecture de l’encyclopédie nous avait permis durant toutes ces années, mon père insistant pour que le miel des mots parfume le palais du dire quand on ouvre la bouche.

Je faillis cependant lui sauter dessus. Mais je me rappelai que tout Ulysse pour faire un beau voyage doit pouvoir un jour retourner au pays de son enfance. Ma mère s’enferma dans sa chambre. Je remplis l’automobile de mes effets et partis avec l’impulsion colérique de ne plus jamais donner de nouvelles. Je venais de passer de vingt et un ans à dix-sept ans tout d’un coup. On ne saute pas d’étape dans la vie, je venais de m’en rendre compte pour la première fois, cassant le pot de Perrette, telle une vraie adolescente, pour que le lait réintègre le sein maternel.

Tout ce que je savais de mon coup de foudre, c’est que ce gardien des légendes chantait dans le Vieux Montréal, au café Saint-Vincent, sous le nom d’artiste de Renaud. Robert, le directeur du camp, l’avait engagé sous la recommandation d’Isabelle, éducatrice au camp Ste-Rose.

Je n’avais jamais entendu parler de la boîte à chanson le St-Vincent. J’avais conservé un article de journal mentionnant que, depuis l’Expo 67 de Montréal, toutes les boîtes artisanales où se produisaient ceux qui composaient leurs propres chansons et qu’on appelait chansonniers étaient tombées en désuétude à travers le Québec.

Parmi les plus connues : Le Cro-Magnon à Québec, le Grenier à St-Jean, L’Epave à Jonquière, l’Escale à Granby, l’Etrave à Percé, le Funambule à Chicoutimi, le Hibou à Hull, le Garage à St-Donat, le Pigeonnier à Côte St-Paul, le Pirate à St-Fabien, le Rakakas à St-Hyacinthhe, le Rupin-Noir à Trois-Rivières, le Sagittaire à Rouyn, le Tombeau à Berthierville, les Varveaux dans le Bas du Fleuve, l’Astrid aux Îles de la Madeleine…

Ne restait guère que les deux plus anciennes : la Butte à Mathieu à Val-David dans les Laurentides et le Patriote de Montréal. Je fréquentais le Patriote sur une base régulière, au milieu d’un noyau dur de féministes qui adoraient Clémence Desrochers créant et produisant ses revues à titre de locataire du deuxième étage. Mais le café St-Vincent du Vieux Montréal n’avait jamais été mentionné comme faisant partie du circuit. Comment on sait qu’on se retrouve dans un lieu où un jour, très bientôt, l’instant présent sera magique ? Une impression de marcher temporairement dans une matrice, je crois, d’un quelque chose à la veille de naître. Un parfum de contre-culture d’où est en train de surgir,à son insu, une nouvelle mode qui déferlera dans presque toutes les villes et villages du Québec sur une période de dix ans. Mais quand même, on sent qu’il se passe quelque chose…

Nous sommes le 30 juin 1973 vers 10 heures du soir. Tout est à louer dans une maison de la rue St-Paul. Étrange. Je me réserve une chambre. Je descends la rue Notre-Dame, ne rencontre personne. J’arrive à la Place Jacques-Cartier…. Quelques touristes. Je passe par la ruelle des peintres. Tous les artistes sont là grelottants un peu en cette soirée fraîche mais pas d’acheteurs pour leurs œuvres. De fait, je me dirige à l’oreille parce que j’entends chanter au loin… Au bout de la ruelle des peintres, deux portes de garage ouvertes…. J’approche…. Un chanteur sur un tabouret, guitare à la main, micro rudimentaire à la voix. La trentaine de personnes présentes reprennent en chœur chaque phrase de la chanson. Je suis bouleversée. Ici on ne chante pas, on vit tous la même chose à travers un chant qui aurait pu être n’importe lequel. Ce n’est pas comme au Patriote. Il n’y a pas un artiste en avant qui chante et un public qui écoute. Non, j’ai la sensation d’être partie prenante de quelque chose d’unique que je ne peux identifier, même si je suis la seule, à l’extérieur, les deux bras appuyés contre le bac de fleurs de la fenêtre ouverte des portes du garage.

Chanteur Sur la rue du palais
Salle sur la rue du palais
Chanteur Y a une bien belle fille lon la
Salle Y a une bien belle fille

Elle a tant d’amoureux (bis)
Qui lui donneraient la lune lon la
Qui lui donneraient la lune

C’est un p’tit québécois (bis)
Qui eut sa préférence lon la
Qui eut sa préférence

On dirait que chaque mot chanté plonge dans mes racines au plus profond de mes frissons de vivre et je nage en moi-même en chantonnant moi aussi, heureuse, si heureuse.

C’est en faisant l’amour (bis)
Qu’il parlât de mariage lon la
Qu’il parlât de mariage.

Marie si tu voulais (bis)
On habiterait ensemble lon la
On habiterait ensemble.

Je m’appelle Marie. Et Renaud qui m’aperçoit au moment même où il prononce mon prénom sans se douter que c’est exactement le mien. Il semble ne pas me reconnaître, mais que c’est délicieux d’être tous canotés par le même refrain, sans prétention, sans apparence, que de la magie dont je ne peux saisir la nature.

Un grand petit pays (bis)
Trois fois plus grand que la France lon la
Trois fois plus grand que la France

Aux quatre coins du pays (bis)
Quatre phares sur le monde lon la
Quatre phares sur le monde

Au cœur de ce pays (bis)
La terre est si profonde lon la
La terre est si profonde

Tous les Tremblay les Roy
Les Gagnon les Dubois
Pourraient y boire ensemble lon la
Pourraient y boire ensemble

Et nous ferions l’amour (bis)
Des savants des poètes lon la
Du beau monde
Et des fê…tes.

Et l’on applaudit comme je n’ai jamais entendu applaudir auparavant, comme si le monde se félicitait de vivre tant de magie avec presque rien, le chanteur n’y étant d’ailleurs pour presque rien. On aurait dit l’atmosphère des peintures de Renoir… des impressions… à la fois fugace et….

Une femme vint finalement me chercher. Elle se présenta à moi comme étant la propriétaire, Madame Martin. Elle me raconta, en riant, que le lieu fut jadis un salon funéraire et qu’on y chantait d’abord pour faire danser les morts, pour pas qu’on oublie de vivre pendant qu’on est encore vivant. Elle ajouta avec fierté qu’elle était la compagne du grand poète Paul Gouin et qu’ils vivaient ensemble au troisième étage, juste au-dessus des vivants et juste en dessous des morts.

Vous êtes mieux d’entrer en dedans ma belle
Le soir les morts se promènent dehors.

Nous passâmes à travers les tables. Elle me présenta à tous et chacun. J’aimais sa façon d’orchestrer l’atmosphère de son univers, avec fermeté et tendresse. Elle demanda à la bande de Clermont de se tasser un peu pour que je me sente bien accueillie à ma première visite dans le Vieux-Montréal.

Cette petite fille-là est toute seule
Prenez-en soin parce que vous allez
Avoir affaire à moi
Ma bande de maquereaux et de pucelles

Jamais je n’oublierai Clermont. Bandeau sur la tête pour cacher une calvitie précoce, barbe généreuse, il carburait à l’amitié. Il avait obtenu le privilège d’être toujours assis à la même table, sur la même chaise, entouré de ses amis. C’était un homosexuel discret et chaleureux qui adorait le monde des animateurs-chansonniers comme il les appelait pour les différencier de leurs aînés compositeurs de la première génération des boîtes à chanson, soit les Félix Leclerc, Pierre Calvé, Jean-Pierre Ferland, Claude Léveillée, Claude Gauthier, Pierre Létourneau, Gilles Vigneault et Raymond Lévesque. Pour ne mentionner que les plus connus.

Clermont me raconta que Madame Martin avait imaginé une formule qui lui plaisait beaucoup. Trois animateurs-chansonniers se succédaient sur la petite scène, chantant des chansons de répertoire dont la fonction première consistait d’abord à permettre à tout le monde de fredonner ensemble comme si on était autour d’un feu de camp. On pouvait réentendre cinq fois pendant la même soirée « aux marches du palais », « au chant de l’alouette », ou « le petit bonheur » de Felix Leclerc, en autant que cela permette à chacun de brûler sa branche d’arbre dans le feu de leur joie de vivre.

Un nouvel artiste monta sur le tréteau. Petit de taille, à peine grassouillet, il m’apparaissait venu de nulle part et s’en allant nulle part. Clermont me dit :

Il s’appelle René Robitaille
Il y a tellement de légendes qui courent sur sa bohème
Le genre à vendre sa télévision et son système de son
Pour s’acheter un billet aller-retour Montréal-Paris
Juste pour aller entendre chanter Georges Brassens
Jamais saoul mais toujours entre deux cognacs
Il chante avec un détachement qui nous donne tous
La sensation d’être poètes.

C’est ainsi que j’appris que Clermont avait été le premier client lorsque la mère Martin avait décidé d’ouvrir. Et qu’il n’avait jamais manqué un seul soir, juste pour le bonheur de vivre ce qu’un jour, selon lui, tout le Québec connaîtrait à son tour. Une bohème se saoulant dans ses racines.

Ceux qui chantent ici, me confia-t-il
Composent juste quand ça déborde
Y en pas un qui travaille
Pas un qui sait ses chansons par cœur
Ils ont tous des cahiers

Quand ils chantent une de leurs chansons
C’est toujours la même
Parce que c’est la seule
Qui parle vraiment de leur vie entière.

René entonna d’ailleurs les deux seuls classiques de son ami Lawrence Lepage : « Monsieur Marcoux Labonté et « mon vieux François » puis celle de son frère Cyrille « Marie-Lou », puis celle de son ami Georges Langford des Îles de la Madeleine « La butte » Et soudain les cris surgirent de partout :

Le gros Bob d’a coté
Le gros Bob d’a côté

Et René de répondre Comme c’est la seule chanson que j’ai écrite
Je vais peut-être la chanter
Mais ça me prend mon cognac.

Trois autres cognacs arrivèrent sur la scène. Il les cala un après l’autre en faisant lever le coude à tout le monde. Puis, après avoir pris une éternité pour accorder sa guitare, d’ailleurs encore plus fausse qu’au début de l’opération, il s’enferma dans un grand silence de gars qui a soif.

Je m’en vais vous chanter…
La seule composition que je me rappelle
Quand je suis saoul….

Les rires fusèrent de partout.

Mais là il me semble que je ne suis pas encore assez saoul
Je risque d’oublier des paroles.

Trois autres cognacs arrivèrent sur la scène. Il cala à nouveau, raccorda sa guitare, faisant monter la tension. Mais comme c’était un rituel qu’il se plaisait à répéter de soir en soir, on en était parfois rendu à lui envoyer les cognacs avant qu’il ne les demande. Et René finalement de dire :

VOICI LA SEULE CHANSON
DONT JE ME RAPPELLE LES PAROLES
JUSTE QUAND JE SUIS SAOUL
LE GROS BOB D’A COTE

J’te vois r’venir chez nous…..par la porte d’en avant
Tu sonnes et je t’ouvre………pis j’descends lentement
Je te prends dans mes bras…..on remonte lentement
On ose pas parler…………….on en a trop à dire

REFRAIN
Si j’avais su t’aurais pu me dire que tu t’en venais souper
T’avais rien qu’à téléphoner chez l’gros Bob d’à côté
Y s’rait v’nu dans maison, y m’aurait dit bonhomme
Bonhomme vient donc répondre, y a quelqu’un là pour toé

De mon châssis chez nous……j’vois la porte d,en avant
Pour te voir arriver…………….c’est là que j’m’installais
Ce matin dans mon rêve………ce matin je croyais
Que tu me revenais……………que tu me revenais

REFRAIN FINAL
A toutes les fois qu’j’entends sonner chez l’gros Bob d’à côté
J’pense que c’est toé, j’pense que c’est pour moé
J’vas aller prendre une bière… Chez l’gros Bob d’à côté

Les applaudissements rejaillirent du bar à la scène. Trois autres cognacs retraversèrent la salle pour que René la rejouât et la rejoue immédiatement. Je demandai à Clermont qui était à côté de Renaud, debout à l’entrée des toilettes »

C’est le troisième chansonnier de la soirée
Le barbu
Marcel Picard
Tellement amoureux de la vie
Qu’il n’a qu’à gratter de sa guitare
Avec un rythme lent incomparable
Pour que la salle se lève debout en transe
Il est le seul à réussir cela.
Ne jamais bouger
Et que tout soit survolté devant lui.
C’est ainsi que le temps fila jusqu’à deux heures trente du matin. Renaud, le dernier à monter sur la scène, annonça la chanson finale de la soirée.

De Jean-Pierre Ferland
Les Immortelles

Vous avez nom que je voudrais, pour ma maîtresse
Vous avez nom que les amours devraient connaître
Mais elles vivront ce que vivent les roses
L’espace d’un vous savez quoi
Ne s’appelleront jamais immortelles
Ne seront jamais qu’un feu de joie.

Je me sentis exactement comme le modèle nu étendu sur le velours rouge pendant que le peintre Modigliani la peignait. Le corps gorgé de sensualité, le ventre gémissant d’espoir du jaillissement de sa verge entre mes reins tendus dans une union intime et parfaitement fondue de deux êtres amoureux.

Vous avez nom que je voudrais
Pour ma maîtres…es…se

La soirée prit fin sur une note veloutée de bohème attardée. Renaud déposa sa guitare dans son étui, serra son cahier dans sa valise, éteignit l’amplificateur.

La mère Martin, comme tous la surnommaient affectueusement, m’offrit un dernier cognac, comme pour me signifier qu’elle m’avait adoptée. Mais n’était-ce pas là son immense talent de tenancière qui faisait que chaque nouveau venu trouvait en ses lieux une famille et une mère de famille ? Lorsqu’elle apprit que je vivais dans une des petites chambres de la rue St-Paul, elle cria pour qu’on l’entende de loin :

Renaud., raccompagne la petite en passant
Y a pas de lumière dans ce coin-là

Elle ajouta aussi en parlant assez fort pour que Renaud l’entende : N’oublie pas de te faire respecter ma fille
Mes animateurs-chansonniers
Ce sont des ben bons gars
Trop bons pour que je n’avertisse pas mes filles
Qu’ils ont bien des manières d’être bons avec elles.

Étonnamment, il n’avait pas fait le lien entre ma personne et le camp Ste-Rose. Faut dire qu’il faisait si noir sous le vacillement des chandelles et que mon chapeau de paille masquait probablement beaucoup plus ma chevelure. Nous descendîmes la rue St-Paul en échangeant très peu de mots :

Je m’appelle Renaud, toi ?

Marie

Ça fait longtemps que t’habites dans le coin ?

Je suis arrivée cette semaine

Tu vis en chambre ?

Oui, pas loin d’ici«

Tu n’as pas peur toute seule ?

Pas ce soir en tout cas.

Nous passâmes devant le restaurant du Père Leduc, ouvert jour et nuit. Les deux hommes se saluèrent. Puis nous marchâmes jusqu’au bout de la rue St-Paul. À droite nichait le café du port, mais nous bifurquâmes plutôt vers la gauche. Sous le pont de la rue Berri, qu’on avait toujours surnommé le pont des malheurs, Renaud me récita un de ses poèmes :

SOUS LE PONT DES MALHEURS

Et si ton corps était un beau ruisseau
Il coulerait lentement le long de la rue Berri
Se faufilant pour s’arrêter soudain, transi comme un voleur
Là ou gît la rue Notre Dame qui ne laisse passer
Que les poètes et les femmes

Passe, Passe, fillette te dirait-elle,
Les créateurs ont faim
Ils t’attendent.
Donne-leur ton eau, de l’autre côté dans un tout petit café
Mystérieux, peu connu et c’est tant mieux
Pour les folies des amoureux

Petit ruisseau
Quand mes amis auront bien bu
Ils te jetteront ensuite dans le fleuve, heureuse,
Comme une vierge assouvie gémissant dans l’éternité
L’étrange décor du café du port.
La musique des mots fit de moi une belle au bois dormant, comme la princesse endormie dans les contes de mon père. Je sentis sa bouche approcher de mes lèvres. De mes deux mains, je fis reculer son visage. Puisqu’il m’avait déclaré son amour en Anikouni et qu’il ne m’avait même pas reconnue en Renaud, comment pouvais-je lui faire confiance ?

J’ai déjà rencontré l’homme de ma vie
Lui murmurai-je en le regardant droit dans les yeux

Il pencha la tête de résignation, sans dire un mot. Nous continuâmes notre chemin silencieusement. Rendus à la porte de ma maison de chambres, Renaud me dit en ricanant :

Cela veut dire qu’il faut oublier le café ?

Non mais deux verres d’eau et une chandelle par terre
Ça pourrait faire oublier le café ?

Cela le surprit. J’adorais mettre mon intelligence à la disposition de mes émotions, de ma sensibilité et de mon intuition. Improviser ma vie par compulsion m’avait toujours paru aussi talentueux que pouvaient l’être les personnages des meilleurs romans : Oser, sauter les temps non nécessaires à l’adrénaline de vivre, improviser, provoquer, besoin terrible de provoquer quitte à reculer.

Je servis les deux verres d’eau, allumai la chandelle, me couvrit d’un châle pour cacher la pointe de mes mamelons trop assoiffés de ses lèvres, couvrir la chair au-dessus de mon cœur trop à la recherche de ses bras.

Cela te fait quoi de mourir d’amour
Pour un homme, me lanca-t-il ?

Touchée, j’étais touchée, comme un bateau qui en pleine guerre reçoit une première torpille d’un sous-marin ennemi, les flancs soudain ouverts d’un désespoir innommable.

Es-tu déjà mort d’amour pour une fille ? Répliquai-je.

Le sous-marin replongea aussitôt en lui-même, de stupeur, je crois.

Deux fois, avoua-t-il.
Deux fois

Et je crus réussir en une seule phrase, à obtenir de Renaud ce que mon père avait toujours refusé de m’accorder : La confidence d’une vraie souffrance d’homme et non la magie d’une force imaginaire d’un héros des contes de mon enfance. Mais plus il racontait, plus je voyais dans ses yeux la reconnaissance qu’un tel moment d’instant présent fut possible sur cette terre. Et Renaud s’abandonna à son dire. Et j’en fus séduite, ayant été si assoiffée des mots toute ma vie.

« Elle s’appelait Lola, dit-il. C’était une fille d’une grande théâtralité dans sa bisexualité. Quand elle arrivait au St-Vincent, habillée en homme, elle paraissait en habit, chapeau, cravate et cigare. Les samedis soir, d’un seul regard, elle arrivait à déceler dans la foule laquelle parmi les filles avait des penchants lesbiens. En quelques heures, elle réussissait à harponner sa proie, partir à son bras pour en déguster les fruits durant la nuit. Par contre, quand elle se présentait habillée en femme, je ne connais pas d’homme solitaire et libre qui n’ait tenté, à un moment donné, de la séduire. Mais elle refusait de partir avec quiconque tout en appréciant cette cour désespérée de mâles quelquefois talentueux. »

Renaud ferma les yeux d’extase, je crois, comme on goûte et goûte encore et encore, juste par mémoire olfactive, un vin d’un cru si rare qu’il n’en vint jamais un autre de cette qualité.

Un soir, à minuit exactement
Elle apparut drapée d’une jupe magnifique
S’assit devant moi
Jambes bien espacées
Exprimant toute la palette de ses sens

Ma voix vibrait à sa chair
Comme sa chair caressait les sons du fond de ma gorge
Il n’y avait que nous deux
Nos deux corps explosés en mille étincelles

À la fin
Elle se leva
Glissa un papier entre ma poitrine et ma guitare…
Et s’enfuit…

C’était son adresse.

Je courus chez elle
Elle m’attendait nue sous une robe de chambre
Dans une chaise berçante.
Je l’ai pénétrée de ma verge
Avec la même musique
Qui a toujours modulé ma voix

Nous n’avons pas dit un mot
Une autre fille dormait dans sa chambre
Je suis reparti

Chacun des soirs qui suivirent sur la scène
Je me demandai :
Viendra-t-elle en homme ou en femme

Un soir
Elle s’est présentée en homme
Vécu un coup de foudre avec une nouvelle cliente
Et repartit avec elle.
Je n’ai jamais revu ni l’une, ni l’autre.

Je suis finalement retourné à l’appartement
Elle avait déménagé sans laisser d’adresse.

Ce moment unique me laissa dans l’âme
Un parfum incomparable d’infinité
Qui ne m’a depuis jamais quitté.

Plus Renaud racontait, plus j’étais odieusement jalouse intérieurement. Non seulement ne m’avait-il pas encore reconnue alors qu’il avait demandé ma main au camp Ste-Rose, mais il me semblait que je ne pourrais jamais égaler la signature de cette femme en ses sens.

Est-ce possible de mourir d’amour
Une deuxième fois lui demandai-je soudain ?

On devrait mourir à chaque fois me répondit-il. Je ne meurs que dans les bras de celles que j’appelle les bouleversantes ou les fascinantes, à l’intelligence presque géniale, aux bouches tristes avec des yeux qui n’en finissent pas de jouir de l’instant présent, uniquement l’instant présent. Au mois de mars de cette année, lorsque je sortis mon livre de poésie, une grande fille, immensément grande s’approcha de ma scène et me dit, ses yeux envoûtant les miens :

Renaud
Mon mari m’a offert ton livre de poèmes en voyage de noces
Comme il est en tournée d’affaires à travers le monde
Je suis venue réaliser un fantasme ;
Que tu me récites tes textes dans un endroit romantique.

Elle avait été modèle nu à l’Ecole des Beaux-arts de Montréal… Je l’emmenai sous le pont des malheurs, puis au café du port. Jean Marcoux, le joueur de violon, propriétaire, nous prêta sa chambre. Sous la poésie de mes lèvres, elle se caressa de la symphonie de ses doigts, avec rythme lent comme seuls les mots savent s’incliner devant les sens. Les ruelles du Vieux Montréal accueillirent amant et amante, furieusement passionnés de la poésie de vivre l’instant présent. Puis un jour ce modèle nu me dit :

Merci de la belle vie de jeunesse
Vécue en ta compagnie
Je suis maintenant prête
À me consacrer à mon mari.
Et à fonder une famille

Je ne la revis plus elle non plus.

Le silence surgit soudain entre nous coloré d’une jalousie subite de ma part. Je pris la chance de chanter :

Zum galli galli galli zum Galli zum

Non…. La princesse du camp Ste-Rose, dit-il estomaqué

Comme pour se faire pardonner, il sortit sa guitare et chanta :

Parle-moi, parle-moi, j’ai besoin de tendresse
Il n’en reste pas beaucoup, dans ce monde un peu fou
Ne m’en veut pas, ne rit pas
Je suis homme et enfant
Parle-moi, parle-moi
Doucement et longtemps

Renaud arrêta de chanter au beau milieu de la chanson, comme si tout avait été dit entre nous deux.

C’est magnifique lui soufflai-je
On dirait que c’est le plus beau de toi-même
que tu viens de m’offrir.

Il serra l’instrument dans son étui, se leva et juste avant de quitter me dit :

Il y a deux ans
à l’Eglise,
On a entonné cette chanson
Lorsque je me suis marié

Il sortit comme un vagabond étonné d’avoir commis une erreur dans sa vie, fasciné par le fait qu’une méprise représentât un bien mince prix à payer pour vivre d’instants en instants comme on chante les yeux dans un cahier pour mieux canoter le long de la rivière des mots.

L'île de l'éternité de l'instant présent (Pierre Rochette)

Chapitre 1 – D’UN INSTANT PRÉSENT A L’AUTRE

L’île de l’éternité de l’instant présent
leclerc
Félix Leclerc

Le dernier été de sa vie, celui de l’an 2000, fut le plus mystérieux de tous pour ceux qui l’avaient connu jeune artiste. Il chantait au théâtre « Le patriote » de Sainte-Agathe durant le souper, et cela six soirs par semaine, juste avant le spectacle des « girls » de Clémence Desrochers. Mais avec cette particularité qu’il s’était arrangé pour qu’on ne le voie pas. Il montait par une échelle jusqu’à la cabane de l’éclairagiste soudée au plafond intérieur et de là, fredonnait les chansons les plus sensibles du répertoire de sa jeunesse dans le Vieux-Montréal.

Renaud chantait dans ce qu’il surnommait lui-même, la plus petite boîte à chansons du Québec, à cause de sa forme carrée avec à peine de la place pour deux personnes debout. Il y déposait côte à côte, son lourd cahier de 800 chansons, de quoi grignoter, une bouteille d’eau et son journal personnel ouvert à la page blanche du soir, alors que, dans son dos, le baladeur d’éclairage frôlait ses épaules de sa rugosité métallique.

Enfin, il pouvait séparer le paraître et l’être, laisser l’expression de sa voix chaude frissonner dans le théâtre avec la délicatesse de l’intimité comme le fait une bouteille de vin à table. Il attendait chaque soir le moment précis ou son ego se dissolvait dans une béatitude totale, toujours la même et jamais pareille, d’une telle beauté qu’il lui arrivait de perdre connaissance de bonheur sur son banc, le visage bien écrasé dans son cahier.

Il s’abreuvait depuis toujours aux frissons de l’éternité. Cela lui semblait si naturel qu’il n’avait jamais pu comprendre comment il se faisait que l’on puisse souffrir. Son corps de 51 ans lui avait toujours paru en état de jeunesse. La pureté de l’âme, la sensation continuelle de flotter deux pieds au-dessus du sol, le rythme lent, amoureux, étonné, charmé. La sensation de ne rien peser, de se fondre dans le tout avec ravissement, de saisir dans ses mains l’air comme des milliers de pépites d’or. Était-il artiste, poète de la vie, amant de l’être ou son enfant naissant encore aux langes ?

D’en haut, il s’émerveillait de la beauté des humains lorsqu’ils partagent un repas. À un point tel qu’il se faisait un plaisir profond de descendre saluer tout le monde, un par un en disant :

Bonsoir
Je suis votre chanteur fantôme
Je vous souhaite une bonne soirée

Il arrivait qu’il s’aperçoive que certains soient émus parce que telle chanson leur rappelait tel souvenir. Dans ces moments-là, il ralentissait la voix, pénétrait le texte pour que l’instant présent se dénude de facticité afin de s’inonder de lui-même d’éternité.

Il résidait depuis trente années, de façon ponctuelle, dans l’ancienne maison du chansonnier Raymond Lévesque, l’homme de « quand les hommes vivront d’amour « à dix pieds exactement du théâtre de la Butte où était né le mode d’expression chansonnier au Québec. Ce qui lui avait permis de construire, pierre par pierre, de la maison à la butte, un chemin menant sous cette scène historique où un jour seraient déposées ses cendres.

En fait, il vivait en locataire de la vie chez un ami chansonnier à Val-David comme un vagabond emprunte les sentiers qui lui donnent le bonheur de marcher. À cinq minutes à pied de la rivière du parc des amoureux où il aimait s’épanouir en contemplation, huit minutes de l’hôtel la Sapinière où il adorait se bercer dans la balançoire, quinze du Mont Condor où il sautillait la forêt des Alpinistes et quatre du café chez Steeve où il assiégeait discrètement la table du fond, visage enfoncé dans le mur, pour ne pas être dérangé.

Ajoutez à ça un vieux camion 1977 où l’on pouvait marcher à l’intérieur, dormir au fond et lire des heures étendu sur le plancher. Que du dépouillement, que du minimalisme. D’ailleurs dans cette maison de 14 pièces, il n’en habitait qu’une, meublée par un petit lit simple, un réfrigérateur douteux, une dizaine de morceaux de linge et quelques ustensiles.

Était-il si différent des autres ?. Il lui semblait que non.

Sa vie avait été semblable à celle du Petit Poucet. Au lieu de semer des cailloux, il avait fait trois enfants à trois femmes différentes, au travers de quelques centaines d’aventures d’un soir, le tout inhérent à sa vie de jeunesse autant qu’aux attributs de son métier, jamais de maîtresse. Puis, tout s’était clairsemé, le tour du jardin des désirs pulsionnels l’ayant repu.

Les enfants avaient vécu avec leur mère, trop insécures face à l’effarante liberté de sa libre-pensée. Pour ses ex-femmes, il était un irresponsable inadapté qui, même s’il payait ses pensions, ne pourrait qu’avoir une influence néfaste sur leurs poussins en leur montrant comment se conduire de façon créatrice face à une société institutionnalisée.

Il ne fréquentait personne, jamais personne. Il passait seulement dans la vie des gens comme on se croise quelquefois dans la rue. Mais il saluait avec amour ceux et celles dont le cristal du cœur le faisait frissonner de joie à l’intérieur de lui-même.

Par exemple, la femme la plus pauvre du village. Si maigre que le soleil refusait systématiquement de traverser son corps de peur de la faire fondre. Si laide, que les chats, d’une fois à l’autre, refusaient de suivre son ombre rectiligne. Celle-ci, foulard sur la tête, les yeux hagards d’acceptation, semblait immunisée contre quelque regard de qui que ce soit.

Traînant un petit chariot sur deux roues, été comme hiver, elle vendait, pour survivre, les œufs de ses poules, à qui voulait bien en acheter sans jamais mendier un nouveau client. Et quand elle manquait de marchandises, elle allait chez l’épicier du village pour acheter la douzaine que ses poules avaient omis de lui pondre

Cela faisait maintenant près de 25 ans qu’ils se croisaient d’un sourire à l’autre. L’ermite ne lui avait jamais acheté d’œufs. Il ne savait même pas son nom. Il avait maintenant peur qu’elle meure, qu’elle disparaisse de son bonheur de vivre. Il était attaché à elle comme on l’est d’un saule pleureur lorsqu’il annonce de ses plaintes la venue de l’automne.

En cet été 2000, il désirait lui dire autre chose que son habituel admiratif :

Bonjour, Madame
De fait, il modifia :
Bonjour, Madame. Ça va bien aujourd’hui ?

Il lui serra tendrement le bras de ses deux mains. Elle ne fut pas surprise outre mesure.

Vous savez. Continua-t-il,
Ça fait 25 ans cette année que l’on se salue
Et vous ne m’avez jamais vendu d’œufs.

La réponse de la dame pauvre le conquit d’état de grâce :

Ça n’a pas adonné Monsieur

Et ils poursuivirent chacun leur chemin.

Ce qui permit à l’ermite, comme le rituel l’avait dessiné depuis toujours entre eux, de remplir son cœur de cette bienveillance que la vie offre en prime lorsqu’on lui est abandonné.

Il aimait les gens de son village. Mais de loin. Ma Tante Marie s’occupe-t-elle encore des pauvres ? La grande blonde a-t-elle pu aller à sa réunion des alcooliques anonymes ? L’agent d’immeuble a-t-il enfin trouvé l’âme sœur?

De fait, il avait fait des êtres de sa vie au quotidien un manège de respect et de civilité qui tournait magiquement autour de ses silences comme de ses absences. Un matin cependant, un détail annonça de grands bouleversements à venir. Il avait vu Réal Dubois, le propriétaire de la buanderie du village, avec une casquette sur la tête qu’il oublia d’enlever en le saluant, lui qui avait toujours vécu la fierté de l’homme à la chevelure dégagée. Le chanteur pressentit que celui-ci avait un cancer.

Le matin suivant,il croisa Madame Dubois qui semblait différente des autres fois. À travers les années, ils s’étaient dit à peine bonjour ou bonsoir. Mais cela avait créé entre eux une délicatesse telle qu’il pressentit, à son pas vif et saccadé, une détresse inhabituelle. Alors il ralentit le sien au cas où elle aurait aimé se confier.

Réal se referme sur lui-même lui dit-elle
Il rejette mon aide, il se choque après moi
Je n’en puis plus

La femme pauvre aux œufs d’or passa tout près d’eux, puis l’agent d’immeuble, comme ils le faisaient habituellement à cette heure.

Madame Dubois, murmura l’ermite,
Votre homme vous aime comme il vous a toujours aimé.
Il est juste en colère après la vie.
C’est une bête traquée par une maladie dévastatrice.
Il tente de se battre seul
Pour épargner de la souffrance à sa famille

Et tous deux avaient pleuré doucement

Puis un autre événement majeur était survenu pouvant affecter le tournoiement des heures sous forme de chevaux courbant le temps.

Depuis trente ans, il adorait passer en face d’une maison où vivait un couple d’artistes dont il avait toujours admiré la complicité. Ce matin-là, il vit une pancarte à vendre. Même s’il ne leur avait jamais parlé, il ne pouvait supporter l’idée de les voir disparaître de son ordinaire de marche. Alors, il se rendit à l’atelier par derrière. L’homme ciselait, comme il le faisait habituellement à cette heure-là, un morceau d’ébénisterie.

Monsieur, dit-il, je ne vous connais pas
Mais vous ne pouvez pas déménager
Ça fait 30 ans que je me promène devant chez vous
Le rythme amoureux de votre vie de couple me fait un bien énorme
Mon bonheur d’être ne sera jamais pareil
Sans la beauté de votre présence.

L’homme avait été touché. Il lui avait fait visiter l’intérieur de la maison, l’avait présenté à sa femme et même permit de jeter un coup d’œil aux peintures de celle-ci. Finalement, la pancarte fut retirée. Dans la même période, l’hôtel La Sapinière avait déménagé sa balançoire sans l’avertir. Il en avait été blessé. Ce ne serait plus le même rythme, les mêmes arbres, la même beauté d’ombrages. Il était allé voir la gérante pour porter plainte, même s’il n’était pas client. Celle-ci le prit pour un hurluberlu, tout en lui souriant professionnellement.

Une semaine plus tard, Renaud mourut, et je perdis, sans même avoir eu le temps de le revoir, l’amour de ma jeunesse.

Et sa vie s’effaça du réel comme un éclair dans le ciel. Mais vous auriez dû voir cet éclair d’homme quand il avait vingt ans. C’était un chanteur fougueux au café St-Vincent du Vieux-Montréal et un gardien des légendes des plus magiques dans un camp de vacances pour enfants des services sociaux en attente de placement, le camp Ste-Rose.

Mais aurais-je eu le coup de foudre pour lui s’il n’avait pas ressemblé si profondément à mon père ? Car mon père avait été aussi un mémorable conteur. Toute petite, il m’avait appris à lui demander :

Papa, est-ce que moi aussi un jour
Je connaîtrai le grand amour ?

Il me répondait alors en déclamant :

Si chaque nuit tu en fais la demande à la vie,
Elle te rendra plus fougueuse que Scarlett Ohara
D’autant en emporte le vent,
Plus gémissante qu’Héloïse pour Abélard
Dans la nuit des temps,
Plus pure que Juliette dans les bras de Roméo
L’embrassant
De telle sorte qu’un soir, un mystérieux soir
Un beau prince, ombrageux et charmant
Posant genou aux pieds de tes royaux atours
T’offrira et son cœur et son or
Et la terre entière chantera
En cet instant présent
Ils vécurent heureux
Et eurent beaucoup d’enfants
Au paradis…Millénaire
De la poésie des bien-aimés
De l’île de l’éternité

Plus tard, que j’eusse six ou douze ans, lorsque je ne comprenais pas le sens d’un mot, il sortait le volume encyclopédique approprié et en tirait les deux phrases les plus musicalement significatives que nous apprenions tous deux par cœur, juste pour le bonheur du dire, la complicité du vivre, parce que ça sonnait joli comme il aimait le répéter sans cesse.

Mon père adorait l’encyclopédie. Il y avait découvert par la lecture systématique d’un page par page tenace des perles intellectuelles qui lui avaient permis, entre autres, de s’affranchir de toute religiosité. Par exemple, dans l’item « Brahmanisme », section philosophie, il avait débusqué une suite de lignes qui avaient changé sa vie. Il l’avait apprise par cœur, comme tout ce qu’il découvrait d’ailleurs, pour suppléer à une culture qui lui faisait cruellement défaut, n’ayant réussi qu’une cinquième année chez les religieuses.

Brahmanisme : Philosophie
Le divin mythique qui est à la base des croyances et des cultes N’est, aux yeux des philosophes, Qu’un réceptacle au nom indifférent Le but essentiel étant la réalisation du divin.

C’est donc grâce à Larousse qu’il cessa d’aller à la messe.

Papa, lui demandai-je un soir,
Qu’est-ce que la poésie ?

Je me rappelle ce soir-là. Je devais avoir onze ans. Il prit le temps de déguster les différents sens du mot « poésie » de la page 586 à 587 (Larousse1961). Je savais depuis toujours que, durant ses expéditions dans la forêt des mots, je devais garder un silence respectueux jusqu’à ce que, de ses lèvres, surgisse la substance de ce qu’on allait adorer tous les deux. Il prit un crayon à mine, souligna d’un trait d’un fini rectiligne, deux extraits qu’il me lut, de suite, comme s’il avait trouvé le plus inestimable des trésors.

Le poète
Est celui qui découvre
L’immuable virginité du monde
Retrouvant les dons et les vertus de l’enfance.

La poésie,
Elle, n’est évasion du réel
Que pour être invasion de l’essentiel.

Qu’est-ce que l’essentiel lui demandais-je ?

L’essentiel
C’est l’île de l’éternité de l’instant présent

Comme il parlait d’une île, je n’en demandais pas plus, n’attendant que de vieillir pour aller la visiter. Telle cette île d’où provenait Jacques Cartier, le navigateur, dont il me chantait les paroles pour que je m’endorme : A St-Malo Beau port de mer

À St-Malo beau port de mer (2)
Trois beaux navires sont arrivés
Nous irons sur l’eau
Nous irons nous nous promener
Nous irons jouer
Dans l’île
Dans l’île

Il n’en demeurait pas moins, qu’au réveil le lendemain, j’étais certaine de retrouver sur un grand tableau noir recyclé de sa communauté religieuse dont il était, depuis dix ans ,l’homme de maintenance, les mots « poète » et « poésie » suivis de leur définition avec en bas, n’ayant jamais quitté la bordure du tableau, les mots :

L’île de l’éternité de l’instant présent.

Sous la bordure du haut, le tableau, pour m’apprendre à lire et à écrire, mentionnait trois noms : Marie Gascon et celui de mon père et ma mère : Rodolphe et Marguerite. Mais en réalité, on m’avait toujours surnommée MIEL, à cause de mon teint parsemé de petites taches.

Parfois, quand je revenais de l’école et que je me plaignais parce que je n’avais pas de vêtements à la mode, ou que je ne mangeais pas assez souvent au restaurant, mon père exigeait respectueusement, d’un air sévère mais bienveillant, que je ferme les yeux pour déguster avec lui le récit oral d’un texte qu’il considérait comme sacré. Il disait qu’on en avait trouvé le parchemin enfoui dans une bouteille lancée à la mer directement de l’île de l’éternité de l’instant présent habitée par un certain Monsieur Renoir, peintre de son métier. On pouvait y lire ceci :

Je me rappelle
La merveilleuse sensation de légèreté
De ne rien posséder
Qui nous permettait, à Monet et à moi,
De végéter les deux mains dans les poches…

Il faut toujours être prêt à partir
Pour le bon motif
Pas de bagages, une brosse à dents
Et un morceau de savon

Et mon père concluait par une phrase envoyée à la mer elle aussi sous forme de bouteille par le peintre Gauguin, voisin sur la même île, lorsqu’il vécut le paradis de l’amour dans les bras de sa tahitienne Teha’amana

Et le bonheur succédait au bonheur

Oui, mon enfance fut cathédralement magique. Dès l’âge le plus naïf, je pris l’habitude d’écrire mon journal. Et je le faisais lire à mon père qui l’annotait régulièrement dans la marge de quelques-unes de ses réflexions à mijoter pour plus tard, comme il me disait souvent, ma mère préférant ne pas en prendre connaissance.

Son Rodolphe, comme elle aimait l’appeler, m’avait ciselé une bibliothèque qui contenait chacun de mes journaux intimes depuis l’âge de trois ans, les premiers naturellement contenant plutôt des griffes de dessins maladroits. Et tout en haut, il avait inscrit en sculptant artistiquement dans le bois :

Instants présents
De miel en miel

Papa lui demandai-je un jour
Qu’est-ce que l’instant présent ?

Ce jour-là, mon père ne courut pas vers l’encyclopédie comme il en avait coutume à chacune de mes questions. Ses yeux devinrent étrangement lunatiques, comme s’il réfléchissait à une interrogation à laquelle toute réponse en soi demande de la magie, puisqu’elle n’existe peut-être pas

L’instant présent, miel, c’est le plus beau des présents
Offert par les habitants de l’île de l’éternité
À ceux de la planète terre où la souffrance du passé
Se console aux espérances de l’avenir.

Tout cela me semblait inaccessible et bien mystérieux. Valait mieux chanter la chanson de l’île comme finissait par dire mon père, la musique témoignant parfois mieux de l’essentiel que les paroles qui l’accompagnent.

À St-Malo beau port de mer (2)
Trois beaux navires sont arrivés
Nous irons sur l’eau
Nous irons nous nous promener
Nous irons jouer
Dans l’île
Dans l’île

À l’âge de quinze ans, j’écrivis dans mon journal :

J’attends avec passion le grand amour
À quoi bon mordre dans mon adolescence
Puisque toute cette agitation des expériences
Puériles m’ennuie.

À la lecture de cet extrait, mon père écrivit en haut de page, pour que je ne puisse rater son dire :
Miel, il n’est peut-être pas bon
De t’enfermer en toi-même
Comme tu le fais ?
Chaque âge a son devoir de vivre.

Mais je refusais systématiquement tout ce qui aurait désembelli mes rêves. J’escamotais des sorties avec les garçons, danses, fêtes d’enivrement en cachette des parents. Je brûlais d’un feu si pur qu’il me semblait terriblement ennuyeux d’aller m’évaporer en douteuse compagnie. Je préférais dévorer les livres de toutes sortes à la bibliothèque municipale, dont quelques lubriques tel le marquis de Sade ou l’amant de Lady Chatterly, pour au moins acquérir la culture du désir.

Quelques années plus tard, je lus tant et tant que je me retrouvai en littérature à l’Université de Montréal. Pour payer mes études, mon père trouva un emploi au noir la fin de semaine et ma mère accumula de la couture pour le compte d’une manufacture des environs. Que de dimanches nous cousîmes ensemble. Mon père disait souvent, en souriant, que les princesses attendent toujours le prince charmant en brodant de longs et beaux ouvrages. Devant le nombre de soutiens-gorge à terminer pour le lundi matin, j’avoue que ma mère et moi ne trouvions jamais cette taquinerie très à propos.

En juin 1973, je terminai mon baccalauréat. J’avais comme projet une thèse de maîtrise sur la relation « Roméo et Juliette » et le reste de l’œuvre de Shakespeare, avec comme tuteur un homme charmant au nom de John Thysdale. Sa famille étant originaire de Vancouver, il espérait obtenir un poste de prestige à son alta mater universitaire, me faisant miroiter la possibilité de m’y emmener comme assistante de recherche si le destin lui était favorable.

Être ou ne pas être, voilà la question , me dit-il en riant
Ce serait formidable que vous y soyez.

Mais je pris ces propos pour de la badinerie galante provenant d’un homme marié et de toute façon trop âgé pour moi bien qu’attrayant de sa personne et ne m’en souciai pas plus qu’il faut. Je me rappelle avoir fêté mes 21 ans, seule devant un verre de vin à la santé de mon intentionnelle pureté physique. Je n’osais prononcer le mot « virginité » car cela aurait risqué de trop me déprimer, je crois. Je préférais enterrer le mot sous la passion de mes sens confus à faire exploser, le plus tôt possible, sous le feu d’un grand amour.

J’habitais encore chez mes parents et je continuais d’écrire mon journal. On ne quitte pas facilement le bonheur permanent. Mon anniversaire était toujours l’occasion d’un cadeau particulier de la part de mon père. Depuis ma naissance, à chaque fête, il m’avait toujours sculpté un délicat coffret de bois cadenassé et annoté de l’année avec un mot d’amour glissé à l’intérieur écrit spécialement pour l’occasion.

À n’ouvrir qu’une fois adulte,
M’avait-il répété d’une année à l’autre.

Tu es adulte maintenant,
Tu as vingt et un ans.
Il est temps d’ouvrir les coffres, me dit-il.
Presque plus excité que moi

Je serai une adulte
La journée où j’aurai rencontré mon prince charmant
Pas avant, répondis-je en riant.

Curieusement, c’est ici que commence mon histoire avec Renaud. Quel préambule, Renaud à cinquante et un ans et toute mon enfance avec mon père, juste pour tenter de dessiner émotivement le bonheur parfumé de ce premier instant d’où surgit, sous forme de coup de foudre, l’essence de l’homme qui envoûta le reste de mon existence.

Nous étions de la même race. Impossible de ne pas se miroiter du premier regard. Nous habitions tous les deux le pays du bonheur, moi par naissance et lui par passion de le partager aux autres. Et comme la vie ne fait jamais les choses à moitié, elle nous avait dirigé l’un et l’autre vers le continent de la souffrance, plus précisément au camp Sainte-Rose de Laval, au milieu d’enfants dont les familles étaient trop dysfonctionnelles pour s’en occuper.

Mon père m’avait appris à reconnaître cette contrée par sa façon d’accorder la priorité à la mémoire du passé en la noyant d’avance dans un certain futur. On souffre trop pour déguster la vie et l’on rêve trop de s’en sortir pour croire que c’est « maintenant » seulement qui en constitue la porte d’entrée et de sortie. On vit dans une maison dont on ne peut toucher les murs. On porte le nom de sociaux affectifs. Ceux et celles qui jouent les rôles de père et de mère se remplacent par chiffres de huit heures et se reconnaissent par les mots « éducateurs et éducatrices ». On se sent institutionnalisés. Dort en même temps, mange en même temps, jamais seul ou seule dans une chambre, sauf quand on est mis au rancart dans un coin pour avoir mal agi. Et l’on a peur, constamment peur d’un je-ne-sais-quoi. D’une horrible réalité que des mots d’enfant ne peuvent nommer. Une mince voix gémissant au creux des yeux tristes : Nous sommes les petits errants de l’existence, les « sans nom » de l’ignorance, la miniature cour des miracles du temps qui n’en finit plus de passer et repasser sans vraiment nous apercevoir. Nous sommes les exclus de l’amour.

Qu’est-ce que l’enfance sur ce continent ? Ça se vit dans les filets des services sociaux, d’une famille d’accueil à une autre parce qu’on a traversé l’inceste, la violence associée à la drogue, à l’alcool ou autre dépendance majeure. On se sent ballottés dans un train, celui d’adultes étrangers qui nous amènent faire une longue promenade jusqu’à la gare des dix-huit ans.

Ainsi, le camp Ste-Rose se divisait en trois modules : Les castors, les hiboux et les écureuils. J’étais l’éducatrice du dernier groupe, celui des écureuils.. D’une part, Jean-François treize ans, fils d’un père membre de la pègre, qui pouvait vous tuer d’un seul regard et Natacha douze ans qui m’avait adoptée comme mère et qui travaillait pour que j’eusse envers elle les mêmes sentiments. Et d’autre part, la plus que grassette Chantal et la grande Monique toujours en guerre parce que mal dans leur peau d’antagonistes se moquant des deux jumeaux de huit ans qui avaient passé une partie de leur vie dans une garde-robe et qui ne parlaient pas encore. Entre ces deux clans, des enfants qui partaient et repartaient selon les évènements externes sur lesquels je n’avais aucun pouvoir. C’est ainsi qu’on apprend à ne pas s’attacher pour ne pas souffrir inutilement.

Ma préférée était Natacha, Natacha Brown. Sa mère, psychotique s’était suicidée et son père avait sombré de désespoir dans les abîmes de l’alcool. Elle lisait dans mon âme presque à la perfection. Elle me secondait discrètement quand la violence ou la tristesse sous forme de larmes éclatait dans le groupe. Sans que les autres ne le sussent jamais, elle fut ma préférée, mon unique, mon indispensable. Le 27 juin 1973, vers vingt heures, une ronde d’enfants et d’adultes au visage peinturé, avec plume d’indien au front et couverture sur le dos, envahit la salle communautaire dans le but d’accueillir le nouveau gardien des légendes que personne n’avait encore rencontré. Comme il s’appelait Anikouni, on répéta la chanson parlant de ce personnage de l’imaginaire.

ANIKOUNI SHA A HOU A NI (2)
AH WAWA BIKANA SHAHINA (2)
ELEAONI BIKAWA YA WA (2)

Robert, le directeur opérationnel du camp, demanda soudainement le silence. C’était un homme maigre et élancé pour qui le sens des responsabilités équivalait à un taux de stress intense. Il avait toujours peur à un accident ou même un suicide, ce qui aurait terni l’éclat et la réputation de son personnel dont il respectait profondément la droiture et l’engagement. Tous faisaient leur possible dans une situation potentiellement explosive. On ne pouvait que tendre une corde dans un abime de manque d’amour. Il avait donc expliqué aux enfants le sens des mots indiens de la chanson Anikouni

Anikouni, Toi qui parcours , lacs et rivières
En canot d’écorce rapiécé de tes mains
Ramène-nous la force
Au pays où hier se dessine en demains.

L’événement aurait pu être banal. Mais il fut plutôt chorégraphie d’apprivoisement d’un imaginaire à un autre. Un chef indien, corne au cou, magnifique panache sur la tête, entre s’assoit au milieu sans cesser de jouer du tamtam. Soudain, sans arrêter de marteler le rythme, il incite des yeux un de mes jeunes, Jean-François, à le rejoindre. Ils sont maintenant deux. Puis ce complice continuant seul à battre le temps comme on bat parfois un tapis sur la corde à linge pour le libérer de sa poussière, Anikouni se lève. Par le seul mouvement de son corps dessinant l’espace en collines et vallées, il entraîne les enfants dans des jeux de mains dont l’ensemble orchestre l’air et l’atmosphère. Et tout devient jeu autour de lui. Et lui s’habille de quête. Il cherche, d’un visage à l’autre. Parfois il se retourne pour exprimer en deux ou trois sourires sa soif que rien de cela ne cesse.

Il s’immobilise devant mon groupe. Il suffit que je vois ses yeux pour que la foudre s’élance en moi en un coup terrible, dans un éclair qui me rendit fragile et allumée telle une biche prise au piège alors que le feu de forêt de ce que l’autre dégage s’avance vers elle sous la simple levée du vent des passions, imprévisible en ses tourbillons autour de l’une comme de l’autre.

CAIA… BOUM…

Dans tous les camps de vacances du Québec, ce cri de ralliement permet à un animateur d’obtenir des enfants qu’ils s’assoient sans réplique et surtout qu’après le boum, le silence rayonne de sa personne vers le groupe avec la même exigence d’obéissance aveugle que met le soleil à brûler les yeux de ceux qui oseraient l’impolitesse d’un regard délinquant. Et tout bruit cessa, de quelque nature musicale qu’il soit.

Ce chef indien que je n’avais jamais vu auparavant sortit un parchemin d’écorce de bouleau et lut simplement en me regardant dans les yeux, tout en reculant dans le velours des pas perdus pour le bonheur de se perdre :

Dans la grande tribu des yogs,
Quand un jeune indien…
Tombe amoureux d’une princesse
Il doit gravir la montagne sacrée
Déjouer le gardien de la caverne sacrée
Pour voler le feu de l’amour

Il se mit à zigzaguer, à tourner à l’intérieur du cercle, regardant chaque visage, les bras en mouvement. Puis, s’abandonnant au jeu indien, il mit un genou devant moi, comme si le sol avait été couvert de branches de sapin.

Fille de la forêt,
princesse de la lune et des étoiles,
La foudre a frappé mon cœur de passion pour le vôtre

Qui a déjà vécu un coup de foudre comprendra qu’il te laisse dans un état semblable, non pas au tremblement de terre, mais à la vision cauchemardesque qui suit quelques secondes après, comme si tout ce qui donnait un sens à ta vie s’en trouvait enseveli. Il ne reste que toi et lui, main dans la main regardant du haut de la colline le présent se moquant du passé.

Il se releva

Amis yogs…Tribu des castors….
Tribu des hiboux….Tribu des écureuils….

Je suis amoureux de cette princesse
Je dois retrouver le feu de la caverne sacrée
Et le lui ramener afin qu’elle m’accorde
Son amour éternel

Il entonna alors un canon.
Zum galli galli galli zun
Galli galli zum

Les enfants l’apprirent si vite qu’ils purent continuer seuls. Et Anikouni chanta le couplet en harmonie avec leurs voix.

Le feu de l’amour brûle la nuit
Je veux lui offrir pour la vie.

Et c’est sur la musique de cette chanson, que les enfants, couverture sur le dos et flambeau aux mains de leurs éducateurs ou éducatrices, le raccompagnèrent à son canot . L’indien rama le lac et disparut dans le noir. Et le noir disparut aussitôt dans le cœur des enfants, l’espace d’un instant, comme il en existe tant sur l’île de l’éternité de l’instant présent.

Commentaires

1. Le dimanche 27 janvier 2008 à 16:40, par Gisele

Salut PIERRE,

Merci encore d’avoir été là à NOEL 07. Tu as été mon cadeau du ciel. Comme tu le
sais, maman est décédée le 16 décembre dernier.

Tu es la preuve pour moi que nos vibrations se rejoignent dans l’UNIVERS et que notre
contact, même si elle n’est plus de ce monde, est véritable et réel.

Depuis des années, maman a toujours été avec moi à NOEL. Grâce à toi, elle était là
encore avec nous cette année, et, ce fut un moment magique…

Quand on a la foie, nos rêves se réalisent et la vie nous rend bien ces moments
intenses de GRAND BONHEUR.

Je ne t’oublierai jamais
Je t’embrasse très fort.

G I S E L E

L'île de l'éternité de l'instant présent (Pierre Rochette)

Prologue

pierresivign
Pierre Rochette

L’ILE DE L’ETERNITE DE L’INSTANT PRESENT

Sur terre, il n’y a peut-être pas de bonheur perpétuel sans la découverte de l’île de l’éternité de l’instant présent. En ce sens, chaque œuvre créatrice, depuis le début de l’humanité, peut se visualiser comme une bouteille lancée dans la mer de l’existence humaine. Certains grands penseurs ont navigué sans jamais avoir trouvé cette île (entre autres, Marx, Hegel, Shakespeare, Goethe, Proust, Sartre, Camus…) D’autres, par hasard, y ont fait escale à un moment de leur vie et en témoignent avec amour (Gauguin, Rousseau, Burke, Hermann Hesse, Spinoza). Seuls quelques « Robinson Crusoé » y furent naufragés très tôt ; (entre autres, les peintres français Renoir et québécois Ozéas Leduc, le grand philosophe américain Thoreau, son compatriote le poète Withman, le sage du pays de nulle part Krishnamurti…) On appelle ces derniers …les magnifiques de cette terre.

J’aurais tendance à croire qu’il existe, à travers les siècles, une chaîne d’initiés, identifiables par la musicalité de leur témoignage, certains connus, des milliers d’autres pas.

Ce livre raconte la vie de Rodolphe mon père croisant celle de Renaud, chansonnier dans le Vieux-Montréal, ayant lui-même tout appris du poète Paul Gouin.

Ils avaient en commun cet art de vivre l’instant présent, dans un bonheur succédant au bonheur, comme disait Gauguin, dans des moments ultimes où l’univers chantait dans leurs âmes comme un sanctuaire d’oiseaux aux confins de l’innommable.

Je jette donc, à mon tour, une bouteille aux vagues pour que les hommes ne désespèrent pas, de manière à ce que, si le bateau de leur existence croise l’île, ils y accostent au lieu de passer outre par manque de cartographies intellectuelles où sont indiqués quelques points cardinaux d’abandon aux vents de l’insondable.

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage

Miel,
Fille de Rodolphe
Complice de Renaud


Commentaires

1. Le jeudi 16 février 2006 à 13:01, par pierrot Rochette

wowwwwwwwww
émouvant
ca fait drole de vivre dans un monastere intellectuel hors du cordon ombelical du regard de l’autre
et de se retrouver sur la place publique, d’une facon fluide et numérique.
beau geste d’amitié
ému
merci

Pierrot
ca me tente meme de le commenter à l’occasion, puisque de toute facon, j’en serai aussi un lecteur qui redécouvre un passé que je croyais disparu a jamais.

sacré Claude
ca trainait dans un de tes disques durs;:)))))))))))))

2. Le jeudi 16 février 2006 à 13:19, par Claude

Salut Pierre,
Tout le plaisir sera pour moi de te relire à l’occasion.

Amitiés,

Claude

3. Le samedi 8 avril 2006 à 22:17, par Cantin denis ( gladiateur )

J’ai eu une pensé pour toi ce soir, et j’ai margué ton nom.
je suis tres heureux de te revoir la bette ancien La Tuquois,et de te relire .Ma mémoire n,a que de beau souvenir en pensant au loisirs Dynamique.Je suis toujours dans la petite ville du lac st louis et de Félix. Si un jour tu ennuis de nos belles montagnes passe nous voir on a encore des beau souvenir de toi..
signé: Denis Cantin

4. Le vendredi 14 avril 2006 à 22:12, par Pierrot

12 avril 2006
wowwwwwww

Cher Denis

Tu faisais partie des gladiateurs dont j’étais le chef d’équipe. Quelle belle période dans nos deux cerveaux aujourd’hui. On voit bien que tu es de la graine des Cantins

Ce que Roger et André Cantin ont fait pour les jeunes de La Tuque (les loisirs dynamiques et les Gladiateurs dont j’étais responsable), ce fut exceptionnel. Je peux en témoigner. J’étais dans leur chambre , certaines nuits de certains vendredi à préparer sous leur gouverne les activités du club pour le lendemain matin.

Aucun adulte d’aujourd’hui qui a vécu cela jadis, ne pourra jamais oublié les Cantin, symbole de l’excellence, très tôt dans leur vie. Et de cela dont tu témoignes dans ta salutation.

Justement hier soir on me posait la question. Si t’apprenais que tu avais une maladie mortelle et qu’il te restait un mois a vivre, quel serait ton dernier rêve. Et les mots s’allumèrent en moi comme un vol d’outarde vers le ciel. Revoir mes amis d’enfance.

J’ai conservé un attachement viscéral pour Raynald Boutin, Marcel Daudelin, André Gauthier, Roger Cantin, André Cantin, Clément, Gaston et Roger Lebel. Le p’tit lac St-Louis, notre maison de la rue Gouin. La Tuque, la ville ou mon grand-père, mon adoré oncle Paulo, mon oncle René, ma tante Micheline, mon père, ma grand-mère Lumina… ma premiere maitresse d’école…. et cela me semble un scandale que d’en oublier en ce moment.

il y a 6 ans maintenant, j’ai dit à ma mère que je réapparaitrai quand j’aurai réussi mon oeuvre d’écrivain. Un an enfermé dans une maison, 3 ans enfermé en bibliotheque, 2 autres années en squatteur sans revenu au sous-sol d’une librairie alternative à préparer un doctorat sur le rêve par le biais de l’intelligence collective. Wow-t = G3.

Tout ca pourquoi? Vers la fin de ma vie, Marcher la voie ferrée le long du St-Maurice, dormir sous les étoiles, arriver de nuit dans la ville pour mieux dessiner le passé. Mes amis d’enfance, ma ville, mon lac, reste en mon âme l’apothéose de l’existence sur cette planète. Et c’est vers la fin que je veux encore et encore y goûter comme on mange une crème glacée au soleil de son passé. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage.

On m’a dit que les dernières paroles de mon père à sa mort furent de prononcer les prenoms de ses amis d’enfance. Pour moi, dans la cathédrale de l’existence, les vitraux portent depuis toujours leurs visages, leurs sourires et nos amitiés d’antan.

Cher denis,

Sois sûr qu’une bonne nuit d’été, tu entendras cogner à ta porte. Pour moi les Cantin, ca sent encore bien au-dela des années le dévouement, l’intégrité et les yeux tournés généreusement vers le mieux êtres des autres.

merci de cette présence
soudaine et si rafraîchissante
à très……… plus tard
un jour:)))))
quand je serai rendu a écrire
ce dernier livre
sur notre enfance a La tuque
la ville la plus fascinante de la planète
notre ville.

Pierrot

5. Le samedi 15 avril 2006 à 11:52, par saint-Clair

cher pierre,ce roman me rappelle nos beaux moments quand nous avons chanté en côte d’Ivoire des chansons québéquoises.Te souviens Saint-Clair le p’tit ivoirien?

6. Le samedi 15 avril 2006 à 17:25, par pierrot

wowwwwwwww

Cher Saint-Clair… il y aurait tellement à raconter sur ces deux années ou l’ambassadeur a sélectionné ma personne pour représenter le Canada en Côte d’Ivoire lors de la semaine canadienne. Depuis… Je me suis tellement cloîtré dans un monastère intellectuel que je ne peux même m’imaginer que c’est le même homme qui a vécu les deux aventures euphoriques.

A l’époque, t’ais-je remercié pour ta gentillesse, ton amabilité, ta générosité sur scène à mon égard. Ohhhhhh…. tu fus un compagnon-artiste si merveilleux. A cause de toi, dans l’avion entre l’Afrique et la France j’ai écrit le texte de cette chanson au retour. Je te l’offre en signe de merci, merci, mille fois merci de ta bonté pour un étranger dont tu as pris soin comme s’il était ton frère..

VOYAGE
chu rien qu’un chanteur qui voyage
tu m’verras jamais à t.v.
j’ai 35 ans j’fais pas mon âge
j’fais du flolklore dans mes tournées

j’ai comme des explosions dans tête
que j’ai besoin d’te raconter
d’un coup je meurs d’un hasard bête
dans des pays trop éloignés
—–
Au Japon j’ai connu l’boudhisme
avec des temples de 12,000 ans
pis en Afrique des musulmans
qui ont plusieurs femmes évidemment

moi catholique baptisé
thraumatisé par le péché
y a tellement d’religions sur terre
qu’aujourd’hui j’me sens libéré

——
j’ai vu des noirs bleus comme la mer
qui vendaient des serpents séchés
des noirs charbons en Côte d’Ivoire
qui m’ont donné leur amitié

du fond de la brousse ma peau blanche
a eu honte de ses préjugés
y a tellement de couleurs sur terre
qu’aujourd’hui j’me sens libéré

——
j’ai vu des langues par dizaines
des dialectes par centaines
sayonara good by je t’aime
midowo antimari midowo

moi québécois enraciné
qu’on a monté contre les anglais
y a tellement de languages sur terre
qu’aujourd’hui j’me sens libéré
————–

les religions sont des poètes
comme les langues et les couleurs
j’ai comme des explosions dans tête
qui font qu’aujourd’hui j’ai pu peur

d’être québécois dans l’fond du coeur
et j’ose crier à la jeunesse
maudit déniaise t’as 18 ans
je sais que la planète t’attend

j’sais pas si j’ai bien fait d’parler
mais pour le reste oubliez-moé.

Pierrot;)))

7. Le mercredi 23 août 2006 à 22:20, par yves casgrain

Pierre !

C’est moi, yves. Ton ami ou ton ennemi ? C’est selon tes dispositions actuelles ! POur moi tu es mon ami Pierre, le poète, le chansonnier, l’anti-sectaire et, maintenant, l’écrivain…

Tu nous manques à Gaétane et à moi !

Reviendras-tu comme au temps de la grande guerre apocalyptique ? Te souviens-tu de nos combats ? Le temps est loin…mais mon amitié est intacte !

À bientôt, j’espère,

Yves

8. Le jeudi 24 août 2006 à 08:40, par Pierrot

Très cher Yves,

Il est vrai que nous avons mené ensemble une fichue bataille contre une secte dont les adeptes avaient déménagé à Val-David pour vivre la fin du monde à une date très précise. Nous fûmes de magnifiques compagnons d’armes:))) Amis ou ennemis dis-tu? Amis bien sûr. Nous traversâmes une période oû chacun de nous dût prendre du recul, par épuisement surtout. Mais cela n’altère en rien dans mon souvenir le sentiment d’une amitié loyale qui perdure encore aujourd’hui..

Fantastique que le couple que vous commenciez à former Gaetane et toi ait grandi à travers toutes ces années. De mon côté, je navigue de dépouillement en dépouillement vers un rapport de plus en plus charnel à la littérature. On dirait une rivière dont le courant des mots m’ensoleille malgré moi, oh combien malgré moi.

merci de te manifester
Vous me manquez aussi:))

Pierrot

9. Le vendredi 25 août 2006 à 11:28, par yves casgrain

Notre porte et nos coeurs te sont éternellement ouverts, Pierre !!

Écris-moi à mon adresse courriel.

Est-ce qu’il y a un autre moyen pour te rejoindre ?

J’ai simplement demandé à Google de me chercher un site avec «Pierre Rochette chante le Vieux-Montréal» et je suis tombé sur ce site…

J’ai un blog qui s’intitule L’anti-sectaire : lantisectaire.spaces.live…

Il y a des textes sur le phénomène sectaire, la santé mentale (je suis animateur dans un centre de jour pour personnes affectées par la maladie mentale. Ils avaient besoin d’un animateur ayant un peu d’expérience en journalisme…C’était en 2002), des photos et bientôt des poèmes…

Je rédige un autre livre… et j’ai le projet d’un roman…

À bientôt Pierrot !

Yves

10. Le jeudi 31 août 2006 à 22:23, par Denis Cantin (Gladiateur)

Bonjour Pierre,
Hier, j’ai fait parvenir un courriel à toute la famille Cantin pour les informer que tu avais un site Web. J’ai reçu une réponse de Roger qui n’en revenait pas de la réponse que tu m’as écrite. Mon épouse, qui t’a connu aussi lors d’une activité qu’elle avait organisé à l’Essor Féminin de La Tuque et à laquelle tu étais l’artiste invité a découvert ton site. Elle a été très touchée par ta réponse et ce soir, en allant au resto, elle s’est aperçue que tu es resté dans le coeur des Latuquois. De plus, je t’ai fait découvrir à mes deux filles ainsi qu’à mes nièces. Si tu viens à La Tuque, tu peux frapper à ma porte et elle te sera toujours ouverte. J’aimerais que tu me donnes une autre adresse e-mail qui ne paraît pas dans ce site afin de te donner mon adresse. Salut, à +.

11. Le jeudi 31 août 2006 à 23:15, par pierrot

Cher Denis,

Tu peux même pas deviner à quel point, toute ma vie, je suis resté amoureux fébrile de La Tuque, ma ville natale. J’écris en ce moment et les frissons dansent ma chair et mes souvenirs. Je me rappelle, Roger Cantin et moi étions chanteurs pour l’orchestre des Najas. Plourde à la guitare, Miller à la basse et Johnson à la batterie je crois. (Les prénoms m’échappent). On était allé jouer à La Croche. Même pas d’argent pour revenir le soir même. On a couché là-bas. En pleine nuit, Plourde se réveille et me regarde… Pourquoi tu pleures? Je veux devenir un artiste pis je sais pas comment je vais faire pour sortir de la ville. Si je réussis pas cela je vais mourir.

Au retour, la nuit du lendemain, j’arrive en même temps que mon père en haut de la Cote St-Louis, lui et sa trompette à la main, moi et ma gêne. On a pas dit un mot. Rendu à la maison de la rue Gouin, mon père a sorti sa trompette et a joué un bout de jazz. Il était presque 3h 30 du matin. Ma mère se lève. Mon père y dit tu peux rester couché on jase Pierre et moi. Ma mère est retourné se coucher, Mon père a serré sa trompette puis m’a dit: fini la jasette pour ce soir.

Durant l’été, sans me le dire, mon père est monté à Montréal. Il est allé au collège privé Jean-de-Brébeuf. Il entre dans un bureau et dit à la personne: Vous êtes qui vous? la personne lui répond je suis père Trudeau et je suis directeur de ce collège. La suite m’a été raconté par le père Trudeau lui-même. Jamais mon père n’a su que je le savais. Mon père l’a regardé dans les yeux puis lui a dit. J’ai un problème de père de famille puis quand je vais sortir de votre bureau, vous allez avoir un problème de prêtre. Et le père Trudeau de dire, comment ça? J’ai un fils, il va étudier à votre collège, vous allez le faire travailler pour payer ses études parce que j’aii pas un sous. J’ai du fermer mon poste de télévision R.A.L.T. tv. Mon fils va habiter chez sa tante à quatre coins de rue d’ici. Et le père Trudeau de lui demander: Est-ce qu’il a des bonnes notes au moins. et mon père de répondre, non mais il va en avoir. Et le père trudeau de conclure (et ce sont ses paroles exactes) Monsieur, je ne vous connais pas, mais pour la beauté du geste que vous avez posé, j’accepte de prendre votre fils, il travaillera comme surveillant de récréation.

Mon père a attendu le dernier jour de l’été pour m’en parler. Il m’a dit, demaiin tu pars pour Montréal étudier. J’ai dis jamais. Moi je suis un artiste et je veux vivre une vie d’artiste. Et mon père de dire. Regarde mes souliers, j’ai meme pas deux lacets pareils. Je suis monté pour toi à Montréal. Va dans ta chambre, réfléchis 15 minutes. Puis au retour, ta décision sera la mienne.

Ce fut mon ier et dernier argument avec mon père. Après 15 minutes je descendis et lui dis: Ok, je monte à Montréal, mais rendu là-bas, je fonde un groupe de musique. Et mon père de dire: en autant que t’étudies le reste te regarde.

Nous créâmes le groupe les Contretemps. Groupe qui remporta le championnat nord-américain des groupes de folklore collégiaux et représenta le Canada au Japon lors de l’exposition d’Osaka.

Et qui est venu vivre chez ma tante Lucienne avec moi, Roger Cantin:))))))))))))

C’est fou. Quel est le rapport avec ma ville natale? Y a comme un arc-en ciel entre la nuit ou j’ai conté à Houde que je rêvais de devenir un artiste et ce soir ou je t’écris. Ma vie d’artiste de scène est en arrière de moi depuis 5 ans et demie déjà. Et cet arc-en-ciel, ce sont mes amis d’enfance et les gens de ma ville pour qui j’ai chanté à travers les années.

C’est viscéral, c’est intense, c’est respectueux, c’est reconnaissant. Le p’tit lac St-Louis fut mon paradis sur terre. Je ne sais pas quand je monterai à la Tuque. J’ai une bohème trop dépouillée de l’essentiel. Je commence un troisième roman. Je monterai peut-être l’été prochain a pied par la voie ferrée qui serpente le St-Maurice:)))):))))

Dans le brouillon du deuxieme roman qui traîne peut-être dans le vieux disque dur de Claude, je racontais Marlene Dietriech et mon oncle Paulo dans une allégorie qui a lieu a La Tuque:)))))))))))))))))))

Salutations à ta femme, ta famille,
à tous mes concitoyens
je t’envoie mon adresse courriel

Pierrot

12. Le jeudi 31 août 2006 à 23:25, par Claude Demers

Je vais faire des recherches Pierre.

Si c’est le cas c’est dans un vieux backup macintosh.

Claude

13. Le jeudi 31 août 2006 à 23:53, par pierrot

C’est fou les vieux disques durs:))))))))))))))))

Ca me rappelle quand je m’étais enfermé 8 mois consécutifs je crois dans ma maison de Val-David. J’avais un poêle à bois, un bouillis en permanence 24 heures par jour:))))) un lit et un ordi. Le soir de Noel, je m’étais permis un verre de vin en lisant Don Quichotte et en écoutant le requiem de Mozart.. et qui je vois-tu pas arriver. Mon Claude avec un ordi Macintosh entouré d’un ruban rouge comme cadeau de Noël. Comme j’étais ému. Tu savais que ma mémoire non-vive était pleine et tu me passais un disque dur et un meilleur écran. Ce soir-là, tu m’as invité chez toi pour Noel. J’ai préféré t’inviter a t’approcher du poele à bois pour partager un verre de vin.

Ce fut mon plus beau Noel. Toute ma vie, j’ai du chanter les soirs de Noel et les jour de l’an. Alors, ce verre de vin de l’amitié devant le feu qui pétille de frayeur face au froid, cette odeur de bouillis sans fin aux légumes éternellement interchangeables, cette solitude à en transpercer de douleur heureuse l’âme devant la cruauté de la condition humaine et le temps qui nous est compté…. Ahhhh… quel magnifique coup de dé pour rejouer sa vie sans tenir compte de l’avenir…. Aujourd’hui je ferme les yeux et je me dis que lorsque j’ai reçu ton disque dur vers minuit, ce fut mon plus beau Noel.

Tu vois, l’île de l’éternité de l’instant présent… quand je ferme les yeux, c’est encore aujourd’hui l’extase d’un poele à bois, un lit, un bouilli , un verre de vin et un ami.

Le lendemain de Noel, je commençais ce brouillon du deuxième roman. Si je me rappelle bien, c’est très libre-penseur… trop peut-être… je suis pas sur de mon bon jugement la-dedans:)))))))))))))))))))))))))))))

Pierrot

14. Le vendredi 1 septembre 2006 à 10:11, par Claude Demers

Je suis touché Pierre.

Merci pour ce beau témoignage.

Claude

15. Le lundi 4 septembre 2006 à 11:08, par Roger Cantin

Mon ami Pierrot

Retrouver un ami tel que toi me comble Pierre.
Merci à ton ami Claude qui permet une telle retrouvaille et à mon cousin préféré Denis qui m’a refile l’information.
Je suis très ému de lire tes commentaires personnels et historique.Comme je suis maintenant retraité je me ferai le plaisir de lire ton livre sur le site d’une seule traite.
Mes pensée se bousculent. J’ai tant de beaux souvenirs avec toi.
L’amitié n’est jamais altéré par le temps qui passe parce que la nôtre est toujours près du coeur.
Je n’ai jamais oublié nos voyages dans la belle folie des Dynamics ,l’orchestre, le 5590 Légaré, les Contretemps, les deux Pierrots où j,ai eu le plaisir de chanter avec toi à mes noces,le voyage avec l’harmonie à la PDA alors que nous avions chanté tout au long du chemin en bus etc… tous ces moments que j’ai eu le plaisir de vivre avec toi , de partager nos idées, nos rêves.
J’ai conservé les photos, ton disque, poster ,le 33 tours dédicacé de Mormon tabernacle Choir etc..
Je ne sais trop où tu demeures , ce que tu es devenu mais je suis convaincu que tu es ce que tu as toujours été , un gars vraiment authentique, très intelligent,passionné, rêveur et hypersensible
J’aurais trop de choses à écrire . Je le ferai plus longuement sur ton mail personnel
Il me fait plaisir de retrouver ton visage et tes mots.

Toujours ton ami

Roger Cantin

16. Le lundi 4 septembre 2006 à 14:16, par Pierrot

mon ami Roger,

Je suis touché.

Ah le voyage à la Place des arts. On devait avoir 13 ou 14 ans toi et moi. Tu jouais de la trompette dans l’harmonie de La Tuque et moi j’étais chanteur dans une imitation de la famille Trapp. Je me rappelle encore du ier morceau que vous avez joué pendant que les enfants chanteurs que nous étions attendaient, énervés en coulisse. La neuvième de Beethoven je crois… pa pa pa pammmmmmmmm papapa pammmmmmmmm . le coeur me débattait pour vous autres.

Et notre orchestre des Najas. On était deux chanteurs. On se partageait même les portes du pénitencier. Pendant que tu chantais, j’allais parfois allumer et fermer rapidement les lumières de la salle pour donner une illusion d’orage. Comme c’était fou.

Et les loisirs dynamics. Que la vie a passé vite Roger… . Tu te rappelles. On se réunissait chez toi les vendredi soirs pour préparer les activités des Loisirs Dynamics. Ce n’était pas rare qu’on finisse vers 2 heures du matin même s’il fallait se lever très tôt les samedis matins. Tu t’imagines…. Nous avions des rêves toi et moi. Tout te dirigeait vers les services sociaux, ou tu as excellé j’en suis convaincu.

Et ce 5590 Légaré ou nous partagions la même chambre. Tu adorais la compotte aux pommes. Je trippais sur Simon and Garfunkel et mon livre culte était le grand Meaulnes d’Alain Fournier.

Je ne sais pas comment tu vois ta vie maintenant.

Je me rappelle, je devais avoir 24 ou 25 ans. Mon frère Gilles pour qui j’ai une tendresse viscérale m’avait organisé une tournée de 22 villes et villages de la Gaspésie et des îles de la Madeleine au profit des services de bibliothèques. On avait eu une discussion. Comment te vois-tu à 55 ans? Et Gilles de dire, j’aurai une maison, $100,000 à la banque et j’écrirai. Et toi? je serai sans le sous et je pondrai un chef d’oeuvre (j’espère un jour))). Dans cette tournée, on me donnait souvent la permission de dormir sur le plancher d’une petite bibliothèque de village dans mon sac de couchage. Je me rappelle encore la joie profonde de dialoguer avec les mots en rêvant l’avenir comme des vols d’oiseaux dessinent la ligne imaginaire de leur nid.

J’en suis à ma sixième année d’Errant-Homme-Maison:)))))) avec comme tout bien une valise, une guitare et un cahier de chansons. Je tente d’inverser le rapport à la littérature comme le peintre américain Jackson Pollock a inversé le rapport à la peinture. Prendre une surface de 1000 pages et la peindre dans un style post-Internet comme Rabelais ne pouvait faire autrement que d’écrire a l’ère post-imprimerie. Mon ier 1000 pages dont  »l’île de l’éternité de l’instant présent » était une prémisse,un brouillon, est terminé. J’entreprends la correction du deuxième 1000 pages,  »au pays des mots »

La vie est un rêve dont la réalité est le décor. Ton amitié m’est précieuse, surtout maintenant ou je m’enfonce dans l’univers correctionnel:)))) du pays des mots.

Pierrot
mon courriel personnel: lalunesssuz@yahoo.ca

17. Le jeudi 5 octobre 2006 à 19:11, par Ferron Françoise

le 5 octobre 2006
Bonjour Pierre , Ici La Tuque, je suis ancien professeur je viens de lire ce qui me précède. Je travaille (bénévole) à la Société historique Nous sommes à la recherche du 45 tours fait par ton père « Le Tango de la Mauricie » Si tu pouvais me dire ou nous pourrions le trouver je suis prête à défrayer les coûts . La radio, ici ne le possède pas. Je garde un bon souvenir de toi
J’attends de tes nouvelles. Françoise Ferron

18. Le samedi 7 octobre 2006 à 16:04, par pierrot

Bonjour Madame Françoise.

Quand un de tes anciens professeurs t’écrit, c’est comme si c’était ton enfance qui venait te saluer. Vive la fraîcheur du temps qui remonte à nous. Wowwww c’est l’fun:)))) Quelle belle retraîte pour vous que de faire du bénévolat à la société d’histoire de la ville.

Pour ce qui est de tango de la Mauricie, je n’ai malheureusement pas d’exemplaire du 45 tours. Mais si vous téléphonez à l’union des artistes, la responsable transmettra votre numéro à Paolo Noel qui en fut l’interprète et lui communiquera sans doute avec vous. A mon avis, il doit en avoir un. L’autre solution serait de demander aux citoyens de la ville par le biais du poste de radio si un parmi eux l’a chez lui.:)))

Pierrot

p.s. enseigner est une vocation

et si je me souviens bien
la vôtre était bien ancrée
dans l’attention que vous nous portiez

19. Le jeudi 14 décembre 2006 à 11:18, par jenavaisqueonzeans@hotmail.com

Bravo Pierre Rochette pour ton livre. Moi aussi j’ai écris un livre, il s’appelle Je n’avais que onze ans !

www.jacquesbenoit.ca

20. Le jeudi 14 décembre 2006 à 16:18, par www.jacquesbenoit.ca

La lecture de ton livre est passionnante ! Je t’en reparle ! Bravo !

Jacques Benoit

21. Le dimanche 11 février 2007 à 16:41, par Pierre Girouard

Bonjour Pierre Rochette,

Hier, nous avons rendu visite à un vieil ami, le seul et unique Roland Houde, jadis professeur de philosophie à l’Université de Montréal…

Pour aller droit au but, êtes-vous le Pierre Rochette qui avait produit en 1973 ce documentaire intitulé « Houde le Québécois » pour le Vidéographe?

Si oui, j’apprécierais énormément que vous entriez en contact avec moi… J’étais alors étudiant à l’U. de M. et j’apparaissais dans ce vidéo… Roland venait de le recevoir… d’une messagère mystérieusement nommée Geneviève… Nous avons visionné le vidéo…

Donc j’attends de vos nouvelles dans un sens ou dans l’autre…

Merci mille fois…

Pierre Girouard
Saint-Ours

22. Le samedi 17 février 2007 à 00:06, par Pierre rochette

oui je suis ce Pierre Rochette
qui eut la chance de croiser un grand maitre
un tres grand maitre
dont je n’ai jamais cessé de parler
au travers de mes errances quantiques

voici un extrait de mon ier 1000 pages
ou j’écris a Roland
dont le titre est K
dont le propre est terminé

COPIE D’UNE LETTRE A MON MAITRE EN PHILOSOPHIE

Cher Mentor Bien-aimé
Très cher Roland,

Laissez-moi d’abord vous raconter par quelle poésie de vivre j’ai appris que vous étiez vivant. Je venais de terminer ce livre  »lifeart » philosophie. je me préparais à quitter le Québec avec une tente, un sac à dos, une guitare pour chanter dans les rues afin de manger, dans le but de parcourir la voie ferrée d’un océan à l’autre. J’avais comme projet, avant de mourir, de vivre philosophiquement sur une période de 4 ans 33 jours, le 4.33, œuvre sur le silence de John Cage, avec l’intuition de parcourir l’arc-en-ciel du voir de Newman à Rothco et d’en témoigner peut-être que par des pages blanches où quelques mots épars y volent sous un ciel de non-dits.

Il me semblait que le programme de philosophie que je m’étais fixé à 20 ans avait été rempli. Je me sentais en vacance de l’existence, à la fois de la responsabilité de témoigner que m’imposaient les attaques d’être et du délice d’irradier que me donnaient les brosses d’être.

Depuis plus de deux ans, j’habitais une table du deuxième étage de la bibliothèque du cegep de Victoriaville. A partir de fin juillet 2002, deux frères de 20 ans et 22 ans d’une symbiose créatrice incroyable vinrent peu à peu voler intellectuellement à mes côtés comme deux oiseaux qui sortent de leur nid pour prendre fièrement le droit qu’est celui de la jeunesse de refaire le monde chacun à sa manière. Je considérais donc comme un privilège de me rafraîchir à leur quête.

Un p.m. le siamois (Olivier, celui qui un jour occupera une chaire universitaire en créativité artistique, le plus jeune des deux), me montre un livre d’histoire de l’art dans lequel il est dit que Brunelleschi avait connu le grand bonheur de réaliser avant de mourir le programme intellectuel qu’il s’était fixé dans sa jeunesse.

Tu sais, lui dis-je, mon maître bien-aimé fut le Brunellesci québécois.

Il est mort?

Sûrement que oui, il était déjà très âgé quand j’ai fais un vidéo sur lui en 1973 je crois. (Et dire que vous aviez 47 ans à l’époque alors que j’en ai 54, ma fête étant hier, au moment où je vous écris). C’était un homme exceptionnel, de la trempe de Riopelle, Maurice Richard, Pierre Vallières. Pas connu. Mais moi je sais qu’il fut notre premier philosophe national.

Tu sais siamois, cet homme avait pris la décision de retracer bibliographiquement l’histoire pertinente de la philosophie d’ici pour préparer la venue du grand philosophe québécois, pour que celui-ci ait les outils historiques de la philosophie d’ici appelée à devenir un jour aussi mondiale dans son originalité que celle de n’importe où sur la planète.

Le siamois étudiait au cegep de Drummundville 3 jours semaines. Il revint la semaine suivante avec un livre dont je ne m’étais jamais douté de la publication.

 »Houde est un philosophe,
pris en flagrant délit de vol d’outardes,
indéfiniment détourné sur lui-même
et qui nous laisse rêver tout haut
en sachant éperdument que parfois
les oiseaux, mêmes sauvages, ont le vertige (P.R.)

Jacques Beaudry.

Roland Houde, un philosophe et sa circonstance
Itinéraire intellectuel d’un philosophe québécois
de 1945 à aujourd’hui.
Editions du bien-public,1986
page arrière du livre
sous la photo de Roland dont le paragraphe suivant
à la page 26 constitue la chair de la problématique
de ma propre recherche philosophique:

En voyant la photo de mon mentor bien-aimé associée à mon texte sur la couverture arrière, je fus pris d’un vertige existentiel infini. Ainsi donc, ce vidéo que j’avais fais sur Roland Houde avait compté pour lui. Je regrettai qu’il ne fut vivant pour lui dire combien chaque seconde de mon existence de philosophe avait été un merci de ce qu’il avait allumé en moi. On ne devient pas philosophe, on découvre un jour qu’on l’est. Roland Houde fut l’allumeur de mes rêves par ses silences et sa pipe, par sa façon de dire avec franchise:

Il y a beaucoup de professeurs de philosophie
Il y a peu de philosophes.

Je m’étais juré de ne le revoir que lorsque mon programme philosophique aurait immergé du fond de ma vacuité heureuse. J’avais la certitude que ce n’était qu’une question de temps. J’étais enceinte d’œuvre depuis ma naissance. Ainsi cela chantait-il en moi autant sur la scène que sur les frissons ailés de mes sommeils nocturnes.

Je lus avidement le livre de Jacques Beaudry. Intègre, rigoureux tout en laissant place à une suite plus personnelle pour qui voudrait s’y aventurer.. Mais au moins, des gens d’ici mettaient en place une histoire des philosophes d’ici. Un jalon essentiel pour qu’une philosophie majeure surgisse au Québec. Que Jacques Beaudry soit béni. Il ne sait pas à quel point ce qu’il fait est majeur.

Je pris donc la décision de commencer mon voyage sur la voie ferrée en Juin 2003, en allant faire un séjour au lac Chat où Roland avait jadis eu son chalet sur une île, aller y camper avec ma tente et écrire mon journal philosophique de voyage. M’abreuver à mes racines philosophiques, juste pour leur dire merci.

La semaine suivante, je me suis retrouvé avec le siamois à ma chaise habituelle. Je complétais ma recherche sur l’histoire de la dématérialisation de la peinture au 20eme siècle, parallèle à la dématérialisation des relations humaines, mon intuition me faisant poser l’hypothèse suivante: Le passage du cubisme de Picasso au  »ready made » de Duchamp, puis celui des expressionnistes abstraits américains (Pollock, Rothco,Newman) au pop art centré sur l’objet de consommation, du minimalisme à l’art conceptuel, contextuel (Cage, Feldman, Klein) comme à l’art de l’installation, de l’art techno à l’art hologrammique où l’on peint avec de l’énergie plutôt qu’avec de la matière…. bref, ce passage d’une matière opaque à dématérialisation de la représentation conduisait au VOIR du 21eme siècle dont je témoignais par ma vie d’artiste dans mon ier TABLEAU DE MOTS (KP3, Marie-Lola-Miel aime Menaud, 15 aout 2003) jusqu’à mon dernier  »LIFEART »’ e mails.

Et pour moi, ce VOIR qui nourrira le 21eme siècle de ses espérances ne pouvait naître qu’au Québec parce que c’est ici qu’est née l’épopée la plus pure, celle du rêve des coureurs des bois de la dalle-des-morts (Felix-Antoine Savard), assoiffé d’espace où se noie le temps dans d’infinies chûtes d’eau, cascades, et rivières, sous l’œil chantant d’une nature sauvage et mélodieuse. Le philosophe du voir venant du Québec n’avait qu’à se faire journaliste, chercheur de pépites d’or. Aucun travail philosophique ardu, qu’une cueillette d’immanence dans l’océan des mots éperdus. Et tout livre sur le voir venant du Québec devrait porter cette signature 21eme siècle qui ne peut venir que d’ici

LE COUREUR DES BOIS
ANONYME

Tout post-romantisme relié à quelqu’ego que ce soit constitue une injure à la philosophie d’ici. Et arriva, à cette petite table de la bibliothèque du deuxième étage du cegep de Victoriaville, ce moment musical que je n’oublierai jamais.

Tu sais Siamois, dis-je, quand le voir me visite, je me sens sur cette chaise du deuxième étage de la bibliothèque de Victoriaville comme sur un transantlatique traversant l’océan de la naissance à la mort. En vacance, éternellement en vacance sur cette planète. Tout ma vie j’ai eu l’impression d’être en vacance. Et le pire, c’est lorsque j’atteint cette immobilité heureuse comme l’équilibriste dansant la lune sur son fil de fer que le chant de l’être dans ses attaques me soufflent le vent qui guident ma boussole d’artiste.

Au moment où je te parle, le chant de l’être me dit de bien me reposer car un jour, mes livres seront traduits dans toutes les langues et qu’il vaudrait mieux pour moi être mort que de vivre ce tourbillon médiatique.

C’est quand je ne bouge pas que tout arrive, tu sais siamois, quand je ne bouge pas et que mes yeux chantent la relation amoureuse avec le cela qui chante.

 » Dommage que ton maître Houde ne soit pas vivant, me dit-il… T’es sur qu’il n’est pas vivant? Il devrait bien avoir près de 100 ans aujourd’hui lui dis-je en riant dans ma naïveté. Il était déjà si vieux à l’époque. (wow pour la mémoire on repassera)))))))))

Siamois se lève, va voir sur Internet. Il revient… désolé dit-il, il est possible qu’il soit vivant. Il fait partie d’une société d’histoire de Shawinigan-sud. Il a même écrit un article l’année passée. Je vis alors un choc fabuleux. Roland serait vivant… Oui me dit le siamois, il est né en 26, il aurait donc 76 ans.

Je suis bouleversé. Encore une fois, le chant de l’être décide de ma route. Que faire… j’envoie d’abord à Jacques Deguire une enveloppe avec mes 4 témoignages philosophiques. Je n’ose pas entrer en contact avec Roland, je suis intimidé. L’enveloppe me revient. Il n’est plus à l’université de Trois-Rivieres. Je renvoie donc l’enveloppe à la société d’histoire.

Hier c’était mon anniversaire de naissance. Une enveloppe m’attend, Roland Houde philosophe. Je marche, je marche, je marche, des larmes qui coulent discrètement une à une. Suis bouleversé.

Je laisse passé la nuit. Une brosse d’être immense qui dure plus de deux heures. Jamais le cerveau n’est touché, que les frissons de la chair qui scintillent. Et cet ego qui se dissout avec tant d’élégance comme un paon qui entre ses plumes pour mieux boire une peu de pluie céleste.

Et si me dit le chant, tu vivais avec Roland un dialogue philosophique jusqu’à l’été prochain, par lettre, pour que les mots, comme dans les peintures de  »Guston » deviennent des souliers si légers qu’on en aperçoit à peine la forme, fil d’or entre l’abstrait et le concret, entre la matérialité et l’immatériel, que les mots marchent la feuille blanche comme je marcherai la voie ferrée, que le dialogue amoureux s’installe entre la forme des 26 lettres de l’alphabet et leur danse des sens infiniment soyeuse et paradoxale lorsque la musique en habite leur intention d’équivoque.

C’est peut-être dans leur hologramme prenant peu à peu la forme d’une rencontre autour d’un souper estival que deux philosophes de deux générations consécutives pourraient le plus finement s’abandonner au bonheur d’avoir été, l’un comme l’autre des philosophes québécois coureurs des bois et des villes dont parleront un jour de nombreux professeurs de philosophie.

Etes vous loin l’un de l’autre?

Suis assoiffé de notre échange philosophique
sur tout et sur rien et…si cela vous sourit
que de plaisir nous aurions à en sceller l’issue
par un souper estival qu’en pensez-vous Roland?

le brouillon du deuxieme 1000 pages est termine
dont le titre est W
j’en suis au troisieme brouillon de mon troisieme 1000 pages
redu a la moitie…. dont le titre est V

mon adresse courriel
lalunesssuz@yahoo.ca

23. Le samedi 17 février 2007 à 00:16, par Pierre Rochette

ohhhhhhhhhhh
désolé monsieur Benoit
de ne pas vous avoir répondu
je ne suis que sanctuaire de la beauté du monde
par les mots de ce temps ci
j’espere avoir la chance de Proust
et de mettre le point sur mon oeuvre
avant de mourir:))))))))))))))))))
je ne suis que doigts qui dansent
et frissons qui s’abreuvent
je ne suis que la suite
de l’histoire de la littérature
habillé des haillons des phrases.

Pierrot

24. Le samedi 17 février 2007 à 21:13, par Andrée-Anne Fréchette

Bonjour Pierre,

je voulais vous donnez des nouvelles parce que je n’en ai que des bonnes alors… Souvent on partage nos peines et on oublie les bons coups. Alors je vais procéder au récit de mes bonheurs sous forme d’énumération.

D’abord, je suis entrée en force dans l’univers universitaire en obtenant des résultats plus que satifaisants: 3x A+ et 2x A-. Ce qui me donne une moyenne de 89. Ce n’est que statistiques mais je n’en ai jamais eu d’aussi bonnes alors ces chiffres sont en quelque sorte le reflet d’une discipline et d’un travail assidu.

En outre, je me suis vue offerte un contrat d’engagement pour les corrections des examens du professeur Bougaieff (grammairien) que j’ai accepté immédiatment. Ça représente 70 heures de travail supplémentaire par session mais si le département me l’a offert c’est parce qu’il me juge acte à le faire.

Autre bonne nouvelle, j’ai gagné une bourse d’accueil de 500 $ qui me sera remise à la St-Valentin. Vraiment chanceuse! Que demander de plus? J’ai pensé à vous récemment parce que je suis inscrite à un cours de création littéraire et qu’à chaque semaine nous avons un livre le la collection Écrire à lire. On y retrouve des auteurs qui nous donne leur vision de l’écriture, leur vision de l’écrivain et le pourquoi de leur écriture. Comme vous avez joué un rôle de maître dans ma vie, je suis empreinte de vos préceptes et je n’ai pu faire autrement que de remarquer certaines similitudes entre vos propos et ceux d’autres écrivains. J’aurais aimé à l’instant où je lisais certains passages que vous l’ayez lu en même temps.

En voici quelques uns: Il faudra bien que l’ado saisisse comment échapper à ce truc impensable du regard de l’autre qui détruit; il lui faudra élucider cette catastrophe de vivre devant les autres comme un dérisoire et inutile personnage, indésirable dans « Écrire pour et parce que » de Hugues Corriveau. « raconter un rêve à quelqu’un est un acte de création indéniable ». Ibid. En écrivant, on porte à un autre degré de lucidité sa venue au monde comme une insertion en lui. S’il paraît, à l’auteur irréfutable que la littérature ne sauve pas le monde, s’impose à lui l’évidence qu’elle le sauve, lui, de la détresse, de l’absolue conscience de sa profonde inutilié à faire autre chose pour survivre.

Par moments, il peut renoncer à des destins alléchants uniquement parce qu’il s’entête à écrire et même à sacrifier tout: bonheur, sécurité, fortune, honneur, amour, vie familiale et sociale. dans Écrire la chambre des lucidités, Gaetan Brulotte. Beaucoup d’autres passages m’ont frappés mais ceux cités ci-dessus étaient particulièrement frappant. Alors oui, je pense à vous et souhaite que tout va pour le mieux pour vous. Pas de nouvelle, bonnes nouvelles. J’ai rêvé d’une discussion avec Gérard récemment. Je ne me souviens plus très bien de quoi il s’agissait mais on prenait un café, on se berçait et on discutait au recyclo-livres. C’est reposant! à bientôt!

25. Le samedi 17 février 2007 à 21:30, par Pierrot

Chere Andréanne,

Il semble bien que mon voyage à l’écriture soit récompensé par votre éblouissante présence au monde. Je m’incline respectueusement devant la vie. bravo, vous méritez tout ce qui vous arrive. Nous avons passé un an ensemble. je vous ai lu vos mots, je me suis baigné dans votre jeunesse en vous disant. Je vous garantie que vous ici en parfaite sécurité créatrice. Vous avez 20 ans. Vous serez incontournablement une tres grande écrivaine. Il ne vous manquait que des yeux admirateurs, des yeux de grand-pere de la beauté du monde pour vous dire: Ayez confiance a chaque phrase que vous écrivez, chacune de vos phrases porte la signature du Quebec de demain. Et vous n’avez que 20 ans.

Ne trichez pas avec vos reves, acceptez tous les jours de mourrir pour eux, au sens ou tout reve est porteur de sa miche de pain et procure la joie alors que vous découvrirez bien vite que les désirs humains ne touchent que l’univers du bonheur.

La différence entre un reve et un désir c’est comme une tasse de café.

Vous désirez une tasse de café…. allez au farniente ici a cote du recyclo et achetez la. Vous revez de la meilleure tasse de café au monde? parcourez le désert de votre existence avec la passion de le marcher noblement. Il n’y a rien de plus beau que les étoiles au-dessus d’un désert. Wow-t = g3… C’est le secret einsteinien du rapport éthique de l’homme a l’univers.

Qu’est-ce que le big bang. C’est le reve éveillé de tout créateur qu’il soit dieu ou homme. C’est le wow malgré soi de la beauté des mots. Ne trichez pas avec votre oeuvre en étant habitée par les désirs reliés a la littérature marchande. Ne vivez surtout pas le syndrome de la reveuse isolée.

Lorsque Picasso créa les demoiselles d’Avignon, il était au bateau lavoir entouré de Bracque et de Matisse. wow-t=g3. unissez-vous a deux autres reveurs ou reveuses, comme le fit John Cage avec Freidman et Rothko, vous multiplierez la a l’infini beauté du monde en vous et sur le bout de vos doigts qui dansent.

L’univers conspire pour les reveurs. Depuis le début de l’humanité, la chaine des reveurs donne la main a la suivante, comme si du fin fond de la mémoire des temps, les larmes de joies de tout créateur devenaient soudain rivieres de poussieres de rosées du matin.

Pierrot

26. Le jeudi 22 février 2007 à 09:33, par pierrot rochette

Cher Monsieur Drolet,
Cher Monsieur Pellerin,

j’ai retrouvé un courriel sur une adresse courriel ou je ne vais jamais. Je n’ai peut etre pas répondu a Monsieur Gaetan Drolet de quebec qui voulait entrer en contact avec moi. Monsieur Drolet n’ayant pas d’adresse courriel. Il me demande un telephone ou une adresse pour me rejoindre. Comme je n’ai pas votre adresse courriel et que celle de Monsieur Michel Pellerin est inoperante, et que je suis un errant homme maison, j’ai pense vous rejoindre par ce blog.

A l’epoque, jé désirais découvrir le secret du rire dans le cerveau humain. J’avais créé les Pierrots et les deux Pierrots tout en reprenant la création de la Butte a Mathieu en la renommant la butte aux Pierrots. J’avais acheté la maison ou Raymond Levesque vivait lorsqu’il y faisait ses revues. Je faisais rire les gens et je me disais: Pourquoi ils rient? Comment ca marche dans le cerveau?

j’allais chercher la poune dans un cabaret minable de St-Hyacinthe. J’allai voir sa gérante Madame Daniel. Je veux rendre hommage a Rose que je lui dis. Elle me dit ce sera 16000 par semaine. Je lui dis Madame, j’ai besoin de découvrir le secret du rire dans le cerveau et c’est en faisant un spectacle avec Rose a la Butte aux Pierrots durant l’été que j,espere y arriver tout en lui rendant hommage. Madame daniel me dit… cela vous coutera $900. par semaine.

Ce fut un été magique. Comment une vieille dame de 77 ans arrvait-elle avec des gags usés a, elle dont la carriere était morte a l’époque (ce nous effectivement qui la relancames) pouvait elle soir apres soir obtenir des jeunes comme des vieux, un rire d’une telle précision. Le timing qu’elle me répondait.
L’été se termina. J’avais 29 ans je crois.

Je quittai tout. Je louai un logement dans un bloc de prostituées sur la rue Ste-Catherine Papineau et marchai durant des mois la rue Ste-Catherine. Je ne pouvais tricher avec ma vocation d’artiste.

Je téléphonai a Rose. Je lui dis Rose ca ne va pas bien. Nous allames au restaurant. Je lui dis je veux faire rire mais je me sens trop vieux. Elle me dit mon p’tit chien est-ce que ca parle dans ton ventre? je lui dis oui… elle me dit travaille la nature va faire le reste. Je lui parlai de mon projet de maitrise pour découvrir le secret du rire dans le cerveau humain. Je lui dit Rose, c’est quoi el secret. Elle me répondit.

QUAND LE PUBLIC VA VITE, VA LENT
QUAND LE PUBLIC VA LENT, VA VITE

Effectivement, 13 années plus tard, ce fut une de mes conclusions. Le rire n’étant pas un sujet philosophique, me dit mon directeur de département. je lui dit monsieur, quand je vais réussir, vous ne serez plus ici. Je lui dis Monsieur je désire faire une recherche de doctorat en maitrise. Ca prendra le temps que ca prendra. Je choisis comme directeur de these un monsieur de race noire,qui venait de Suisse, qui ne comprenait rien et qui surtout n’aimait pas mon sujet. Et je travaillai sans relache.

J’avais le privilege de faire de la scene. Un jour, Denis Lamarre et moi avions un spectacle au mont Avilla. Ca ne marchait pas. Mais Roger Giguere de l’autre cote marchait encore moins. Le samedi soir, comme lui avait deux représentations, j’assistais a la deuxieme. Je fus depuis toujours un amateur du burlesque. Je connaissais l’histoire du burlesque americain. La nuit, plus jeune a 3 heures du matin, je dormais avec mes écouteurs parcer qu’a C.J.A.D, on passait de vieux disques americains de leurs comics

D’ailleurs, je ne comprenais pas tres bien l’anglais a l,epoque meme si je le lisais. Mais je me rappelle ce rire fabuleux d’un comedien americain dont j’oublie le nom. J’ai découvert par la suite qu’il avait été le premier noir a faire des gags contre les noirs a un public blanc. Ce fut une révolution aux E.U. des gags du genre. En face de ma maison, y a un noir qui vient de s’installer, ca va faire baisser la valeur de ma maison… etc… Il faut se mettre dans le contexte c’était dans les années 50.

Revenons au mont Avilla. Il y avait une dame de 55 ans, magrichonne et frustrée qui venait voir mon spectacle avec sa mere encore plus pincée qu’elle. Elle était victime de sa mere, le baton de vieillesse de sa mere. Comme je pouvais aller assister gratuitement aux spectacles de Roger Giguere le samedi soir, je les amenai toutes les deux.

A chaque gag gras de Giguere, je me rendis compte que moi je riais d’un rire d’incongruité (la beauté de la mécanique bergsonnienne ou chaplinienne du gag) la mere riait d’un rire de superiorité (elle était quelqu’un et les autres rien) et la fille d’un rire de soulagement (rire gras de la frustration freudienne) et c’est a ce moment seulement, apres 13 ans de recherche que par un hasard fou, je pus prouver une iere fois ma théorie.

L’EMOTION DANS LE RIRE
EST UNIVERSELLE PAR SA PRESENCE
ET ACCIDENTELLE PAR SA FORME

Ce fut lors d’un spectacle a Levis dans un arena que je décpuvris la possibilite comme artiste de faire passer une salle d’un rire de superiorite a un rire d’incongruite. L’épisode du dentier que je raconte dans mon roman
1000 pages, K, mais dont le brouillon 400 pages se retrouve sur le blog de Claude demers. (demers.ac.ca) l’ile dE l’éternite de l’instant présent dont voici l,extrait:

extrait du brouillon du roman
l’ile d el’éternite de l’instant présent
demers.qc.ca

Une des pages mentionnait qu’il avait mis dix ans pour découvrir le secret du rire dans le cerveau humain, le tout se résolvant en une thèse de maîtrise à l’université sur les lois structurales du rire et des pleurs. Une anecdote, s’étant réellement produite, illustrait d’ailleurs avec concision la substance du fruit de ses recherches.
L’événement était arrivé dans un aréna où près de six cents personnes assistaient à son spectacle. Il avait fait monter sur la scène l’organisateur, pour le faire participer à un sketch improvisé. À un moment précis où l’attention du public était à son maximum, il avait par mégarde accroché le dentier du comédien amateur, objet ridicule par excellence, qui avait fini par rouler jusqu’au bord de l’estrade.
Un immense rire de foule s’en était suivi. Il faut dire ici qu’un rire se lit exactement de la même façon que des notes d’une mélodie sur une portée musicale, la barre de mesure étant la surprise à l’esprit et le rire la mélodie de l’âme accompagnée d’une des trois émotions fondamentales ; soit Le rire de supériorité… Le rire de libération …Ou… Le rire de l’incongruité relié à la beauté ou l’esthétisme. Ces émotions étant universelles par leur présence et accidentelles par l’apparition de leur forme.
Il apparut évident à l’artiste que le premier rire créé par la barre de mesure du dentier frappant, par surprise, le plancher se trouva à être à au moins 80 % du type de la supériorité puisqu’on ne se gêna pas de rire du Monsieur plutôt que de l’événement en soi.
Il fallait donc,dans une suite improvisée mais calculée de barres de mesure de surprises à l’esprit, faire changer la nature émotive du rire.
2e barre de mesure.
Surprise à l’esprit :
L’artiste s’approche du dentier
Compte les dents pour voir s’il n’en manque pas
Rire…
À l’oreille, 60 % supériorité, 20 % libération, 20 % incongruité
3e barre de mesure.
Surprise à l’esprit
L’artiste se tourne vers la victime édentée
Compte les trous dans la bouche
Pour voir s’il n’en manque pas
Rire…
À l’oreille, 50 % supériorité, 20 % libération, 30 % incongruité
4e barre de mesure.
Surprise à l’esprit
L’artiste cache le dentier de son corps
Fait signe discrètement à la victime
De venir chercher son dû
Rire…
À l’oreille, 40 % supériorité, 10 % libération, 50 % incongruité
5e barre de mesure
Surprise à l’esprit
La victime, brillante
Marche à petits pas de balais
Et vient artistiquement récupérer son dentier
Rire…
20 % supériorité, 10 % libération, 70 % incongruité
6e et dernière barre de mesure
L’artiste prend la victime par la main
Et les deux saluent la foule
Comme si la mise en scène
Avait été préparée de main de maître
100 % de rire d’incongruité,
En admiration devant la beauté
De la barre de mesure
Tout le monde debout
Applaudissements dignes d’un rappel.
Ainsi, l’élément universel, présent dans tous les rires, se trouvant à être, jusqu’à preuve du contraire, la surprise à l’esprit. Mais si le dentier s’était brisé et que l’homme avait perdu de l’argent, il y aurait eu, suite à la surprise à l’esprit, rire jaune et sans doute douleur profonde, comme dans les pleurs.
Mais qu’en était-il des pleurs ? On pouvait aussi lire les pleurs sous forme de feuille de musique, la barre de mesure se trouvant à être paradoxalement la surprise à l’esprit. Sauf que la palette d’émotions l’accompagnant portait toute la même base de signature : une perte irrécupérable dans l’instant présent, ce qui donnait aux pleurs des périodes d’expression pouvant atteindre des mois et même des années.
Exemple : je me coupe le doigt, je saigne, ça fait mal, je pleure
Je perds ma mère, je pleure intérieurement des mois
Je perds mon emploi, je pleure le manque à gagner.
Qu’en était-il alors de pleurer de joie ? Je suis à l’aéroport. Ça fait dix ans que je n’ai pas vu mon frère. On se voit soudainement. Surprise à l’esprit. Deux émotions se superposent. La peine d’avoir souffert durant dix ans et la joie que cela cesse enfin. L’émotion paradoxale ouvrant une porte étonnante à l’âme humaine.
Et c’est cette porte que Renaud avait planifié d’ouvrir lors de la dernière soirée, dans le cœur des enfants du camp Ste-Rose. Il espérait d’ailleurs rencontrer ces enfants, une fois adultes, juste pour voir si dans le fond d’eux-mêmes, il en était resté une marque indélébile qui aurait peut-être eu une influence déterminante sur leur vie. L’hypothèse étant que pleurer de joie permettait de réparer le fil d’une enfance malheureuse ou des larmes de pertes succédaient trop souvent à des rires de supériorité, qui équivalent à la forme de rire le moins thérapeutique dont l’humain dispose pour atténuer les tensions de l’existence, puisqu’il crée une perte de valeur chez celui qui en est victime, Et il semblait à Renaud que pleurer de joie pouvait représenter théoriquement une porte intéressante permettant de traverser la fissure de la structure du temps pour enfin accoster sur l’île de l’éternité de l’instant présent.

Ma these de maitrise se trtrouve aux sciences de l’éducation bibliotheque bronfman , universite de Montreal, Pierre Rochette, l’émotion dans le rire chez John Morreal.

Voila
désolé d’une réponse si tardive

Pierrot

27. Le jeudi 22 février 2007 à 12:15, par pierroe rochette

Date : Mon, 18 Jul 2005 17:52:18 -0400
De : « Michel Pellerin » Ajouter au carnet d’adresses
Objet: Ton adresse
À : rochettepierre@yahoo.ca
Salut Pierre,

Gaetan Drolet de Québec me demande tes coordonnées, il souhaite te
contacter au sujet de ton ouvrage sur le rire.

SVP me les transmettre et je lui en ferai part…il n’est pas encore à
l’heure de l »électronique.

Merci

Michel Pellerin

28. Le vendredi 23 février 2007 à 09:28, par Jacques Benoit

Bonjour Pierre Rochette,

Merci de votre commentaire ! Avez-vous discuté du livre avec votre amis Roger Cantin ?

29. Le dimanche 1 avril 2007 à 13:03, par Odette Coulombe

Allo cher Pierre!

Un mot pout te dire merci de m’avoir fait monter sur scène un certain soir d’aout en 1980 à la Butte…….
La vie continue et la musique nous accompagne encore et toujours.
En espérant que cette vie soit toujours bonne pour toi, elle nous apporte souvent ce qu’on attend d’elle…comme dirait Cabrel!
Bisous xx Et au plaisir de se revoir
Odette

30. Le lundi 2 avril 2007 à 23:48, par pierrot

Chère Odette,

Si je me rappelle bien, c’est à la suite de cette soirée que tu es peu à peu devenue artiste de scène. Comme nous étions jeunes, comme nous étions intenses. La butte à Mathieu était en faillite, nous l’avions repris pour la remplir deux années consécutives. C’était merveilleux. Quelle sçène et quelle magie de l’habiter soir après soir:)))))

merci de me le rappeller
des fois on dirait que grace au public
j’ai eu trois vies:))))))))))))))))))))))
j’en ai même une quatrième
en te lisant ce soir;))))))))

Pierrot

31. Le dimanche 29 avril 2007 à 12:24, par Nicole

Allo Pierre,je voulais absolument te dire que est tres grand a mes yeux et aussi a ceux de mon fils Jonathan,tu est un grand rêveur et on ne se lasse pas de t’écouter.Continue de faire du bien sur ta route.Je me permet de te faire un gros bisous ,tes deux amis(ies)Nicole et Jos les deux Latuquois pure lainexxx

32. Le lundi 30 avril 2007 à 13:57, par Renald Duchesneau

Salut Pierre j’ai lu avec grand intérêt les textes qui me racontent un peu ton parcours…je t’ai envoyé un courriel avec quelques photos à l’adresse: (lalunesssuz@yahoo.ca) que j’espère que tu recevras. On partage beaucoup de souvenirs puisque nous étions voisins.
Au plaisir.
Renald.

33. Le jeudi 17 mai 2007 à 22:47, par steve couture

salut pierre

il fait froid ce soir
le ciel est tout noir
c est l ombre
qui t ensevelit
comme dans un lit tres sombre
par le brouillard gris
la joie te souris rapide
devant toi sans bruit
glisse la nuit humide

son aile pareille comme des doight t effleure
le coeur plein d emois sans savoir pourquoi je pleure
je songe au passé si vite effacer « O vie »
jeunesse et primtemp comme un jeune de vinght ans ravis

j entend une voix qui vient d autre fois naive
l arrierre saison chante sa chanson plaintive

ecoute la bien son refrain ancien murmure
a la fin du jour la fleur de l amour ne dure

au regret d exzil les levre d avril sont close
l amour est defunt adieu le parfum des rose

ce soir pierro je suis triste j aimerais entendre ta voix
le feu rechauffe ma maison je prie que tu est bien au chaud toi aussi
la nuit froide du 15 mai
a sainte julie tes 232 saisons se sont manifesté
j ai du mal a retenir mes larmes
j ai tant a offrir mais je ne peut te le donner
je sent que t aurai pu te reposer un peut plus chez moi

a tu visité le titanic
porte tu ton impermeable jaune
tes bas sont tu mouillé
a tu trouver un lit douillet pour passer la nuit
un coeur une chanson un ami
norah caroline et steve
snosteve@hotmail.com

34. Le lundi 21 mai 2007 à 14:50, par André

Salut Pierre

Je viens d’envoyer les nouvelles selon ce que tu m’avais demandé il y a deux semaines.

J’ai envoyé quelques photos aussi, espérant qu’elles aboutiront.

On travaille, en cette Fêtes des patriotes à faire un petit ménage pour préparer le terrain pour l’été.

Bon au plaisir de se revoir. Bonne lecture de l’Écriture!
John Byunan, auteur de la célèbre allégorie « Le voyage du pèelerin » (17e siècle) disait: « Ce livre vous gardera du péché, ou le péché vous gardera de ce livre. »

Comment ce sont passé les dernières semaines? Et la rencontre avec Stéphane Dion?

André,
Aylmer Québec.

35. Le samedi 16 juin 2007 à 11:57, par pierrot

Bonjour André, L’esprit saint est puissant. J’étais allé rencontrer l’adjoint de monsieur Stéphane Dion (chef du parti libéral à Ottawa) à ville St-Laurent. Je lui ai dit que je partais pour Ottawa rencontrer Monsieur Dion. Il m’a dit que son horaire est très chargé, c’est presque impossible. Je lui ai dit qu’il n’aurait pas le choix de me voir et que je n’avais pas besoin de rendez-vous.

Je suis monté sur le pouce a Ottawa, j’ai couché avec les pauvres. Puis un gentil monsieur du café français m’a donné deux baguettes de pain. J’en ai mange une mais l »esprit saint m’a demande de donner l’autre à plus pauvre que moi. Je me rappelais que devant le parlement un homme merveilleusement pauvre quêtait. Il était 8 heures le soir,. il n’était pas là. Je suis donc monté au parlement pour aller aux toilettes extérieures.

Et qui sort par la petite porte du parlement ? Stephane Dion avec un monsieur indien au turban rouge. Je le vois de loin, le salut de mes haillons… il vient vers moi, me serre la main. Je lui dis monsieur vous êtes le Wilfrid Pelletier du 21eme siècle et je ferai pour le Canada ce que Gandhi a fait pour l’Inde, j’ai mis toute ma vie a m’y préparer. Monsieur Dion de me dire. Monsieur, c’est beau ce que vous allez faire. Votre nom ? Pierrot monsieur…

Voilà André … merci pour ton amitié et ton accueil, ton gite et tes repas…j’allumerai entre 150 et 500 rêveurs d’un océan a l’autre. Je n’aurai plus de loyer jusqu’à ma mort, ni compte de banque, ni revenu. Je me dirige vers l’Alaska.

Si des rêveurs lisent ce texte, qu’ils m’écrivent leur rêve au courriel suivant… rochettepierre@yahoo.ca et qu’ils ouvrent le mot de passe pour lire ce que les autres rêveurs écrivent. ( mot de passe…. mariezzz) J’arrête dans chaque église pour prier pour mes rêveurs et le jour ou un de mes rêveurs réussit son rêve, je ferai l’impossible pour me rendre a sa fête sur le pouce pour lui serrer la main.

Ça fait deux mois que je suis en pèlerinage. Ma guitare est mon bâton de pèlerin et la journaliste Chantal Hébert, mon amour intérieur. Je n’ai pas besoin qu’elle m’aime, je suis un cowboy, l’important est que je m’ennuie de quelqu’un dont j’admire l’intelligence et qu’une pensée pour elle me fasse sourire de béatitudes.

Je voyagerai donc spirituellement mon pays d’un océan a l’autre jusqu’a ma mort en disant aux jeunes, ayez un rêve, faites de votre vie privée une oeuvre d’art. c’est la seule façon de créer un Canada oeuvre d’art dans le siècle qui va suivre.

Pierrot

36. Le samedi 16 juin 2007 à 12:02, par pierrot

salut Nicole et Jos

Mes 11 nouvelles chansons que j’écris pour Jos et que Jos a enregistrées…. lors de mon passage, des chansons de roader…Roger Cantin aimerait en avoir des copies en fichiers mp3…. Quand il montera a La Tuque, il verra Gilles Plourde qui lui donnera ton adresse….

Ton talent est génial Jos. J’écris une autre batch de nouvelles chansons de roader puis je repasserai au retour d’Alaska pour que tu les enregistres et que tu en sois l’interprète. À 58 ans, on n’a plus le temps de faire ça soi même…. salut a ta mère merveilleuse

pierrot

37. Le samedi 16 juin 2007 à 12:04, par pierrot

Cher Steve Couture

Je t’envoie un rêveur que j’ai rencontré sur ma route. ll déménage à St-Bruno. Son rêve devenir chef d’orchestre de sa famille. Et comme tu en es un magnifique, je lui dis,.. marche vers lui, il prendra soin de ton rêve en mon nom.

pierrot

38. Le mercredi 20 juin 2007 à 12:25, par Claude Desjardins

«V’la passer Pierrot pieds nus, ses toiles à la main.» C’est un peu de cette façon qu’on m’a dépeint cette tête blonde et folle qui est passé à mon bureau ce matin. Et je t’ai manqué!
Comme un excellent souvenir qui passe à la porte et qu’on a pas le temps de saisir.
J’espère que tout va bien pour toi et puisque la poésie te porte et t’emporte sur tous les chemins du monde, je veux te dire qu’en plus de l’éditeur que je suis toujours, je suis devenu metteur en scène pour mon plus grand plaisir.
Que de choses à raconter et de souvenirs à démêler…
«Je n’ose plus compter les filles qui déchirent mes nuits… on s’déshabille…»
«Ce n’est même pas la peine de te casser la tête de monter des histoires, t’es difficile à croire, la vérité trahit quand on est envahi par des angoisses noires et j’en perd la mémoire…»
«les gars du Jazz café qui refusaient de bien manger parce qu’ils aimaient la musique…»

Toutes ces lignes que tu as écrites, toutes ces nuits à écrire, ces études du rire et quoi encore?

Reviens qu’on se parle un peu!

39. Le lundi 2 juillet 2007 à 15:42, par Denis

Pierre,
je t’ai rencontré, sortant de chez Michel à St-Hippolyte, et sur le chemin vers l’Alaska le 28 juin. Dans la faille du temps que nous avons provoquée et pour nous installer dans cette brèche éternelle, nous avons esquissé ensemble les Dieux encore incompris que sont les Hommes.
Dans ton parcours vers les glaces cosmiques si tu rencontres un de ces petits dieux qui n’a pas encore appris du soc de l’Homme de la Terre, dis-lui qu’il ne lui reste que fort peu de temps pour se joindre à lui. Cet Homme, par la puissance de sa volonté de son intelligence et de son coeur, fera bientôt fondre la vaine retraite froide de tous les petits dieux apeurés et frileux l’ayant laissé seul sur une planète sans gouverne. Cet Homme redeviendra maître de tous les espaces et de tous les temps. Les petits dieux le savent…Si tu en rencontre un, donne-lui une dernière chance dans une chanson. Elle seule en a le pouvoir.
À bientôt!
Denis

40. Le mercredi 4 juillet 2007 à 13:53, par clclobby

et qui dit vrai…..

le 14 mai a ottawa ona echanger nos address……… me voici comme promis……………. c’est tres beau………encore mieux vecu………continue…….. ou es tu c’est jous-ci.

paul
a Ottawa

41. Le lundi 17 septembre 2007 à 10:56, par Sylvain Bédard

Mon bon ami et mentor Pierre.

Tant d’années passer à t’observer jouer sur la scène de la Calèche de Ste-Agathe,
à apprendre mon métier de comédien-humoriste-chanteur-musicien… soir après soir. Tant de conversation sur les techniques du rire, le pourquoi, le quand, le comment on fait tel ou tel chose pour aller chercher un rire.Tu me disais: « Tu fais tout ce qu’il faut mais tu sais pas ce que tu fais! » Merci pour tout ces beaux moments passer à rire ensemble en fin de soirée après tes spectacles devant un verre de lait et une pointe de tarte au sucre! Je ne t’ai pas vu à mon départ de Morin height le jour de L’Ombrelle mais il s’est passé un petit inscident et j’ai préféré quitter en douce, c’était plus sage de ma part de quitter immédiatement.

J’ai été très heureux de te revoir, tu as mis de la joie sur mon âme comme je n’en ai pas eu depuis longtemps. Sois assurer que je te lirai comme j’ai lu tout tes cartables.

Merci de faire partie de ma vie.
Sylvain
p.s. »L’important dans la vie, c’est ça qui compte. »

42. Le jeudi 1 novembre 2007 à 15:26, par pierrot

cher Sylvain

18 années à l’auberge la Calèche de Ste-Agathe, à monter des spectacles de comédie, de chant et de danse, avec décor et costume.Wow…. que de beaux souvenirs. Tous ces sketches burlesques à écrire, ces monologues… ces voyages a New York et a Walt Disney pour nous tremper dans les nouvelles thématiques. Denis Lamarre et moi n’avons jamais manquer un spectacle je crois. Mon partenaire de scène en passant fut magnifique, comme il doit l’être encore aujourd’hui comme être humain d’ailleurs. Autant monter les deux pierrots avec l’autre pierrot (Pierre David) fut un rêve durant 7 ans, autant Denis Lamarre a fait de ma vie d’artiste durant 18 ans une ile de l’éternité de l’instant présent en me protégeant des petitesses de la vie et cela, sans failles. Cet homme fut remarquable de bienveillance à mon égard et je lui en suis reconnaissant, infiniment reconnaissant.

Et toi avec ce talent fou, tu arrivais avec une énergie si neuve, si jeune. J’aimais arriver tôt, dormir sur le plancher en arriere des rideaux. Denis me réveillait 5 minutes avant d’entrer en scène.On chantait au souper. Puis, toi et moi, ces longues discussions sur les lois structurales de l’animation de foule, sur la science des interfaces de scène comme sur les lois du rire et des larmes. Tu étais un élève magnifique. L’intellectuel en moi était comblé. Je pouvais foncer dans les chiures de mouche de ce métier fascinant et tu catchais tout. wowww…

On s’est revus à cette soirée de l’ombrelle un peu comme un hasard. Je me dirigeais vers l’Alaska. je suis arrêté à Val-David. J’ai vu l’annonce dans une vitrine. Soirée bénifice. Cela tombait le soir même. Curieux. J’étais tellement émus de revoir Daniel Fontaine, Jos leroux, son fils Félix, Louis Alary, toi, les jeunes qui font notre métier aujourd’hui. Je n’avais pas réalisé que ces jeunes ne m’avaient jamais entendu chanter. Faut croire que je suis disparu par pur plaisir d’une boheme orchestrée par la soif d’une oeuvre d’art. Puis Louis Alary m’a ramené a Montréal, puis St-Sauveur, puis Montreal, puis Quebec… puis… oufff… encore une fois la synchronicité m’a fait rester au Québec:)))

Et me voila rendu a La Tuque, au lac a Beauce plus précisément au restaurant chez Annick ou j’écris nuit et jour. Pierrot et Annick faisant pour moi ce que Marcel et Jeanne ont fait pour Brassens. On me fournit le gite et le couvert pour me permettre de faire oeuvre hors temps hors réalité, hors servitude. Alors je me gave de nouvelles chansons à écrire. L’hiver sera gigantesque et céleste. Je bénis le ciel de leur bonté à mon égard.

Je salue ta merveilleuse compagne, qui doit être une mère de famille hors pair. J’espère qu’un jour on te recrutera pour une comédie musicale.On monte Victor Hugo a Québec pour le 400eme. vas passer une audition. Tu a un type physique et une voix pour aller chercher un rôle. Crois-moi. Fonce ami, fais de ton génie de la scène une oeuvre d’art. Tu connais mon amour passionné de l’autre ma passion a libérer les rêves emprisonnés par la peur d’oser chez l’être humain. Le seul héritage qu’un homme laisse a ses petits-enfants, c’est le voyage qu’il a fait avec lui-même, lorsqu’il est enfin devenu le héros de l’homme de ses reves, la légende de sa poésie de vivre. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage.

Pierrot
vagabond céleste

43. Le lundi 5 novembre 2007 à 20:37, par Richard peintre de l’auberge

Pierrot juste pour te dire que je pense souvent a toi mon ami et voir que tu as
ecrit me fait pleurer et que je ne peut retenir mes larmes en voyant que
ta route continue moi je suis chez moi et que je pense souvent et que j’espere
te revoir bientot.
Ton ami pour la vie

Richard

44. Le samedi 10 novembre 2007 à 10:40, par pierrot

cher peintre inou, cher Richard,

Incroyable ce que tu as fait pour moi à Tadoussac, à l’auberge de jeunesse. Cette délicatesse, cette discrétion à faire le bien. Ce merveilleux créateur que tu es, qui ne boit pas ne fume pas, qui se couche tot tous les jours pour peindre la nuit. Que de nuits nous avons créé côte à côte, ah wowww…. la même passion à ne pas tricher, la béatitude effrénée de la joie des doigts toi sur un pinceau, moi sur la guitare.

Sur le bateau, quand nous regardions les baleines, j’ai vu soudainement le Canada comme les autochtones l’ont vu avant l’arrivée de Jacques-Cartier. Tu as immédiatement téléphoné à Sept-Ilespour que je puisse être invité comme artiste de scène au symposium de peinture inou. Puis, ce séjour merveilleux de trois jours chez ton père au coeur de ta communauté. Puis Natashquan, puis pointe Parent chez les inous… puis la possibilité quand j’arriverai a Shefferville d’avoir des billets d’avion gratuits pour me promener a travers le Canada d’une communaute autochtone a une autre, puis ce ier janvier ou tu t’en vas dans l’ouest canadien. Tu sais à quel point j’aime créer à tes cotés. Je t’avoue que j’aimerais bien être de ce voyage, si tu m’invites bien sur….:))) Merci pour cette possibilité d’avoir des cafés gratuits chez tous les Tim Horton du Canada. Wow….

ici au lac à beauce, je peux partir n’importe quand et revenir n’importe quand, Pierrot et Annick prennent soin de moi comme Marcel et Jeane le firent pour Brassens. J’écris donc jour et nuit, 7 jours semaine. Des que l’inspiration sera tarie, tu me connais, je partirai de nuit, tes bottes m’étant tres précieuses. C’était fantastique d’arriver de Natasquan et de voir que tu avais fait une collecte a Tadoussac pour que je remplace mes souliers de pelerins du lac-a beauce qu’on avait remplacé a Sept-iles par des bottes d’automne que toi et mes donnateurs ont remplacé par de bonnes bottes d’hiver.

En ce moment, je me prépare à aller chez Michel Woodart enregistrer mes 42 dernières chansons. Passer une semaine ou deux chez lui, le tout ne devant sortir qu’apres ma mort, tout comme ma trilogie des 3000 pages d’ailleurs, dont le ier mille est politique, le second poétique et le troisieme existentiel.

As-tu des nouvelles sur le projet Jacques Cartier (pour la tournée européenne), de l’autre peintre inou (président du symposium de cette année) avec la sculpteure femme-caribou de sept-iles, dont je n’ai plus les coordonnées courriels. Je devais chanter à Québec le 23 novembre pour ramasser des fonds. Est-ce que cela fonctionne encore? tu peux te renseigner…

Je n’arrive pas à communiquer avec toi, ton adresse courriel n’étant pas la bonne. J’ai un éco-courriel Rochettepierre@yahoo.ca dont le mot de passe est Mariezzz, écris-moi:))) cet éco-courriel permet a tous et chacun de suivre mon voyage de pélerin entre deux océans d’un courriel a l’autre. Mon ier 1000 pages y est en fichiers attachés de 200 pages chaque halifax 1, halifax 2, halifax 3, halifax 4, halifax 5. Permets-moi de t’offrir ma chanson de cette nuit

LEVE-TOI PELERIN ET MARCHE
COUPLET 1

dormir
sous le pont d’Gatineau, une nuit froide de neige
pas de sleeping bag, du noir au beige

gémir
en p’tit bonhomme, les g’noux dans l’manteau
le nez sous le gilet, là ou c’est chaud

grandir
contre le bloc de ciment, se faire si petit
que son coeur devient firmament

s’ennoblir
au point où on devient soi-même
un grand pays entre deux océans

la bonté, l’humilité, l’humanité
comme vêtement de vie

REFRAIN

lève-toi pélerin
même si t’as froid, même si t’as faim
ensemence ton pays d’un rêve
pour les jeunes de demain

ta guitare à la main
marche marche les chemins
ne triche pas ton rêve en douce
en faisant du pouce

quand un jeune t’embarque
écoute-le jusqu’au matin
car son rêve à lui commence
là ou finit le tien

COUPLET 2

manger
quand on t’as ramassé, pour t’emmener souper
par ennui ou charité

s’laver
la route c’est accepter, d’être sale en dehors
d’être propre en-dedans, en s’guettant

s’coucher
avoir honte de sa peur, alors qu’y a tant d’humains
qui ont pas l’choix d’avoir peur

s’lever
soudain en pleine nuit, s’enfuir sans faire de bruit
en écrivant merci

la bonté, l’humilité, l’humanité
comme vêtement de vie

—–

couplet 3

trembler
recevoir un courriel d’un ami de jeunesse
qui veut t’offre de t’immortaliser

composer
une chanson chaque nuit, car la veille c’que t’écris
semble s’être évaporé

tracer
etre ta voix et tes l`vres, tous les cris des humains
qui ont choisi d’aimer

rêver
qu’apres ta mort peut-être,
des milliers de jeunes en mal d’être
reprendront ton épopée

la bonté, l’humilité, l’humanité
comme vêtement de vie

Pierrot
vagabond céleste

p.s.

les deux chansons que j’ai écrites sur toi
sont dans mon écho-courriel
je te donne des nouvelles
l’ouest canadien ensemble
le ier janvier…
j’aimerais passionnement…

45. Le mardi 13 novembre 2007 à 02:09, par Valérie Paquette

Salut Pierre! J’ai essayé de t’écrire il y a quelques jours sur ton adresse e-mail mais je ne crois pas que ça a fonctionné. J’ai donc décidé de t’écrire ici pour être certaine que tu puisses lire ce que j’ai à te raconter. On s’est rencontré dans le rang Ste-Anne à St-Basile de Portneuf. Tu venais de passer la nuit sur un terrain de golf et je t’ai rencontré alors que je faisais du pouce. J’ai finalement décidé de marché avec toi jusqu’au bout du rang. J’aimerais savoir où tu es rendu… As-tu réussi à te rendre à la Tuque, si je me souviens bien tu allais y ouvrir une boîte de pellerin. Je sais que des gens t’ont vu à St-Raymond… Ton passage dans Portneuf n’est certes pas passé inaperçu. Je ne sais pas si tu vas t’en rappeller, mais lors de notre rencontre, on s’est parlé du Sénégal. À ce moment, je te disais que j’avais appliqué pour une stage mais je croyais plus ou moins en mes chances de réussir à l’obtenir alors que toi, tu me disais que je l’aurais. Et bien tu as aujourd’hui raison! Je partirai en avril prochain pour ce pays qui m’attire de plus en plus à chaque jour. J’espère sincèrement pouvoir te rencontrer à nouveau et je te souhaite de poursuivre ton rêve de pellerin jusqu’au bout. Je suis en plein dans le mien et j’aurai une pensée spéciale pour toi quand je foulerai de mes propres pieds le sol africain.

Valérie Paquette

46. Le mercredi 14 novembre 2007 à 17:01, par Pierrot

Chère Valérie,

Wow-t=G3. Tu te souviens? fais wow sur ton rêve, ne triche pas (-t) et l’univers sera ton complice (G3) (génie au cube). Moi qui ai prié pour toi (g1), toi qui a fonçé vers ton rêve (g2)et l’univers dont tu as rendu la fréquence tellement heureuse qu’elle t’as offert la synchronicité comme bouquet de fleurs poétique sur réalité complice (g3).

Imagine-toi; j’ai suivi la bible qui dit abandonne-tout et suis moi. J’ai vraiment tout donné ce que j’avais. Et je marche mon rêve entre deux océans depuis 7 mois déjà. Depuis le début , on a rempli le portefeuille du bon dieu, m’a donné à manger, lavé mon linge, fait dormir, remis sur la route. Sans que je ne demande jamais rien. Ego sum pauper (je suis pauvre) nihil habeo (je n’ai rien) et nihil dabo ( et je ne demande rien). Je ne fais donc jamais de pouce. Je commence a marcher vers 4 heures 30 du matin, 20 a 30 kilomètres par jour. L’univers n’abandonne jamais ceux et celles qui ne trichent pas avec leur rêve. C’est fascinant.

Je me rappelle la nuit avant que je te rencontre. Il faisait noir, très noir. La pluie commence à tomber. J’entre à tâtons sur un terrain de golf. Un gazebo… Même la pluie par sa fraîcheur et sa beauté prends soin de moi.

Bien sûr, au lac à Beauce, je suis en train de développer un nouveau concept avec Pierrot et Annick.

Une simple cabane à patates frites pour accueillir les pélerins du dire. Un poêle à bois, une table pour dormir, deux chaises bercantes pour dialoguer. C’est tout. Puis quelques repas en échange de partage avec les clients qui le désirent, soit sous forme de musique ou de conférence. Je rêve d’un chapelet de relais spirituels pour les marcheurs qui à la fin de leur vie abandonneront tout pour aider les jeunes a croire en leurs rêves. Ensemencer ce pays de fabuleux rêveurs, comme toi, qui intriguée par ma barbe blanche , mon vieux chapeau et mon bâton de pélerin, est venue marcher avec moi, prendre un peu de validation, de courage d’un vieux qui voyait bien la beauté de ton rêve dans tes yeux fascinants.

Tu es vraiment quelqu’un de remarquable et tu deviendras d’ici 20 ans une des grandes figures de la révolution par le rêve dans ce pays oeuvre d’art. Car il suffit qu’une masse critique de jeunes fasse de leur vie privée une oeuvre d’art d’équité spirituelle pour que soudain le monde entier s’enflamme de justice, de partage et d’amour des autres.

Je partirai sans doute en janvier, d’abord pour Valleyfield pour enregistrer toutes mes nouvelles chansons, puis vers l’ouest canadien, plus précisément le Yukon. J’écris nuit et jour, Ici j’ai tout. L’ujivers a permis qu’on m’offre tout alors que je n’ai rien et ne demande rien . Fascinant. J’accepte seulement que ce qui sert au bien commun. Donc le minimum. Je t’offre une de mes chansons écrite en souvenir de cette nuit ou je dormis sur la plage de Natashquan avec le vent, la mer et le sable dans une belle furie de m’aimer

OH OH NATASHQUAN

Oh Oh Natashquan
même Vigneault y aurait perdu son âme
un peu d’pluie d’la nuit dans l’visage
ben du sable dans mon sac de couchage

la mer se venge
avec abondance
de me poésie de vivre
de ma belle errance

oh oh oh
6 heures du matin
une belle femme
prend des photos
oh oh oh
de longues jambes
tournent autour
de mon ventre et mon dos

—-

oh oh Natashquan
même Vigneault y aurait perdu son âme
la jeune femme veut immortaliser
un des deux vrais pierrots du passé

le Vieux Montréal se venge
avec abondance
d’une boîte à chansons souvenir
mon ancienne errance

oh oh oh
6 heures du matin
une belle femme prend des photos
oh oh oh
de longues jambes
tournent autour
de mon ventre et mon dos

—-

oh oh Natashquan
même Vigneault y aurait perdu son âme
j’veux fêter la vieillesse de ma chair
courir tout nu dans les vagues de la mer

35 ans de carrière se venge
avec abondance
j’me suis jamais vu vieillir
au travers mes errances

oh oh oh
je signe les papiers
de la belle femme
pour les droits des photos

oh oh oh
ses longues jambes chantent toujouts
entre ma chair et mes os.

Pierrot
vagabond céleste

47. Le dimanche 2 décembre 2007 à 21:29, par Michel La Brosse

Pierrot, Merveilleux Pierrot

MERCI MILLES FOIS MERCI

Vers la mi juin 2007,
Que la vie a ete bonne pour moi ainsi qu`a tous ceux qui ont pu deguster ta presence ici a St Hippolyte.

Suite a une montee de fievre de me rendre a ma banque a St Sauveur, presque rendu a l’ intersection pour tourner je t,ai appercu de dos qui marchait.

Joie Immense Instantannee et mes mains tournent tout excitees le volant pour te cueillir.
Arrete, j’ai le desir fou de te dire :Sui-je en retard, JE ME RETIEN, car je desir laisser la vie parler, apres tout je ne te connais pas.
Je pese sur le bouton et la porte coulissante s’ouvre, quelle Joie de t’entendre me dire: S’avez vous a qui vous avez a affaire, je suis un Reveur.

Les minutes, heures, jours, passe a te cotoyer ont apporte ici Tant D’amour, a moi et a tous ceux qui sont venu feter la reunion des ETRES DE COEUR dedie pour amener un monde meilleur.
Encore recemment des gens de Sherbrooke mont demande comment vas Pierrot. Tu as tous change notre vie.
Nous savons que sur la route nous avons notre Pierrot Universel qui marche pour nous offrir de s’Unir a d’autres REVEURS.

Pierrot j’ ai eu le Bonheur de te revoir a nouveau lorsque Yvon t’as acueuilli sur la route pour te ramener ici et partager QUELQUE JOURS ainsi que le recital du nouvel album de Denise Lepage RESPIRER PAR LE COEUR (dlepage7@sympatico.ca)

Merci Pierrot de ta disponibilte de la semaine derniere a m’echanger ta grande Sagesse face a la tempete dont j’ai passe.
Que c’est vrai, La Vie n’abandonne Jamais ses REVEURS.

J’ aimerais remercier Annick et l’autre Pierrot de t’accueillir si chaleureusement.

Merci a Denis Cantin pour me dire dans quelle region ou tu te trouve et de savoir que tu est a la chaleur.

Au revoir Mon Frere

Michel Centre amour et Vie centreamouretvie@sympatico.ca

48. Le mardi 4 décembre 2007 à 15:45, par pierrot

Cher Michel,

Je me rappelle très bien notre première rencontre. J’avais dormi sous le port Jacques Cartier, puis la nuit suivante, sous un pont à Laval. J’avais marché la 117 jusqu’à ce que sur le parvis de l’église de St-Jerôme, un jeune homme de 8 ans en bicyclette donne $.25 à un vieux monsieur en train de jouer de la guitare. Puis, moi qui croyais marcher vers le Yukon en arrêtant à Ottawa pour la fête de la confédération, tu m’as soudain ramasser à St-Sauveur. Quel homme d’exceptionnelle bonté tu es.. au point où je n’ai pu m’empêcher de te décrire en chanson. La voici. Salutations spirituelles à toi et les tiens

MICHEL, MICHEL, MICHEL

J’avais dormi sous le pont la nuit
dans l’coin d’Ste-Rose
dans l’coin d’Ste-Rose

j’avais marché la 117 sans fin
sans une pause
sans une pause

je ne fais jamais de pouce ami
sous les étoiles,
sous les étoiles

je ne sais jamais qui arrêtera
et me ramassera
et me ramassera

REFRAIN

Michel, Michel, Michel
tant de bonté dans le même homme
toi l’arroseur d’immensité
la poésie d’un grand soleil dans la vie
la poésie d’un grand soleil dans la vie

COUPLET 2

tu m’as ouvert un compte de banque ami
avec adresse fournie
avec adresse fournie

j’ai pu guérir de mes ampoules aux pieds
dormir dans de bons draps
manger un vrai repas

combien d’artistes combien de créateurs
de vagabonds moqueurs
de vagabonds moqueurs
chantent le prénom d’un homme d’honneur
un homme de grand coeur
un homme de grand coeur

COUPLET 3

toi qui n’as même pas un sous à toi
que les huissiers harcèlent
que les huissiers harcèlent

t’as déposé une offre d’achat de roi
pour une maison très belle, luxueuse étincelle

dont tu arroses tous les jours les fleurs
pour que les millionnaires autour de ta demeure
remplissent les comptes de banque de tes rêveurs
tes célestes marcheurs
tes célestes marcheurs

Pierrot, vagabond céleste

p.s.
voici ma dernière chanson

UN JEUNE HOMME DE BONTÉ

Un jour j’ai demandé
à un jeune africain
réfugié à Sept-îles
comment il voyait demain

ce jeune de 17 ans
m’a dit bien simplement
je rêve de retourner
dans mon pays maltraité

pour être reconnu
nationalement
comme un homme de bonté

REFRAIN

une chance qu’y pleuvait à sciau
sur ma guitare et mon chapeau
parce que mes larmes me lavaient l’corps
entre Sept-Iles et Bécomo
perdu dans l’parc
d’une route de bois
et d’orignaux

COUPLET 2

moi qui ai donné mes biens
qui marche mon pays
adoré des étoiles
et même de la pluie

il a suffi d’une phrase
d’un jeune noir en extase
pour que brille dans la nuit
sa clé du paradis

je me ferai mendiant
nationalement
pour chanter, ce jeune homme de bonté

COUPLET 3

y a très peu d’africains
qui demeurent à Sept-Iles
qui ont les yeux brillants
et bientôt 18 ans

qui marchent dans la rue
qu’on traite en inconnu
qui font l’ménage la nuit
dans une usine perdue

si vous le rencontrez
serrrez-lui la main
en lui chantant mon refrain

Pierrot, vagabond céleste

49. Le lundi 17 décembre 2007 à 14:07, par joe wagner

j’ai vu wow-t = G3 (g au cube)
alors si je comprends bien
à partir de cette formule on peut trouver ce qu’est wow
de façon très simple, mathématique primaire
on trouve que wow = G3 + t
donc wow = le génie au cube plus la tricherie
c’est peut-être vrai
jjw

50. Le mercredi 19 décembre 2007 à 22:37, par Marcel

Salut Pierre!!!

Merci encore pour les deux magnifiques chansons pour moi et mon amie. Je vais me souvenir longtemps de cet arrêt au Lac à Beauce!!! Un si petit geste pour un artiste de talent comme toi mais un si grand pour nous et notre amour grandissant.

Et n’oublie pas, tout le monde sourit mais seulement que pour quelques-uns, leurs faces ne sont pas aux courants!!!

Marcel et Mélanie.

51. Le dimanche 30 décembre 2007 à 18:11, par pierrot Rochette

Chers Marcel et Melanie

Comme votre amour a ensoleille ma vie d’ecrivain dans les derniers jours de mon passage au restaurant chez Annick. Je suis en ce moment a Valleyfield chez Michel Woodhard en train d’enregistrer mes 50 chansons en dvd, ecrites depuis 9 mois de vagabondage. Permettez-moi de vous offrir le texte de celle que je composais lorsque je vous ai vus si amoureux l’un de l’autre…

MON AMI LE PEINTRE

REFRAIN
mon ami le peintre
mon ami le peintre
Luc Lavoie du Lac a Beauce
tout le Quebec un jour saura
que t’es un vrai, un immense
un grand coloriste secret

a moi les murs
la terre m’abandonne
toute ta peinture
me revolutionne
ta signature
enflamme la mienne
au bout d’mon ecriture

COUPLET 1

a 20 ans
le peintre Cezanne
savait deja qu’apres sa mort
il serait reconnu comme le plus grand
du 19eme siecle
quand il eut du succes a la fin de sa vie
dans une exposition tenue a Paris
il resta bien sagement dans son village chez lui

COUPLET 2

a 20 ans
le vagabond que je suis
savait deja qu’apres sa mort
il serait reconnu comme un grand homme nu
du 21eme siecle
avec mains tendues vers son doux createur
dont les mots disparus ont fait danse les heures
en marchant tendrement entre deux oceans
la route du paradis

REFRAIN FINAL

Osias Leduc
serait fier de nous
mon ami mon ami
car la vie disait-il
est ma seule aventure

Pierrot vagabond celeste

52. Le jeudi 3 janvier 2008 à 16:18, par Ginette et Jean-René

PIERROT!

Merci pour notre complicité!
Merci pour tes chansons!
Merci pour ta bonne humeur!
Merci pour tes WOW!
Merci d’avoir égayé nos déjeuners!
Merci de nous avoir écouté et ce fut un grand plaisir de t’écouter a notre tour.
Tu es un être extraordinaire. Nous sommes tres heureux de t’avoir connu et nous te demandons de faire attention a toi.
Tu ne peux nous oublier car les pieds de Jean-René te suivront partout avec ses bottes et ses combines te réchaufferont.

Réalise ton REVE!

A bientôt! Ginette et Jean-René.

PS Annick aimerait communiquer avec toi, laisse un no. de tel ou appelle-la.

53. Le dimanche 6 janvier 2008 à 11:55, par Chanrasmey Sam

Bonjour Pierre,

Ce fut un tres grand plaisir de tCher Claude,

J’ai un nouveau courriel….. Lalune991@hotmail.com et le mot de passe est privé. Ton conseil est des plus judicieux. Effectivement, cela devenait difficile pour les gens de communiquer de façon privée.

L’émission de radio de Radio-Canada sur ma démarche de vagabondage céleste a été canée hier. D’une durée d’une heure environ. Elle passera demain samedi dans l’avant-midi. Je ne sais pas s’il y aura du montage…. Le titre de l’émission: croque samedi.
Tu peux la capter sur internet en synthonisant Radio-Canada Côte Nord

j’y ai chanté 4 chansons: la chanson de l’ingénieur, la chanson du camionneur, in the wall et nous sommes nomades Cassandre. On me fera parvenir un mp3 sur mon courriel que je te transmettrai. Peut-être sera-t-il possible de l’offrir sur ce blog ? ceux et celles qui me suivent et m’appuient à travers le Québec.

Il est possible aussi que dimanche, dans l’après midi je crois, ? Radio-Canada Montréal, on reprenne une partie de cette interview.
Décidément, quand tu ne triches pas avec son rêve, les lampadaires d’équanimité illuminent ton existence comme les pierres blanches du petit poucet.

Pierrot
vagabond céleste

106. Le vendredi 5 septembre 2008 à 08:19, par Claude Demers

D’accord Pierre

Je regarde tout çà et je fais le suivi. Merci pour ton adresse électronique.

Claude

107. Le vendredi 5 septembre 2008 à 12:20, par pierrot

salut Claude,

Finalement, il y aura deux émissions (d’une demie-heure chacune) différentes, une qui jouera sur radio-Canada Cote Nord demain, soit samedi avant-midi et la suivante une autre demie-heure, dimanche apres midi à « tour de table » sur la radio Cote Nord et Gaspésie, donc la moitié du Québec sera couverte.

Tu pourrais m’envoyer ton adresse courriel sur, lalune991@hotmail.com, pour que je puisse t’envoyer les mp3 de ces deux émissions. J’adore la radio, ca me permet de vagabonder incognito, les gens n’entendant que ma voix et mes chansons, donc mon âme dansant hors de l’ego, que projette incontournablement tel une montgolfiere sans fil, toute image mediatisee

Pierrot
vagabond céleste

108. Le samedi 6 septembre 2008 à 14:30, par Nicolas

Salut Pierrot,

Tu te souviens sûrement, nous nous sommes rencontrés à Tadoussac et tu m’as demandé qu’est-ce que je faisais dans la vie à part être heureux. Et je t’ai répondu que je travaillais aussi pour le bureau chef chez St-Hubert : un de tes rêves les plus fous.

Et bien maintenant, je me consacre entièrement au bonheur puisque je ne travaille plus pour le célèbre Coq jaune. Changement de vie et comme on dit : tout est toujours pour le mieux.

J’aurais aimé organiser une rencontre avec Jean-Pierre Léger comme je te l’avais proposé. Pour l’instant, je suis sur la route et je laisse la vie me porter, me guider. Tu dois certainement comprendre de quoi je parle, cher vagabond.

Je sais que nos chemins se croiseront de nouveau, d’ici là… je remercie la vie et la conscience, car la séparation n’est qu’une illusion.

Au plaisir,

Nico

109. Le lundi 8 septembre 2008 à 09:14, par pierrot

Très cher Nicolas,

Il est vrai que notre rencontre à Tadoussac fut pour moi un choc émotif profond. Tu vivais un de mes rêves les plus fous: Faire des St-Hubert du Québec une oeuvre d’art en créant leurs commerciaux et en en faisant le tour à titre de visionnaire en design de clientele.

Je fus en duo durant 18 ans avec un homme exceptionnel, Denis Lamarre. Nous avions un duo de comédie Rochette Lamarre, grâce auquel j’ai pu vivre sur scène ma maîtrise universitaire sur les lois axiologiques du rire dans le cerveau humain. Et à cette époque, nous étions les vedettes de l’auberge La Caleche dans les Laurentides, et surtout…nous avions le bonheur de chanter dans les St-Hubert du Québec, avec parfois une scene montée directement par dessus les bancs (A Trois-Rivieres entre autres). Nous avions même chanté pour un producteur de leurs poulets…

St-Hubert, c’était ma petite enfance. On en avait pas ? La Tuque, mais y avait l’annonce à Radio-Canada.

Imagine quand je t’ai rencontré et que j’ai vu ton sourire et ta job:))))))))))))))) Je l’aurais échangé avec la mienne…. pour quelques semaines…. Curieux, aujourd’hui tu es devenu vagabond pour quelque temps… L’univers est tellement coquin que ça pourrait bien arriver que Jean-Pierre Leger lui-même me ramasse sur la route pour que nous échangions sur nos rêves réciproques. J’ai porté le sien comme un cadeau précieux lors de mes nombreuses tournées dans toutes les villes et villages du Québec, durant tellement d’années.

Maintenant, je carbure aux rêves des autres, à leurs yeux, les jeunes rêveurs comme les vieux, et on dirait que ma famille de rêveurs équitables prend de l’expansion.

Je reprend la route dans 11 jours. Iere destination l’Ile d’Orleans. Une jeune femme de 38 ans d’Amos prendra probablement une semaine de vacances pour venir dormir dehors avec moi. Je ne lui parlé qu’au tel. Il s’agira sans doute pour elle d’une sorte de St-Jacques de Compostelle avec un vieux marcheur, un caribou encore debout vagabond fou.:))))))))))

Je te sens heureux dans ton texte.?Nous nous recroiserons sûrement. Alors le portefeuille du bon Dieu qui est le mien, si les dieux grecs du nomadisme le veulent, t’invitera au St-Hubert de ton choix:)))))))))))))))))) Tu es un merveilleux rêveur ami:)))))))))

Pierrot
vagabond céleste

109. Le vendredi 26 septembre 2008 à 17:48, par Dany

Bonjour Pierre,

j’ai fait la rencontre d’un personnage qui m’était totalement encore inconnu jusqu’à hier soir. Et pendant quelques simples heures, j’ai fait l’un des voyages les plus merveilleux qui soit depuis fort longtemps.

Celui comme d’avoir atteint et touché un brin d’éternité dans un moment présent…avec ce bon vieux vagabond que je connaissais, sans même ne jamais l’avoir connu. Quel paradoxe et beau mystère ? la fois ! 🙂

Je veux simplement remercier la vie que d’avoir eu ce moment de bonheur, ainsi que le privilège que tu nous as offert à Mario (mon ami et patron) et surtout à moi-même, que d’avoir partager ta voix, tes mots, tes chansons…Tu as même fait soutirer et jaillir quelques larmes de souffrance de mes yeux. Et par la suite ils sont devenus brillants comme les étoiles dans la nuit. Pour ces simples gestes: Merci !

par
J’espère simplement en retour, quelque part, que j’ai pu te rendre une certaine brillance dans les tiens aussi.

Bonne route et bonne continuité Pierre ! 🙂

Alors pour tout ceux et celles qui ont une pensée pour Pierrot, ou se demandent où ce bon vieux vagabond peut-il être en ce moment, soyez rassurés ! Il est bel et bien sur les traces de Félix, sur cette merveilleuse Ie de Bacchus ! 🙂

Dany, un serveur bien attentionné, et tantinet aussi artiste dans l’âme.