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Claude Demers

l'auteur de ce blogue. Retraité et professeur d'échecs à temps partiel.

Les demi-vérités de Lucien Bouchard et de Junex

Réplique à un article d’un représentant de Junex accusant Amir Khadir de mensonge. La Presse n’a pas daigné la publier.

Dans un article intitulé « Les mensonges d’Amir Khadir », publié dans La Presse du 3 juin dernier, Dave Pépin, vice-président aux affaires corporatives de Junex, se porte à la défense de Lucien Bouchard que les questions d’Amir Khadir en commission parlementaire ont grandement contrarié.

Le porte-parole du Junex résume ainsi son accusation : « Le député de Mercier, Amir Khadir, a accusé Lucien Bouchard d’avoir, avec la complicité d’André Caillé, démantelé la Société québécoise d’initiatives pétrolières (SOQUIP) pour brader les ressources gazières et pétrolières du Québec au bénéfice de multinationales étrangères. Les deux volets de cette affirmation sont faux. »

Rappelons que M. Bouchard s’est présenté en commission parlementaire, le 30 mai dernier, en tant que président de l’Association Pétrolière et gazière du Québec (APGQ). Il est venu supplier le gouvernement du Québec de verser des compensations financières aux riches compagnies qu’il défend, lesquelles craignent d’encourir des pertes de profit en raison du moratoire recommandé par le BAPE et imposé par le gouvernement.

L’auteur de l’article susmentionné accuse le député de Québec solidaire de « dénaturer les faits sans égard à la vérité historique ». Pour démêler le vrai du faux, voyons concrètement quels sont les faits historiques et qui les dénature, et cela dans les deux volets signalés par M. Pépin.

Lucien Bouchard a-t-il contribué au démantèlement de SOQUIP ?

Les faits historiques indiquent clairement que oui. Pour y voir clair, reprenons le fil de l’histoire de la courte vie de SOQUIP, depuis sa naissance en 1969 jusqu’à sa mise à mort quelque 30 ans plus tard. SOQUIP a été créée par le gouvernement de Jean-Jacques Bertrand, dans la foulée de la révolution du « Maîtres chez nous », ce formidable mouvement de réappropriation de nos ressources naturelles lancé par René Lévesque. Sa mission était de faire en sorte que l’exploitation des hydrocarbures potentiellement cachés dans le sous-sol québécois puisse servir les intérêts de la nation toute entière, plutôt que ceux de quelques compagnies privées.

Sitôt fondée, la nouvelle société d’État rapatrie les permis d’exploration déjà concédés à des multinationales, comme Esso et Shell. Dans la première décennie de son histoire, SOQUIP réalise d’importantes études géophysiques et sismiques, accumule de précieuses données et forme du personnel en exploration et exploitation pétrolières et gazières. En 1980, le gouvernement du Parti québécois élargit sa mission initiale pour lui permettre d’investir, non seulement dans l’exploration et la prospection, mais aussi dans la production, la distribution et la commercialisation d’hydrocarbures. En 1981, SOQUIQ secondée par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) acquiert une partie importante des actions des deux principales distributrices de gaz naturel au Québec : Gaz métropolitain – alors filiale de l’ontarienne Northern and Central Gaz Company – et Gaz Inter-Cité. SOQUIP regroupe ces deux compagnies pour faire de Gaz métropolitain une entreprise gazière nationale.

En 1986, SOQUIP crée, toujours avec la CDPQ, la société Noverco afin de réaliser l’acquisition complète de Gaz Métropolitain. André Caillé est nommé président de Noverco. SOQUIP devient ainsi, dans les années 1990, la société d’État qui contrôle la distribution et la commercialisation du gaz naturel au Québec. L’exploitation des hydrocarbures s’avérant peu prometteuse au Québec, SOQUIP poursuit ses travaux d’exploration ailleurs au Canada. Elle crée à cette fin Soligaz, un consortium composé de Gaz métropolitain, d’Alberta Natural Gaz et du groupe SNC. SOQUIP détient 50% des actions du consortium.

Mais voici qu’en 1996, on assiste à un brusque changement de cap. Cette année-là, André Caillé passe de pdg de Noverco à pdg d’Hydro-Québec, alors que Lucien Bouchard vient d’accéder au poste de premier ministre. Selon une nouvelle stratégie concoctée entre André Caillé et les hautes instances gouvernementales, l’avenir énergétique du Québec passe désormais par le gaz naturel. Le gouvernement Bouchard autorise Hydro-Québec à tasser SOQUIP qui se voit forcée de lui vendre une partie importante de sa participation dans Noverco. À l’étonnement général, Hydro-Québec se lance à fond dans l’exploration et la distribution du gaz naturel. L’année suivante, Hydro-Québec s’allie à IPL Energy Alberta pour prendre le contrôle complet à la fois de Noverco et de Gaz Métropolitain. C’est le début de la fin pour SOQUIP. Pour bien la neutraliser, Hydro-Québec créera, à grands frais, une nouvelle division : « HQ Pétrole et Gaz ».

Par ailleurs, le gouvernement Bouchard décide, en 1998, d’étouffer en douce ce qui reste de SOQUIP en la plaçant sous la tutelle de la Société générale de financement (SGF), dont elle devient une des 12 filiales. SOQUIP conserve pour un temps son Conseil d’administration, mais perd peu à peu son identité et ses moyens d’action. Elle finira par disparaître complètement de l’organigramme de la SGF. Exit le personnel de SOQUIP. Dès1999, Jacques Aubert passe directement de pdg de SOQUIP à pdg de Junex, une société privée qu’il fonde illico avec l’ingénieur pétrolier Jean-Yves Lavoie, lequel arrive lui aussi de la mourante SOQUIP. (Lavoie succédera à Aubert comme pdg de Junex en 2006.) Dave Pépin, autre ancien de SOQUIP et signataire de l’article précité, rejoindra également Junex. Ceux-là et bien d’autres quitteront SOQUIP avec dans leurs bagages toute l’expertise et les connaissances qu’ils y ont accumulées.

La riche banque de données constituée par SOQUIP est transférée au ministère des Ressources naturelles et de la Faune qui s’empressera de mettre ces précieux renseignements à la disposition de l’entreprise privée. Un trésor inestimable dans lequel l’État québécois et nos universités avaient investi des sommes et des énergies considérables.

Malgré sa fin inopinée, il faut reconnaître que SOQUIP a effectivement fait œuvre de pionnière en matière d’exploration et d’exploitation du potentiel pétrolier et gazier du Québec. Dans sa sortie contre Khadir, Pépin conclut que des « millions de dollars ont été investi sans succès ». Grave demi-vérité, car il fallait ajouter : sans succès pour la collectivité québécoise, mais grand profit pour les compagnies privées. Le député de Mercier dit vrai quand il affirme qu’elles « nous ont spoliés de 30 ans d’investissements publics ». Car ce sont elles qui ont profité et profitent encore de ces investissements fondateurs [1].

Lucien Bouchard contribue-t-il au bradage de nos ressources gazières et pétrolières au profit des multinationales étrangères ?

Sans aucun doute, car dans son rôle de président de l’APGQ, l’ex-premier ministre défend des multinationales qui profitent de la grande braderie organisée par le gouvernement Charest : concession d’immenses superficies au prix scandaleusement ridicule de 10 sous l’hectare, exemption de redevances pendant cinq ans, accès gratuit à l’eau et aux infrastructures publiques. En prenant fait et cause pour ces compagnies profiteuses, M. Bouchard contribue directement au bradage de nos ressources gazières et pétrolières. Rappelons qu’il est payé directement par l’albertaine Talisman Energy qui n’a pas lésiné sur la rémunération. On parle de plusieurs centaines de dollars l’heure.

Dans son intervention à la commission parlementaire, Amir Khadir a simplement posé la question que tout le monde se pose depuis que M. Bouchard a accepté de vendre ses services d’avocat et de lobbyiste à l’APGQ dominée en très grande partie par des capitaux étrangers. Voici la question qui a fâché le super-lobbyiste : « Est-il concevable que l’on puisse servir les intérêts d’une nation, tout en travaillant ardemment à protéger les intérêts de multinationales étrangères qui cherchent, en fait, à nous spolier de nos ressources naturelles ? »

Par sa claire franchise, la question a piqué au vif l’ex-premier ministre et ex-soi-disant- souverainiste. Une question qui s’avérait d’autant plus pertinente que lors de sa nomination à la présidence de l’APGQ, en février dernier, M. Bouchard a déclaré qu’en acceptant ce mandat il avait « la certitude de travailler dans le meilleur intérêt de notre collectivité » et d’apporter « une contribution réelle à l’enrichissement public ». Devant cette promesse paradoxale, Renaud Lapierre, ex-sous-ministre-adjoint à l’énergie et ex-dirigeant de SOQUIP, a lui aussi adressé à Lucien Bouchard la question qui fâche : « Prendrez-vous le parti de les convaincre [les compagnies que vous représentez] que reviennent dans les coffres de l’État 51% des revenus nets générés par l’exploitation de ces ressources ? [2] »

L’intéressé n’a pas répondu ni en parole, ni en écrit ni en geste, parce qu’il est coincé. C’est bien connu que la seule responsabilité sociale que se reconnaissent les multinationales est de faire des profits, ce qui contribue à créer des jobs. Aux multinationales, les profits milliardaires ; aux « porteurs d’eau et scieurs de bois » que sont leurs employés, un salaire aléatoire et les impôts dus à l’État. Ces règles du jeu font en sorte que les intérêts des multinationales étrangères s’avèrent contraires, voire opposés, aux intérêts de la nation québécoise.

Toute l’histoire de l’exploitation de nos abondantes ressources naturelles – les forêts, les mines, l’eau, et maintenant le vent et les hydrocarbures – est l’histoire d’une spoliation systématique par des entreprises étrangères. En 1962, il y eut un sursaut de dignité quand René Lévesque a convaincu le gouvernement Lesage de nationaliser les compagnies qui s’étaient approprié la presque totalité de nos ressources hydrauliques.

Dans son intervention à la commission parlementaire, le député de Mercier annonce qu’il va lire un message qu’une citoyenne l’a chargé de transmettre à M. Bouchard. Celui-ci l’interrompt brusquement : « Vous êtes le facteur ? » Et Khadir de répondre tout bonnement : « Oui, je suis l’humble facteur d’une citoyenne ». Le président de l’APGQ semble ne s’être pas rendu compte de l’impertinence de sa question. Il est là, lui, à l’Assemblée nationale, non seulement comme le facteur, mais comme l’avocat des multinationales du gaz et du pétrole.

Pires que des mensonges, les demi-vérités de Bouchard et Junex

Nous avons relevé quelques-unes des demi-vérités dont est truffé l’article de M. Pépin. L’espace manque dans ce court texte pour les signaler toutes. En voici un petit échantillon :

1- « La découverte de gaz naturel a été faite par Junex avec un partenaire américain. »

Cette assertion est à la fois un mensonge, une vantardise et une usurpation. Junex n’est pas parti de zéro. Ses co-fondateurs, Aubert et Lavoie, sortaient directement de SOQUIP. Junex, comme toutes les petites entreprises qui se sont lancées par la suite dans le gaz de schiste, s’est bâtie sur les données et l’expertise accumulées par SOQUIP. Junex a encore profité de la même source en recrutant les deux principaux dirigeants – Peter Dorrins et Jean Guérin – de la défunte division « HQ Pétrole et gaz » qui avait ramassé les dépouilles de SOQUIQ.

2- « M. Caillé non seulement n’a pas participé (…) au démantèlement de SOQUIP, mais il a au contraire recréé, alors qu’il était président d’Hydro-Québec, une division Pétrole et gaz chargée de participer à l’exploration et au développement de nos ressources gazières et pétrolières. » Demi-vérité pire qu’un mensonge. C’est la création d’HQ Pétrole et gaz par André Caillé qui a mis le clou décisif sur le cercueil de SOQUIP. À propos d’André Caillé, l’article de Dave Pépin omet de mentionner une série de faits révélateurs. Peu de temps après son départ d’Hydro-Québec, André Caillé se joint à Junex et – coïncidence ! – Hydro-Québec effectue un autre virage à 180 degré, mais en sens inverse : elle abandonne la filière des hydrocarbures, dissout sa division Pétrole et gaz et cède, dans des conditions restées nébuleuses, tous ses permis d’exploration et d’exploitation à une poignée d’entreprises privées, dont Junex. En 2009, le même André Caillé devient président de la nouvelle Association gazière et pétrolière du Québec. Lucien Bouchard lui succède en février 2011. Caillé, Bouchard, Pépin : même combat.

3- « Le Québec ne reçoit pas assez d’investissements étrangers. »

Cette demi-vérité, pire qu’un mensonge, est de Lucien Bouchard. Pour justifier son emploi au service de la multinationale Talisman et compagnies, il brandit le bon vieux cliché colonial, à savoir que nous n’avons au Québec ni les capitaux, ni l’expertise pour développer nos propres ressources. La vérité, c’est que les capitaux collectifs dont nous disposons en abondance sont investis en très grande partie à la Bourse et dans les produits dérivés ou déportés à l’étranger, notamment par la CDPQ et le Mouvement Desjardins. De tout temps, les investisseurs étrangers ont profité de nos ressources avec la complicité légendaire de nos politiciens. Et que nous ont-ils laissé au bout du compte ? Des forêts saccagées, des résidus miniers toxiques, des villes et des villages fermés.

Vivement le retour de l’éthique à l’Assemblée nationale !

Dans sa grande fâcherie contre Amir Khadir, Lucien Bouchard s’indigne de ce que celui-ci ose l’interroger sur la pertinence morale de la vente de ses services aux multinationales, dont les intérêts contreviennent à ceux de la nation québécoise. En réponse à cette question qu’il considère comme déplacée, l’ex-premier ministre s’emporte et apostrophe le député de Mercier sur un ton fort impoli : « Est-ce que je suis ici, s’écrit-il, pour subir les jugements moraux de ce monsieur ? Est-ce que c’est la tradition maintenant, dans cette enceinte, que de porter des jugements de nature morale sur les gens qui y comparaissent. […] Il n’a aucun droit ! Aucun droit ! Il est hors de ses pompes, celui-là ! ».

La morale – tout comme l’éthique -, c’est l’art de porter des jugements sur la manière de se bien comporter, tant en société qu’en privé. Cela concerne tous les citoyens, à plus forte raison les décideurs politiques et économiques. Pourquoi les questions de « nature morale » n’auraient-elles pas leur place dans l’enceinte du Parlement ? Le courage politique, l’honnêteté et le sens de bien commun ne sont-elles pas des qualités qui relèvent éminemment de l’éthique et de la morale ?

Le séisme qui secoue présentement, non seulement le Parti québécois, mais l’ensemble de la députation, est la conséquence directe du flagrant manque d’éthique qui sévit dans l’enceinte parlementaire depuis trop longtemps. Un effondrement de la morale publique que la vieille classe politique en est venue à considérer comme normal. Aujourd’hui, la conscience de certains élus et les questions éthiques refont surface et tentent de reprendre leurs droits.

Le député solitaire de Québec solidaire a le mérite d’avoir sonné l’alarme sur ce mal qui ronge aussi bien la vieille classe politique que la nouvelle oligarchie des affaires : le syndrome de la déficience éthique acquise… et contagieuse.

Jacques B. Gélinas Le 13 juin 2011

Notes

[1] Pour en savoir plus sur le potentiel pétrolier et gazier du Québec et sur l’aventure de SOQUIP, voir l’excellent ouvrage de Normand Mousseau, La révolution des gaz de schiste, Èditions MultiMondes, Québec, 2010.

[2] Renaud Lapierre et Daniel Turp, « Gaz et pétrole : cinq questions à Lucien Bouchard », Le Devoir, le 17 février 2011. Daniel Turp, co-signataire de la lettre, est membre du Parti québécois.

Source : Presse-toi à gauche

Libye : L’OTAN emploie de l’uranium appauvri

IRIB- Le Centre de recherche sur la mondialisation, « Center for Research on Globalisation », (CRG), a révélé l’usage, par l’OTAN, d’uranium appauvri, en Libye. Mahdi Darius Nazemroaya, chercheur associé au centre, a dit, lors d’un entretien avec Press TV, que l’OTAN a commis des crimes de guerre, en ayant recours à l’uranium appauvri. Nazemroaya, qui se trouve, à Tripoli, affirme que les chasseurs-bombardiers de l’Alliance bombardent et détruisent les hôpitaux, les maisons et les hôtels. A noter que le Conseil de sécurité a ratifié les résolutions 1.970 et 1.973, décrétant une zone d’exclusion aérienne, pour, en effet, faire face aux raids aériens contre les opposants et prendre les mesures nécessaires, afin de soutenir les civils, face à la répression exercée par le régime de Mouammar Kadhafi. Pourtant, des milliers de personnes ont été tuées, aussi bien, par les mercenaires de Kadhafi, que par l’OTAN.

Source : mondialisation.ca

Amartya Sen : « L’euro fait tomber l’Europe »

LeMonde.fr

LEMONDE | 02.07.11 | 14h09 • Mis à jour le 02.07.11 | 17h52

Quand, en 1941, Altiero Spinelli, Eugenio Colorni et Ernesto Rossi signèrent le fameux Manifeste de Ventotene, ils appelaient à une « Europe libre et unie ». La déclaration de Milan qui suivit en 1943, fondant le Mouvement fédéraliste européen, réaffirma cet engagement pour une Europe unie et démocratique. Tout cela s’inscrivait dans le prolongement naturel de la quête démocratique de l’Europe inaugurée par le mouvement européen des Lumières, qui, à son tour, inspira le monde entier.

C’est pourquoi il est très affligeant que l’on soit aussi peu inquiet du danger qui menace aujourd’hui le régime démocratique de l’Europe, lequel se manifeste insidieusement par la priorité accordée aux impératifs financiers. La tradition du débat public démocratique est sapée par le pouvoir incontrôlé que détiennent les agences de notation qui de facto dictent aux gouvernements démocratiques leurs programmes, souvent avec le soutien d’institutions financières internationales.

Il convient ici de distinguer deux enjeux différents. Le premier concerne ce que le journaliste et économiste Walter Bagehot (1826-1877) et le philosophe John Stuart Mill (1806-1873) considéraient comme la nécessité d’un « gouvernement par le débat ». Tant que les gardiens de la finance entretiennent une vision réaliste des actions qui s’imposent, l’espace public démocratique doit leur prêter l’oreille la plus attentive. C’est important !

Mais cela ne signifie pas qu’on doive leur accorder le pouvoir suprême ni qu’ils puissent dicter leur loi à des gouvernements démocratiquement élus, sans que l’Europe exerce aucune résistance organisée. Le pouvoir des agences de notation ne peut être contenu et encadré que par des personnalités politiques exerçant un pouvoir exécutif au niveau européen. Or pour l’heure, un tel pouvoir n’existe pas.

Deuxième point, on voit mal en quoi les sacrifices imposés par ces chevaliers de la finance à des pays en difficulté constituent le remède décisif pour assurer la pérennité à long terme de leur économie, ni même que ces sacrifices soient en mesure de garantir celle de la zone euro dans le cadre non réformé d’un système financier intégré et d’un club de la monnaie unique à la composition inchangée.

Le diagnostic des problèmes économiques tel que l’établissent les agences de notation n’a en rien le statut de vérité absolue, contrairement à ce que ces dernières prétendent. Pour mémoire, le travail de certification des établissements financiers et des entreprises accomplis par ces agences avant la crise économique de 2008 était si lamentable que le Congrès américain a envisagé d’engager des poursuites contre elles.

Puisque désormais une grande partie de l’Europe s’efforce de juguler au plus vite les déficits publics par le biais de coupes claires dans les dépenses publiques, il est essentiel d’étudier avec réalisme quelles seront les répercussions des mesures adoptées dans ce but, tant sur le quotidien des gens que sur la création de recettes publiques par la croissance économique. Ce qui manque à l’heure actuelle, outre un projet politique plus ambitieux, c’est une réflexion économique plus développée sur les effets et l’efficacité de cette stratégie de réduction maximale des déficits dans « le sang, la sueur et les larmes ».

La noble morale du « sacrifice » a incontestablement des effets grisants. C’est la philosophie du corset « ajusté » : « Si madame est à l’aise dans celui-ci, c’est certainement qu’il faut à madame la taille en dessous. » Mais si les appels à la rigueur financière se traduisent trop mécaniquement par des compressions brutales et drastiques, on risque non seulement d’imposer plus de privations que nécessaire, mais aussi de tuer la poule aux oeufs d’or de la croissance.

Cette tendance à ignorer le rôle de la croissance dans la production de recettes publiques devrait faire partie des premiers sujets à passer au crible de la réflexion critique et ce, de la Grande-Bretagne à la Grèce.

En Grande-Bretagne, il faudrait ainsi s’interroger sur la pertinence des mesures initiées par le gouvernement (sans que le débat public ait été vraiment encouragé, d’ailleurs), tandis qu’en Grèce, ce sont des mesures imposées de l’extérieur qui sont mises en cause, dans un pays dont les marges de manoeuvre pour contester les injonctions des caïds de la finance sont des plus minimes.

Ces réductions budgétaires poussées à leur maximum risquent de diminuer les dépenses publiques autant que les investissements privés. Si cela se traduit également par une réduction des stimuli de croissance, les recettes publiques pourraient, elles aussi, chuter douloureusement.

Le lien qui unit croissance et recettes publiques a été amplement observé dans de nombreux pays, de la Chine au Brésil en passant par les Etats-Unis et l’Inde. Là encore, des leçons sont à tirer de l’Histoire. De nombreux pays affichaient à la fin de la seconde guerre mondiale une lourde et préoccupante dette publique ; mais une croissance économique soutenue a permis d’alléger rapidement ce fardeau. De même, les déficits colossaux que trouva Bill Clinton à son entrée en fonctions en 1992 fondirent sous sa présidence sous l’effet, en grande partie, de la rapidité de la croissance.

Comment certains pays de la zone euro se sont-ils retrouvés dans une situation aussi calamiteuse ? La décision saugrenue d’adopter une monnaie unique, l’euro, sans plus d’intégration politique et économique a certainement joué son rôle dans cette crise, au-delà même des irrégularités financières commises par des pays comme la Grèce ou le Portugal (au-delà, également, de cette culture de « l’excès d’honneur » qu’a soulignée à juste titre l’ancien commissaire européen Mario Monti, et qui dans l’Union européenne permet à ces irrégularités d’être commises impunément).

A leur décharge, le gouvernement grec, et en particulier son premier ministre Georges Papandréou, font tout ce qu’ils peuvent envers et contre les résistances politiques, et il faut aussi saluer leurs efforts pour sortir la Grèce de cette culture de la corruption qui gangrène les entreprises et les relations économiques.

Cependant, ni les bénéfices à long terme des profondes réformes entreprises par la Grèce ni la bonne volonté douloureuse d’Athènes de satisfaire aux exigences des gardiens de la finance internationale ne dispensent l’Europe de s’interroger sur la pertinence des conditions – et du calendrier – imposés à la Grèce.

Aujourd’hui, l’austérité présente aux yeux des financiers des attraits de court terme ; mais il n’est pas certain du tout que ces gardiens perçoivent avec netteté comment la Grèce pourra renouer avec la croissance, quand pour l’heure elle connaît une récession plutôt brutale. Outre le freinage de l’économie induit par ces énormes compressions budgétaires menées dans le but de maintenir à tout prix l’appartenance de la Grèce à la zone euro, les caractéristiques mêmes de l’euro tiennent les biens et services grecs à des prix élevés et souvent non compétitifs sur les marchés internationaux.

C’est pour moi une piètre consolation de rappeler que j’étais fermement opposé à l’euro, tout en étant très favorable à l’unité européenne pour les raisons qu’Altiero Spinelli avait soulignées avec tant de force. Mon inquiétude venait notamment du fait que chaque pays renonçait ainsi à décider librement de sa politique monétaire et des réévaluations des taux de change, toutes choses qui, par le passé, ont été d’un grand secours pour les pays en difficulté. Cela permettait de ne pas déstabiliser excessivement le quotidien des populations au nom d’une volonté acharnée de stabilisation des marchés financiers. Certes on peut renoncer à l’indépendance monétaire, mais quand il y a par ailleurs intégration politique et budgétaire, comme c’est le cas pour les Etats américains.

La formidable idée d’une Europe unie et démocratique a changé au fil du temps et l’on a fait passer au second plan la politique démocratique pour promouvoir une fidélité absolue à un programme d’intégration financière incohérente. Repenser la zone euro soulèverait de nombreux problèmes, mais les questions épineuses méritent d’être intelligemment discutées (l’Europe doit s’engager démocratiquement à le faire) en prenant en compte de façon réaliste et concrète le contexte différent propre à chaque pays.

Dériver au gré des vents financiers que souffle une pensée économique obtuse et entachée de graves lacunes, souvent proférée par des agences affichant de piteux résultats en termes d’anticipation et de diagnostic, est bien la dernière chose dont l’Europe ait besoin.

Il faut enrayer la marginalisation de la tradition démocratique européenne : c’est une nécessité impérieuse. On ne l’exagérera jamais assez.

Traduit de l’anglais par Julie Marcot

Economiste. Né en 1933 en Inde, professeur à Harvard, il a été le premier universitaire asiatique à diriger un des collèges de Cambridge. Il a reçu le prix Nobel d’économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, les mécanismes de la pauvreté et la démocratie comme « raisonnement public ». Président honoraire d’Oxfam, il a récemment publié « L’Idée de justice » (Flammarion, 2010)

Amartya Sen

Une « dialectique implacable »

Dans un article qui fait corps avec les propos d’une droite volubile, généralement plus agitatrice qu’analytique, Denise Bombardier, dans Le Devoir du 4 juin dernier, répand son fiel et exprime tout son dégoût envers Amir Khadir et les citoyens du Plateau Mont-Royal qui l’ont élu comme représentant de Québec Solidaire à l’Assemblée nationale. À travers un amalgame de propos qui tiennent plus de la formule et du slogan que d’une analyse rigoureuse, Mme Bombardier révèle en fait à quel point l’establishment politique et intellectuel qui a bien souvent tenu le haut du pavé sur la scène médiatique avec ses analyses en surface, peut être déstabilisé par l’apparition d’une nouvelle conscience politique et sociale qui voit le jour au Québec et que représente bien le député de Québec solidaire à l’Assemblée nationale.

Ce faisant, Denise Bombardier reconnait néanmoins de grandes qualités chez Amir Khadir, dont ce qu’elle appelle, une « dialectique implacable ». Dans quel sens Mme Bombardier utilise-t-elle le terme dialectique, je l’ignore. Mais c’est précisément d’absence de dialectique dont souffre le plus son article.

L’explosion provoquée par la crise de 2008-2009 brûle toujours alors que de nouvelles explosions nous attendent

Tout s’enchaîne et se déchaîne à une vitesse étourdissante. La crise économique de 2008-2009 a certainement contribué à éveiller les esprits sur la nature des rapports économiques qui ficellent la structure politique de notre époque. À l’ère des médias sociaux, cette crise a mis en évidence la collusion entre les gouvernements et les grandes puissances économiques et financières. Les conséquences de cette complicité ont rendu les populations plus vigilantes et plus sensibles. Devant les crises environnementales, les crises humanitaires, l’utilisation sauvage des ressources naturelles, les guerres pour le pétrole et la déshydratation de la nature qui s’accompagnent de la détérioration continue de leur niveau de vie, les populations s’expriment désormais en contestant ouvertement les institutions traditionnelles et leur manière d’agir. Aux lois du marché biaisées par une spéculation incontrôlable; à une crise de l’emploi à son comble, les solutions du libre-échange et des marchés communs qu’on nous ressasse depuis plus de quarante ans n’ont pas tenu leurs promesses, bien au contraire.

L’impact direct de l’Union européenne sur la production et les exportations agricoles du Portugal et de la Grèce en est un exemple frappant. Elle aura contribué à faire de ces deux pays des quêteux du FMI. Refusant de voir la réalité en face, les idéologues de droite font porter le blâme à nouveau sur les « dépenses exorbitantes » de ces États. Et l’aide apportée par le FMI va toujours dans le même sens. Moins de règlementation, plus de libre marché. Les mêmes rengaines usées sur l’ « État providence » qui visent encore à faire porter le fardeau de la crise sur les populations locales.

Or il appert que le marché a ses limites. Même la spoliation des marchés étrangers ne peut plus répondre aux besoins des grandes puissances. Devant les soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte, Français et Américains, après de multiples tergiversations ont salué le vent de renouveau qui soufflait sur ces pays. Se croient-ils à l’abri dans leur propre pays alors que seules la fabrication et la surévaluation artificielle de la monnaie rendent leur faillite, pour le moment, théorique. En France comme aux États-Unis il est à prévoir des secousses économiques importantes à moyen terme. On ne peut prévoir l’étincelle qui secouera les masses. Elles se sont produites dans certains pays arabes. Elles sont aussi possibles en occident.

Les schémas politiques traditionnels s’effondrent

Au Canada, il est remarquable de constater à quel point les analystes furent pris de court devant les résultats électoraux du 2 mai dernier. Non pas tant par la majorité des députés conservateurs élus, malgré à peine plus de 40 % des voix, mais par l’effondrement des Libéraux à travers le pays et du Bloc québécois, au profit d’une députation historique du NPD au Québec.

La réalité ne se compose pas que de calculs stratégiques et de hasards. Encore moins de schémas calqués sur le passé. Au coeur de la politique, il y aura toujours les intérêts économiques des grandes classes sociales qui composent la société. Et c’est dans ce sens précisément que la crise de 2008-2009 ainsi que tous les bouleversements sociaux depuis, contribuent à modifier l’opinion publique.

La dernière élection fédérale est un bel exemple du vent qui tourne et de la mutation profonde qui s’empare de cette opinion. Une mutation qui résulte justement d’un questionnement fondamental : Dans quels intérêts s’opèrent les changements ? Quels intérêts desservent les solutions mises de l’avant ?

La question nationale

Qu’il s’agisse du processus de mondialisation ou qu’il s’agisse de la souveraineté du Québec, la question nationale n’échappe pas à cette profonde mutation. Dans les deux cas, les mêmes questions se posent : dans quels intérêts s’opèrent les changements ? Quels intérêts desservent les solutions mises de l’avant ?

Le néolibéralisme économique qui sous-tend le capitalisme sauvage et la restriction du rôle de l’État dans la société constitue l’essence idéologique et politique des intérêts nationaux défendus par les corporations et les grandes entreprises. Cette vision du monde se résume à l’idée que tout ce qui est bon pour l’entreprise privée est bon pour la nation. Plus l’entreprise sera puissante (ici, les mots entreprises et économie sont pratiquement deux synonymes), plus la nation sera forte. Dans cette perspective, la nation et l’entreprise privée ne font qu’un.

Or le terme nation n’est pas un terme abstrait, pas plus d’ailleurs que l’expression souveraineté nationale. Ce n’est pas innocemment d’ailleurs que l’ex-premier ministre et ex-chef du Parti québécois, Lucien Bouchard, ait tenté à la commission parlementaire sur la limitation des activités pétrolières et gazières, d’élever les grandes entreprises qu’il représentait, au rang de citoyens. A-t-il été « infidèle » envers le peuple québécois comme l’affirmait généreusement Amir Khadir ? Dans les faits, Lucien Bouchard n’aura toujours été fidèle qu’envers la grande entreprise. Ce qu’illustre particulièrement bien l’analyse de Jacques Gélinas sur la liquidation de la SOQUIP durant les années de pouvoir de Lucien Bouchard. D’aucuns parmi les partisans indéfectibles du Parti québécois ont souvent dénoncé Lucien Bouchard. Mais cette dénonciation visait essentiellement son idée de mettre l’option référendaire de côté pour laisser place à la nécessité de créer les « conditions gagnantes » avant la tenue d’un nouveau référendum sur la souveraineté. Il s’agit essentiellement du courant de pensée qui n’acceptait pas, avant Lucien Bouchard, l’approche « étapiste » de Claude Morin ou encore le « beau risque » de René Lévesque. Une opposition représentée principalement, dans la direction du Parti québécois par Jacques Parizeau. Ce qui n’a pas empêché ce dernier d’être un grand défenseur du déficit zéro et du libre-échange tout comme Bernard Landry après Lucien Bouchard.

Prétendre placer la question nationale au dessus des intérêts économiques c’est une manière de cacher les intérêts économiques sous le couvercle de la question nationale.

Pour les progressistes, la question nationale ne peut qu’être soumise aux intérêts des travailleurs et de la population en général. Ce n’est que dans cette perspective qu’on pourra alors se poser la question : « qui est le plus en mesure de défendre la souveraineté » ou encore : « de quelle souveraineté » parle-t-on. Celle pour les grandes entreprises et les puissances financières ou celle du peuple québécois.

Le projet de loi 204 à l’Assemblée nationale

Même si le président de la Banque centrale européenne affirmait ces jours-ci à Montréal que le Canada avait su éviter les graves manifestations de la crise économique et financière, il faudrait être naïf, voire complètement aveugle, pour ignorer que cette crise a eu des répercussions non négligeables au pays. Les milliards de dollars versés à l’industrie automobile et aux banques auront contribué à hérisser l’épiderme de la population face aux revenus faramineux des dirigeants d’entreprise et aux comportements sans scrupules des spéculateurs financiers.

Plus rien n’échappe à l’opinion publique et au citoyen, qu’on dit être devenu cynique face à la politique et à la chose publique en général, mais qui n’est pas dupe que la démocratie, elle non plus, n’est pas un terme abstrait. Outre les magouilles et l’arbitraire, les exemptions fiscales et un système de taxation inéquitable, les « démocraties » se protègent dans un système électoral non représentatif ainsi que dans un système judiciaire qui favorise en grande partie le droit individuel des entreprises au droit collectif. Sans compter la corruption tolérée qui déborde largement le cadre du pot-de-vin payé à un élu. Comme c’est le cas du petit entrepreneur qui doit remettre 20 % de ses revenus à un marchandeur pour obtenir un contrat substantiel d’une grande entreprise. Comme c’est le cas des entreprises qui se concertent lorsqu’une soumission publique est lancée. Lorsqu’un syndicat et une entreprise s’entendent pour que cette dernière décroche le gros contrat et favorise ainsi ce syndicat.

C’est ce genre de corruption précisément qui fait tant de bruit au Québec depuis près de deux ans et qui a provoqué une demande générale au gouvernement Charest pour qu’il tienne une enquête publique sur l’industrie de la construction et les agissements des municipalités, petites et grandes.

Deux ans que cela aura pris pour créer un des plus larges consensus jamais obtenu au Québec, incluant même la Fédération des travailleurs du Québec. Un consensus qui a complètement isolé le gouvernement Charest et qui révèle encore une fois l’indignation de la population et une grande détermination à mettre un terme à ce climat politique malsain en réclamant transparence et justice.

Et voilà que le Parti québécois, qui avait fait son cheval de bataille avec cet enjeu, vient nous « surprendre » en appuyant un projet de loi privé d’un membre de son caucus, Agnès Maltais, dans le but de mettre à l’abri de toute poursuite judiciaire, une entente entre le Maire de la ville de Québec, Régis Labeaume et Québécor Media (l’une des plus importantes entreprises québécoises avec un chiffre d’affaires de 10 milliards de dollars), dans la gestion d’une éventuelle et encore très hypothétique équipe de hockey de la Ligne nationale. Nonobstant les détails de cette entente et du projet de loi, le principe soutenu ici par le PQ s’attaque directement au droit constitutionnel du citoyen. Et, sans la persévérance et l’habilité du seul député de Québec solidaire à l’Assemblée nationale, Amir Khadir, ce projet de loi qui sera remanié et représenté devant l’Assemblée nationale l’automne prochain, serait possiblement adopté, dans sa version originale.

Amir Khadir a démontré qu’il y avait une autre façon de défendre les intérêts nationaux des Québécois que celle du PQ. Lorsque les intérêts économiques défendus par le Parti québécois sont mis à nue, on réalise qu’il n’y a pratiquement plus différence entre le PQ et le PLQ.

Du jamais vu au Québec

Les choses commencent à avoir de l’importance, lorsqu’on réalise que pour la première fois sans doute dans l’histoire du Québec, l’opinion publique, celle qui manifeste son raz le bol de la corruption et de l’appropriation de l’État par les entreprises, a un véritable porte-parole à l’Assemblée nationale. Déjà en 2010 les sondages plaçaient Amir Khadir comme le politicien le plus populaire au Québec, ce qui faisait dire à Patrick Lagacé qu’il était devenu le poil à gratter de l’Assemblée nationale.

Pour la première fois, un représentant de la gauche, non seulement est pris au sérieux, mais fait la une des grands médias. Depuis un mois, l’immense couverture de presse réservée à Amir Khadir, laisse sur la touche Pauline Marois et Jean Charest. Certains journalistes lui vouent toute leur admiration, nommons-les : Lise Payette du Devoir, Patrick Lagacé et Pierre Foglia de La Presse.

Qui aurait cru que Québec solidaire aurait autant de poids à l’Assemblée nationale du Québec. Même la tentative de contourner le droit de véto du député de Québec solidaire en incluant le projet de loi 204 dans la loi Omnibus a échoué. Signe de la justesse de la lutte menée par Khadir, quatre députés parmi les plus en vue du Parti québécois, ont démissionné avec fracas et s’apprêtaient à voter avec lui contre le projet de loi 204 puisque la direction de leur parti leur imposait la ligne de parti en cas de vote.

Malgré tout et sans rien enlever au charisme, à la personnalité et à l’intelligence politique du seul représentant de Québec solidaire à l’Assemblée nationale, force est de reconnaître que ce ne sont pas les seules raisons de ce succès politique. Québec solidaire fait écho à l’opinion publique et aux sentiments de la population à l’intérieur de l’enceinte parlementaire. Les Québécois commencent à reconnaître que la véritable souveraineté nationale n’est pas celle des entreprises et des grandes corporations. Ils savent de plus en plus reconnaître ceux qui défendent leurs véritables intérêts économiques. D’où les résultats d’un sondage CROP-La Presse paru ce matin qui révèle une perte de 5 points pour le Parti Québécois, une stagnation pour les Libéraux et l’ADQ mais une hausse de 12 à 17% pour Québec solidaire.

Comment évoluera ce sentiment, reste à voir. Mais il y a une dialectique implacable qui lie ce sentiment aujourd’hui, autant à l’élection des députés néo-démocrates lors des dernières élections fédérales qu’à la popularité dont jouit Amir Khadir. Une dialectique qui, de toute évidence, dépasse la compréhension de Mme Bombardier.

Les amis du maire…

Le Mouvement laique québécois a rendu publique une série de lettres qu’il a reçues suite au jugement de la Cours contre la poursuite de la prière aux séances du Conseil municipal de la ville de Saguenay. Le contenu et le ton de ces lettres témoignent du type de soutien que reçoit le maire Tremblay.

Une élection historique ?

(Lire le post-scriptum à la fin de l’article)


À la lumière des derniers sondages nous sommes en droit de nous demander si nous ne nous dirigeons pas vers une élection historique le 2 mai prochain. Pour la première fois au Canada un parti social-démocrate, le NPD, pourrait devenir le premier parti de l’opposition devant le Parti libéral du Canada, mettant ainsi un terme à la domination de la scène politique fédérale par les deux principaux partis de l’establishment, Conservateurs et Libéraux.

Après le scandale des commandites, l’establishment libéral avait jeté son dévolu sur Michael Igniatieff afin d’atténuer l’opposition contre les politiques néo-libérales de ses prédécesseurs (poursuivies par Stephen Harper et le Parti conservateur) que représentait une possible coalition défendue par Stéphane Dion ainsi qu’une fraction du Parti libéral et le NPD.

Alors qu’à l’époque Michael Ignatieff avait joué un tour de passe-passe à Bob Rae le délogeant de la candidature à la chefferie libérale sous prétexte qu’il serait un meilleur chef de coalition que Stépane Dion, c’est plutôt le Michael Ignatieff éteignoir qui s’est retrouvé à la tête du Parti libéral. Normal pour l’establishement libéral qui ne se distingue pas vraiment des Conservateurs. Sauf que cette fois c’est Stephen Harper qui a joué un tour de passe-passe à Michael Ignatieff amenant ce dernier d’entrée de jeu en campagne électorale, à dénoncer toute velléité de coalition. Il voulait neutraliser Ignatieff dans l’éventualité d’un nouveau gouvernement conservateur minoritaire.

Or ce que les sondages illustrent, c’est que l’idée d’une coalition pour bloquer le virage à droite dans lequel les Conservateurs enlisent le Canada, n’est pas morte dans l’opinion publique canadienne. À la différence cette fois que l’électorat sait pertinemment qu’il ne peut pas compter sur Michael Ignatieff pour mener cette coalition à terme.

Cette tendance pourrait s’accroitre rapidement à l’approche du scrutin et affecter directement les intentions de vote pour les Conservateurs. Des électeurs incrédules face à la possibilité d’un véritable changement le 2 mai étaient sur le point de se laisser séduire par l’idée que seul un gouvernement conservateur majoritaire pourrait changer la situation au pays. Ceux-là pourraient maintenant se tourner vers le NPD.

Si le NPD arrivait second devant les Libéraux de Michael Ignatieff on pourrait s’attendre au remplacement de ce dernier à plus ou moins court terme à la tête du Parti libéral. Ce qui rendra possible la formation d’une coalition avec le NPD et le Parti libéral. Cette coalition serait plus sensible au Québec afin de s’assurer de l’appui des bloquistes.


Post scriptum de l’auteur :

Écrit quelques jours avant les élections, je n’avais pas anticipé dans cet article, pas plus d’ailleurs que les analystes et les média en général, la possibilité aussi concrète de l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire le 2 mai dernier. Le système électoral canadien ne permet pas d’indiquer adéquatement comment vont se traduire en termes de députation, les pourcentages de votes estimés pour les différents partis. De plus, il s’avère évident que la campagne anti-coalition de Stephen Harper, appuyé en quelque sorte par un Michael Ignatieff incapable d’impulser un quelconque leadership au Parti libéral, aura été décisive au Canada anglais.
Néanmoins, outre les différentes interprétations qu’on donnera des élections du 2 mai dernier, on ne pourra nier que le Québec s’est tenu la tête haute devant le vent conservateur qui vient de refroidir le pays.

Pierre Rochette à Sainte-Agathe

Deux jeunes cinéastes, Véronique Leduc et Geneviève Vézina-Montplaisir, qui ont suivi le parcours de Pierre Rochette depuis les deux dernières années présenteront le documentaire : « Mon ami Pierrot, le dernier homme libre » au Patriote de Sainte-Agathe Samedi le 30 octobre à 20h00.

Pour plus d’info.

Québec athée

Québec athée par Claude Braun :

Il est commun d’entendre un croyant affirmer qu’il appartient aux athées de démontrer l’inexistence de Dieu. Une forme de pensée unique qui prend son point de départ dans cette idée que Dieu est omniprésent mais aussi que les athées sont soient marginaux ou mieux, n’existent tout simplement pas.

À l’heure où le cours d’éthique et de culture religieuse interdit toute véritable critique du rôle de la religion à travers les siècles et fait le silence complet sur l’athéisme, l’ouvrage de Claude Braun est particulièrement éclairant.

À lire… pour ne pas avoir mauvaise conscience.

Le rendez-vous des médias citoyens – 2e édition

Lundi 23 août 2010

Le Rendez-vous des médias citoyens est de retour pour une deuxième édition. A l’ère où les médias de masse sont de plus en plus fragiles (revenus publicitaires en déclin, crise financière, révolution numérique, fragmentation des auditoires, etc.), les médias citoyens ont une chance inouïe d’occuper davantage la sphère publique, particulièrement grâce aux réseaux sociaux et à la démocratisation des moyens de production.

Plus d’infos ici

Le cynisme en politique ! Rien à voir.

Réunis en congrès le 14 août dernier, les Jeunes libéraux ont été encensés pour leurs efforts visant à « contrer le cynisme » envers l’État et les politiciens. Ils ont en fait proposé une série de mesures visant à civiliser les débats à l’Assemblée nationale, notamment en suggérant que les questions de l’opposition soient présentées 12 heures à l’avance.

Si le débat des Jeunes Libéraux fut bien accueilli, notamment par le premier ministre Jean Charest qui a fait son mea culpa durant les délibérations, puis indirectement par la chef de l’opposition péquiste, Pauline Marois qui a fait de même le lendemain, c’est peut-être en fait parce que la question ne les concernait pas vraiment. En réalité, c’est l’électorat qui est accusé ici d’être cynique envers la chose publique et non les politiciens. Ce qui rend les voeux pieux des Jeunes libéraux on ne peut plus paternalistes. S’est-on demandé une seule fois si le cynisme ne venait pas plutôt des politiciens eux-mêmes lorsqu’ils sont à court d’arguments pour justifier l’injustifiable. Des politiques, voire un État, dont les visées néo-libérales n’ont plus rien à voir depuis longtemps avec les intérêts profonds de la population.

Il faut en effet une bonne dose de cynisme pour que les dirigeants libéraux et péquistes soutiennent, sans rire, qu’ils ne sont pas impliqués dans le financement illégal de leur parti lorsqu’ils acceptent des fonds en provenance d’entreprises qui utilisent des prête-noms de leurs employés pour en « masquer l’origine » au DGE (Directeur général des élections).

N’eût été la performance exemplaire du député Amir Khadir qui a mis au jour les largesses de l’État aux entreprises minières, le scandale des pharmaceutiques et le financement illégal des partis de « l’Establishment », ces questions n’auraient sans doute pas surgi au Parlement.

Ce que les Jeunes libéraux appellent ‘le cynisme de la population’ n’est en fait qu’une saine attitude envers le cynisme des politiciens. C’est le début d’une prise de conscience qui, il faut espérer, se matérialisera un jour en portant au pouvoir un parti politique apte non seulement à changer les attitudes et les apparats à l’Assemblée nationale, mais la nature même de cette dernière. Une Assemblée où le qualificatif ‘nationale’ ne sera plus synonyme de la ‘grande entreprise et du capital’.