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Claude Demers

l'auteur de ce blogue. Retraité et professeur d'échecs à temps partiel.

Le voyeur

Rachel vient tout juste d’aménager dans son nouveau condo. Celui-ci fait dos au fleuve et la façade donne sur les apparts de la rue Saint-Paul. Ces apparts ont conservé le chic que leur avaient donné les notables du siècle dernier. Le milieu est habité par une population plutôt affairiste. De jeunes milléniaux fortunés, professionnels, avocats, comptables, des étudiants issus de familles riches et des entrepreneurs en nouvelles technologies. Dans l’ensemble on y retrouve surtout des célibataires. Le quartier serré, les petites rues sinueuses, les trottoirs collés sur les portes d’entrée, ne favorisent pas vraiment le climat familiale. Pas d’école ni clinique médicale. Ce qui n’allait pas déranger notre horticultrice-conseillère pour autant. Elle avait déjà commandé deux immenses bacs à fleurs qu’elle envisageait orner de géraniums rouges et de pétunias blancs pour son balcon de la rue Saint-Paul qui faisait un bon cinq mètres de long. Le balcon d’un côté et les miroirs de l’autre donnaient à la chambre de Rachel une impression d’immensitude qui ajoutait au contraste entre la modernité et l’époque ancienne du Vieux-Montréal. Ce qui avait tant ébloui Rachel lors de sa toute première visite du condo. Les rues étroites et les appartements rapprochés les uns des autres donnaient un cachet particulier au voisinage. C’est bien ce qui l’avait motivé à prendre une décision rapide comme lui conseillait son agent. Il faut dire que le condo était tout ce qu’il y avait de plus récent et pratique. À deux pas du métro, garage au sous-sol, ascenseur donnant directement sur le salon, fenêtres surdimensionnées, balcon arrière isolé des voisins, tout l’avait conquise sur le champs. Sans compter qu’il ne lui fallut qu’une toute petite partie de son héritage pour en faire l’acquisition.

Rachel n’avait pas fait de changements dans les pièces. Sauf pour sa chambre dont elle avait tapissé tout le mur du fond de grands miroirs. Même la porte de la salle de bain sur la gauche du mur était recouverte d’un miroir. Avec les deux immenses plafonniers en verre de la chambre, on se serait cru à Versailles.

Rachel était belle et les hommes ne l’effrayaient pas. En fait, c’était plutôt elle qui les intimidait par sa grandeur et son assurance. Les robes moulantes qui le garnissaient faisaient de son walk-in une sorte de musée prêt à prendre vie sur son corps ondulé et longiligne. Au petit matin, côté fleuve, Rachel admirait le lever de soleil éblouissant tout en prenant son café et son croissant à la pâte d’amande. Tandis que le soir venu, côté nord, le coucher de soleil venait la bercer de ses couleurs chaudes et caramélisantes. Personne sur le côté sud de la rue Saint-Paul ne fermait les rideaux devant cette peinture naturelle qui donnait aux bâtiments une teinte charlevoisienne. Après ses journées de magasinage, Rachel essayait ses robes devant les longs miroirs de sa chambre. En se cachant timidement derrière la ville, le soleil donnait alors une couleur de vacances à la peau de Rachel. Une peau si resplendissante  et un corps si sensuel, qu’on croirait que c’était Rachel qui faisait rougir le soleil.

S’était-elle demandée si on pouvait l’observer des deux fenêtres qui reluquaient sa chambre juste en face ? Au fond, Rachel s’en foutait un peu.  Ce n’était pas son problème. Elle savait garder une distance raisonnable de la fenêtre ne passant en petites tenues que de la salle de bain au miroir, de l’autre côté du lit. Même si l’idée d’attirer l’attention du beau julien lui passa plus d’une fois dans la tête.

Était-ce une coïncidence ou non, toujours est-il qu’il prenait son café assis au comptoir de la pâtisserie lorsqu’elle y vint chercher ses croissants lundi matin.

–    Bonjour Julien ! Vous allez bien ?

–    On se connaît ?

–    Non. Pas vraiment. J’aime ça taquiner les gens. Je suis votre nouvelle voisine d’en face. L’autre jour quand votre copine vous a ramené en auto, je l’ai entendue dire « N’oublies pas de m’appeler après ton petit déj mon beau Julien d’amour »

–    Oh je vois. Ça a l’air joli chez vous. En tout cas de ce que je peux en voir de chez moi.

–    Au revoir Julien et bonne journée. On aura sûrement l’occasion de faire davantage connaissance.

Rachel mis le pied sur le trottoir avec un large sourire sur les lèvres. Décidément Julien lui plaisait.

Le soir venu, Rachel fit sa toilette dans la salle de bain et mit sa nuisette turquoise avant de s’asseoir sur le lit et dévorer les péripéties de Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander. Mais soudain elle crut apercevoir un ombrage bouger à la fenêtre d’en face. Levant les yeux, elle remarqua que la lumière s’éteignit lentement et que les rideaux étaient restés légèrement entrouverts. Dans sa tête, Rachel revit sa rencontre furtive du matin avec Julien. Elle sourit. Sa chambre était sombre. Seul l’éclairage d’appoint sur son livre laissait entrevoir ses jambes repliées sur le lit.

Rachel eut soudain une envie très forte d’aller se crémer le corps avec son « Jour et Nuit » à l’huile d’Argan. Ce qu’elle fit sans pudeur sous le vif éclairage de la salle de bain. Laissant la  porte grande ouverte, elle enleva sa nuisette, mit le pot sous son nez pour en respirer la délicate odeur de noisette. Puis doucement elle fit glisser ses doigts sur son front, sur ses joues, sur le cou. Rachel, visible de côté seulement, bombait son buste et dévoilait ses seins à chaque respiration. Elle éprouvait une telle ivresse qu’elle en oubliait pratiquement son fantasme qui l’observait silencieusement dans le noir quasi total.

Cette fois Rachel retourna sur son lit sans remettre sa nuisette. Elle déplaça légèrement l’éclairage de sorte qu’on puisse voir ses mains glisser entre ses deux cuisses, face à la fenêtre. Ses soupirs ne traversaient pas la rue mais les étirements de son cou, le gonflement de ses seins, le mouvement de ses jambes étaient tels que personne n’aurait pu en détourner le regard. Elle n’avait qu’une idée en tête, faire l’amour à Julien. Elle avait la certitude que cela ne tarderait pas. Il ne pourrait résister à sa beauté ni a son audace. Puis elle opta pour le grand jeu, laissant allumé l’éclairage tamisé de sa chambre. Elle s’y promena toute nue, tantôt se crémant devant le miroir. Tantôt se déplaçant près de la fenêtre pour y ajuster un cadre. Tantôt portant son regard directement vers celui qui la regardait, mêlant désir et provocation.

Cette fois l’ombrage dans la fenêtre d’en face se fit plus visible. Rachel savait qu’elle tenait Julien. C’est alors qu’une voiture apparu sur la rue Saint-Paul, juste en face du condo. Un couple en sortit. La fenêtre entre-ouverte, Rachel entendit : « N’oublies pas de m’appeler après ton petit déj mon beau Julien d’amour ».

Coup de foudre

Jean-Luc attendait patiemment à la caisse. Devant lui, Maryse qui venait de déposer sur le tapis roulant un immense bouquet de roses.

– Quelle chance il a lui de recevoir un tel bouquet.

– Ce n’est pas lui. C’est elle. Et elle c’est moi. C’est mon anniversaire aujourd’hui et j’ai décidé de me faire plaisir. Souper en toute intimité avec moi-même.

– Oh ! Quelle bonne idée.

répondit Jean-Luc. Puis s’adressant à la caissière

– Mme, svp. Auriez-vous l’obligeance de porter ces fleurs sur ma facture ?

– Oh wow !

dit Maryse confuse et sentant ses joues devenir toutes rouges.

– Mais, vous êtes sérieux là ?

– Bonne fête madame. Je suis sûr que vous les méritez bien ces fleurs.

– Vous ne me connaissez même pas

dit Maryse.

– Oh madame, ne vous plaignez pas. J’aimerais bien que cela m’arrive à moi.

dit la caissière, témoin malgré elle d’une extraordinaire rencontre.

– Je ne me plains pas. Je ne sais tout simplement pas quoi dire ni quoi offrir en échange.

– C’est gratuit madame. Votre beau sourire me suffit.

– Attendez un peu…

Maryse fouilla au fond de son sac à main et remis sa carte d’affaire à Jean-Luc. Maryse était décoratrice à son compte.

Jean-Luc fit de même.

– Avocat chez Tessier-Gravel. C’est quand même pas rien.

Maryse réalisait tout à coup que Jean-Luc était tout à fait le genre d’homme dont elle avait toujours rêvé. Beau, spontané, fonceur et tellement gentleman.

– Vous allez me trouver folle mais je vous invite à venir partager mon repas. C’est tout simple mais ce sera certainement plus agréable à deux. 

Ils se regardaient déjà avec une certaine intensité.

– J’habite tout près.

– Alors Maryse, ce sera du rouge ou du blanc ?

– Du rouge, Jean-Luc. Mais j’offre le vin. Vous m’avez déjà donné les fleurs.

– Vous savez, ce n’était pas mon intention. Mais je suis libre et ce sera certainement une belle soirée.

Maryse et Jean-Luc se dirigèrent chacun de leur côté le coeur battant et certains tous les deux que quelque chose de spécial allait se passer.

Il suffit de quelques minutes à Jean-Luc pour se rendre chez Maryse.

– C’est beau chez-vous dites-donc.

– C’est mon métier vous savez. Oh mais vous êtes tout trempé.

– Oui le temps tourne au vinaigre. Mais je vois que vous n’êtes pas que décoratrice d’intérieur. Vous vous décorez aussi très bien dit Jean-Luc avec un léger sourire et un regard indiscret sur le décolleté invitant de Maryse.

– Difficile de penser qu’aucun homme n’était là pour vous offrir ces fleurs.

– Vous avez le don de me faire rougir. Voici un canapé, ce n’est pas grand-chose mais c’était pour moi toute seule. Quoique au fond, vous savez bien que je vous attendais.

répondit Maryse avec un air coquin.

Puis, jetant à son tour un regard coupable de haut en bas sur Jean-Luc, Maryse ajouta

– Vous êtes bel homme vous savez. J’aurais envie de vous demander si vous vivez seul ?

Pourquoi ne me le demandez-vous pas ?

– Parce que si je vous laisse comprendre que vous me plaisez… Ah et puis merde, oui vous me plaisez énormément. Je trouve tout simplement craquant…

Maryse s’était rapprochée du périmètre d’intimité de Jean-Luc qui, comprenant que son désir rencontrait celui de Maryse, posa tendrement la main sur sa joue.

– Et si nous prenions les canapés après…

Ils s’embrassèrent alors comme deux ados avec une envie irrépressible de faire l’amour. Maryse déboutonna la chemise de Jean-Luc et celui-ci ouvrit son corsage. Elle posa sa main sur son membre durci tandis que Jean-Luc lui caressa les seins et l’embrassa sauvagement tout en relevant sa jupe pour en saisir les fesses  et enlever sa petite culotte. Jamais ni Maryse, ni Jean-Luc n’avait éprouvé un tel désir. Il ne pensait qu’à la pénétrer au plus profond d’elle-même et elle ne pensait qu’à se faire défoncer jusqu’à l’orgasme divin.

Alors qu’à l’extérieur le temps tournait à l’orage, le vent emportait les volets qui battaient sur le cadre de la fenêtre ouverte au rythme de leurs ébats amoureux.

La pluie pénétrait dans la chambre et mouillait leur peau,  rendant leurs violentes et incessantes caresses toujours plus sensuelles et délirantes.

Maryse ouvrit les jambes et implora Jean-Luc :

– Baise-moi. Défonce-moi. Fais-moi jouir… Oui, oui, oui… je vais venir…

Et Maryse vint. Tout comme la foudre qui frappa à ce moment précis le montant du lit en acier dont Maryse tenait fermement les barreaux avec ses deux mains crispées à jamais.

Marie


Marie se dirige vers la rivière
Un air doux et enveloppant secoue légèrement sa jaquette
Jeune femme et encore enfant tout juste hier
Marie vit son premier matin d’été à la campagne
Ses parents dorment tranquilles
Personne autour
Aucun son autre que celui de l’eau sur les roches
Et celui du feuillage dans le bois
Marie étire les bras, prend de grandes respirations
Elle promène son regard
Sur un paysage solitaire et idyllique
Elle voudrait être vue, qu’on sente son bien-être
Marie s’étend sur le rocher
Elle ferme les yeux
Une voix aussi douce que dans un rêve lui dit
– C’est donc vous la belle Marie
Elle ouvre les yeux tranquillement, sans sursaut
Comme si elle attendait cette visite impromptue
Comme si elle la désirait
– Et c’est vous le beau Jean dont on m’a tant parlé
– Vous permettez que je m’assoie ?
Jean s’assoit sans attendre la réponse
Légèrement penché vers Marie
Sa chemise blanche déboutonnée
Lâche sur son jean bleu
– Quelle injustice ! Une telle beauté
– Pourquoi une injustice ?
Répond Marie sans détourner son regard
Fixé droit devant elle, vers le ciel
Un long silence s’installe…
Puis de ses doigts délicats Jean fait glisser la bretelle de la jaquette par-dessus l’épaule de Marie
Qui ne réagit que par une profonde respiration
Deux doigts de Jean rabaissent doucement la jaquette de Marie glissant délicatement sur son sein
Jusqu’à sa poitrine impuissante à cacher son bien-être
Il se penche un peu plus
Et pose ses lèvres chaudes
Sur le bout du sein mou et dur de Marie


La classe

À gauche de vieux tableaux verts
Sur lesquels pendent de longues affiches
Sur les affiches des nombres
Et leurs décompositions
Sur d’autres affiches
Des verbes, des conjugaisons
Puis des consignes de bienséance
Des notes pour l’agenda
Tous les murs sont tapissés
De dessins et de mille fantaisies
Sous le plafond des cordons
Sur lesquels sont suspendues
Des toiles fraîches et naïves
De toutes les couleurs
Devant la classe la prof
Et devant la prof des enfants
Aux joues rouges
Avec les yeux qui brillent
Parmi ces enfants
Fatima toute vêtue de rose et de bleue
Qui ne se doute pas que ce soir
Avant d’aller au lit avec sa doudou
Elle apprendra que plus jamais
Elle ne reverra Ahmed
Son petit frère
Dont le départ d’Irak
Avait été retardé.

Quelle hypocrisie

Quelle hypocrisie !
 
Trudeau se dit très déçu de la décision de General Motors de fermer son usine d’Oshawa en décembre 2019. Son gouvernement et celui de Ford en Ontario vont « faire » tout ce qu’ils peuvent pour venir en aide aux travailleurs affectés par cette décision. Quelle compassion de la part de fervents partisans du Libre-échange, Trudeau en particulier, qui vient de faire des pieds et des mains pour renouveler cet accord avec les États-Unis et le Mexique en sacrifiant encore un peu plus les intérêts nationaux du pays.
 
Le problème avec le libre-échange, ce n’est pas qu’il favorise tel ou tel pays par rapport à un autre. C’est qu’il favorise les grandes multinationales par rapport à quelque pays que ce soit. Qu’il s’agisse de la concentration de la production ou au contraire de la délocalisation vers des pays qui produisent à rabais, dans tous les cas les décisions seront prises en fonction des meilleurs intérêts de ces grandes entreprises sans égard à l’impact sur les travailleurs. Le seul lien avec les pays et leur gouvernement n’existe que lorsque vient le temps de donner des subventions ou d’accorder des prêts de plusieurs milliards de dollars qui risquent de n’être jamais remboursés, comme ce fut le cas pour soi-disant sortir de la crise financières de 2008-2010. Ce lien prend la forme d’une autorité supra-nationale, non élue et dont les discussions se font à huis-clos mais qui dicte sa vision aux gouvernements élus dont on siphonne à tous les jours un peu plus, les pouvoirs réels.
 
La première victime du libre-échange au Canada, à l’époque même initiale de l’Alena, ce fut le Pacte de l’automobile qui garantissait en échange à leur accès au marché canadien que les grandes compagnies de l’automobile effectuent leur production au Canada. Selon Wikipedia le Pacte de l’auto a fait passé le pourcentage de voitures fabriquées au Canada et vendues aux États-Unis de 7 à 60% entre 1964 et 1968 seulement. L’OMC a dénoncé le pacte de l’auto jugé incompatible avec les nouvelles règles naissantes du commerce.
Plus récemment, Trump exigeait que la question de la production automobile soit au coeur de la nouvelle entente sur le libre-échange négociée il y a à peine quelques mois. À ce propos, Radio-Canada rapportait, le 30 septembre dernier, que « Du côté de l’industrie automobile, où plane aussi la menace de l’article 232, des plafonds seraient imposés (dans le nouvel Accord) sur les exportations de voitures et de composantes en provenance du Canada ».
 
Qu’on nous rabâche aujourd’hui que la décision de GM ait été motivée par une quelconque réorientation vers la production de véhicules électriques n’a rien à voir ici. Véhicules électriques ou pas, avec le Pacte de l’automobile une telle réorientation se serait aussi effectuée dans le cadre d’une production canadienne.
 
 
 

Quel changement ?

Un vote pour le changement, vraiment?

On prétend que les Québécois ont choisi le changement en votant pour la Coalition Avenir Québec lors des élections québécoises du 1er octobre 2018. Rien n’est plus faux. Le changement eut été de voter contre le néolibéralisme et les politiques de coupures et de privatisation. C’est au contraire la peur du changement qui a motivé le vote en faveur de la CAQ. En aucun cas la CAQ a marqué l’histoire comme l’affirmait François Legault dans son discours de victoire électorale. Et cette victoire ne risque pas d’inquiéter l’establishment qui contrôle vraiment le pouvoir, bien au contraire.

Les politiques néolibérales du Parti québécois, de coupures et de déficit zéro, avaient déjà déroulé le tapis aux Libéraux qui se présentaient aussi sous la cap du changement à l’époque. Ça use de prétendre au changement avec des politiques encore plus conservatrices et néolibérales que son prédécesseur et dont les résultats sont toujours les mêmes, aggravant le sort des travailleurs, des couches populaires et des plus démunis et accroissant le mécontentement. C’est ce qui a fait élire la CAQ hier qui se présentait elle aussi sous l’étiquette du changement avec des politiques encore plus dangereuses et plus sournoises que ses deux prédécesseurs.

La peur du changement et de l’inconnu est sans doute la plus grande force de résistance qui nourrit le conservatisme. Mais cette résistance elle aussi a ses limites. Et Manon Massé avait tout à fait raison d’affirmer dans son discours télévisé que la victoire des 10 élus de QS c’était avant tout la victoire de l’espoir. La prise de conscience que le vrai changement est possible malgré tout. Malgré les attaques massives. Malgré les chasses aux sorcières. Malgré les étiquettes de toutes sortes.

Sans le souhaiter on peut s’attendre qu’après avoir voter la CAQ ce soit toute une claque que les Québécois vont recevoir. Sans compter les échecs de plusieurs des politiques irréalisables de François Legault. Sans compter les sursauts du mouvement populaire à la moindre crise imprévisible. Voilà de quoi inquiéter véritablement l’establishment maintenant qu’on a fait le tour de toutes ses alternatives de façade.

Et la souveraineté dans tout ça

De même qu’il y a changement et changement, il y a souveraineté et souveraineté. Jean-François Lisée (et tous les nationalistes) pour qui la souveraineté est un idéal, voire une idéologie, au point de lui faire dire à Tout le monde en parle lors des élections précédentes qu’il préférait un Québec indépendant de droite à un Québec de gauche à l’intérieur du Canada, présentait le PQ comme le seul véritable parti souverainiste du Québec.

Les nationalistes du PQ ont peut être raison d’affirmer qu’un Québec de gauche est impossible à l’intérieur du Canada. Mais QS pour qui la souveraineté apparaît davantage comme un moyen de contrer les politiques néolibérales, qu’un objectif en soi, la souveraineté doit passer par la mise en place d’une Assemblée constituante. Cette assemblée ayant la tâche d’élaborer le contenu économique et sociale d’une éventuelle Constitution québécoise autour de laquelle il sera possible de mobiliser la population. Une assemblée constituante a la tâche de déterminer, en d’autres mots, pour qui la souveraineté.

La question

La question est de savoir si Québec solidaire, qui a fait alliance avec Option nationale, saura défendre et faire valoir cette proposition d’une Assemblée constituante. On en a peu ou pas entendu parler durant la campagne électorale. Québec solidaire a cette tendance facheuse à mettre davantage de l’avant les diverses causes sociétales plutôt que les problèmes sociaux fondamentaux. Saura-t-il garder le cap sur les enjeux majeurs qui préoccupent le plus les Québécois ou se laissera-t-il récupérer par des courants qui ne gènent aucunement l’establishment et les tenants du pouvoir économique et financier. Le choix de ses politiques décidera des alliances qui seront indispensables à QS pour prendre le pouvoir, en commençant par les travailleurs.

Valérie Plante – L’élection qui perd tout le monde en conjonctures

Le monde n’est plus le même et on aura beau s’évertuer à vouloir comprendre les changements qui s’y produisent pour expliquer ce revirement politique on ne trouvera pas de réponses satisfaisantes si on ne s’arrête pas aux facteurs économiques profonds qui bouleversent les mentalités.

La personnalité de Valérie Plante, l’arrogance et la suffisance de Denis Coderre sont pour plusieurs les causes principales du résultat des élections municipales de ce 5 novembre 2017 à Montréal. Vrai. Mais en partie seulement. Car cela ne suffit pas à provoquer un tel revirement de situation politique qui en d’autres temps n’aurait pas fait la différence. Et ce n’est pas un an de campagne électorale active qui aura rendu possible ce qui ne s’est jamais vu dans l’histoire de Montréal.

Ici il ne s’agit pas du simple fait que Valérie Plante soit une femme. Il s’agit du fait que les personnes âgées qui normalement auraient plutôt voté conservateur, cette fois ont opté pour le renouveau. Il s’agit du fait que ceux qui font partie de ce que l’on appelle la classe moyenne ont rejeté en bloc un jugement traditionnel en faveur d’une personnalité rassurante que l’on disait imbattable et que le journal La Presse et Le Devoir ont soutenu pour qu’il se maintienne au pouvoir. Il s’agit du fait que la jeune génération a rejeté sans appel la manière traditionnelle de faire de la politique.

C’est d’un nouveau paradigme dont il est question. Un bouleversement qui s’inscrit dans la ligne des résultats inattendus du Brexit en Europe, de la monté de ce que d’aucuns appellent démagogiquement le nouveau « populisme » à travers le monde. Un choix qui rappelle la montée fulgurante de Bernie Sanders aux États-Unis, voire le rejet de l’Establishment qui a sacrifié Hillary Clinton au profit d’un Trump pas plus rassurant mais qui a fait dire aux électeurs « qu’est-ce qu’on a à perdre après tout ».

Non. Je ne fais pas d’amalgames ici. Trump et le populisme de droite n’ont rien à voir avec une politicienne démocrate comme Valérie Plante, issue du communautaire et fortement impliquée socialement. La question ici n’est pas le désir du changement pour le changement. Car de tout temps, la droite et le capital ont toujours su s’accommoder du changement. L’extrême-droite est dans leur carnet en réserve. Le racisme aux États-Unis, le fascisme en Europe, l’islamisme radicale, voir le terrorisme, toutes ces tendances que plusieurs croyaient révolues mais qui ont refait surface après le démembrement des pays socialistes d’Europe de l’Est illustrent le fait que le capitalisme a des ressources et des réserves profondes dont les nationalismes identaires qui en sont aujourd’hui une marque de commerce et qui n’échappent pas non plus au Québec. D’ailleurs, jusqu’à un certain point, Denis Coderre devait représenter ce changement. L’efficacité, le code Coderre, le numérique… tout ce qui l’a amené au pouvoir après un gouvernement municipal corrompu était déjà une façon pour la droite de se coller au pouvoir avec un air de changement.

Ce qui est nouveau cette fois, c’est que la population n’a pas été dupe une deuxième fois. C’est que les populations à travers le monde sont de moins en moins dupes justement. Et ici  la vraie question à se poser est de savoir précisément pourquoi les populations sont-elles de moins en moins dupes ?

L’écœurement général, le ras-le-bol certes. Mais encore faut-il se poser la question : pourquoi un tel écœurement et un tel ras-le-bol ? Dès lors qu’on se pose la question la réponse fait surface. Depuis la crise économique de 2008-2010 plus rien n’est pareil. La « globalisation », le néolibéralisme ont atteint avec cette crise une autre crise, politique celle-là, toute aussi sinon plus profonde. Les attaques contre ce qu’on appelait et qu’on appelle encore parfois démagogiquement l’ « État providence » se sont retournées contre leurs protagonistes et les peuples ont réalisé que si l’État avait quelque chose de providentielle c’était précisément envers le grand business, la haute finance, les puissances militaires. Les anciennes vérités s’en sont trouvées ébranlées. Tout a été déballé. La corruption, les magouilles de toutes sortes, les paradis fiscaux… au point où les politiciens doivent désormais faire pattes blanches. Une profonde prise de conscience s’est emparée de populations entières et l’immense collusion entre pouvoir politique, médias et « Establishment » fut mis au jour.

Cette prise de conscience ne suit pas la même courbe d’une région à l’autre. Elle ne repose pas non plus sur les mêmes traditions. Les peuples sont souvent enclins à donner une dernière chance à la stabilité politique. Couillard et Trudeau sont aussi sur le respirateur artificiel comme ce fut le cas pour Denis Coderre à Montréal. Mais ce respirateur a ses limites, comme on vient de la voir avec l’élection de Valérie Plante.

Ce qui est nouveau ici, c’est le fait que Valérie Plante est issue du mouvement social et communautaire. Un peu comme Québec solidaire au niveau provincial. Les acteurs sociaux ont l’avantage par rapport aux politiciens traditionnels d’entraîner (et d’être soulevés par) les masses et le mouvement populaire. C’est la force du nombre contre le vent de ceux qui ne s’en tiennent qu’aux superstructures. À ceux qu’on qualifie parfois de décideurs. Le nombre est du côté des victimes d’un système trompeur. La pensée unique ne passe plus comme La Presse et Le Devoir ont pu s’en rendre compte à Montréal.

Ce courant va-t-il durer ? Rien n’est moins sûr. Mais cela n’est pas impossible. D’autres acteurs doivent s’y joindre. Le mouvement ouvrier et syndical en particulier. Jusqu’à présent on a réussi à les museler en les faisant participer aux miettes de l’abondance par le biais de systèmes financiers comme le Fonds de solidarité de la FTQ ou le Fondaction de la CSN. Mais ne nous y trompons pas. Cette mal nommée « classe moyenne » qui n’existe pas réellement en tant que telle représente en réalité la grande masse des travailleurs. Elle aussi prend de plus en plus confiance dans ses capacités d’intervenir et de changer les choses. Après tout Valérie Plante n’est-elle pas elle-même propriétaire d’un quintuplexe ? Ce qui ne l’a pas empêché de rester profondément attachée à ses valeurs démocratiques et sociales.

C’est en cela que réside le plus grand succès de Valérie Plante et de Projet Montréal. La naissance de l’Espoir d’un véritable changement.

C’est dans leurs gènes

Depuis des années que cette fabrique de guerre bat son plein. Ils l’ont testée à Hiroshima et Nagasaki. Puis ils l’ont poursuivie en Corée, au Vietnam. Ils ont créé des foyers en Afrique, au Moyen-Orient et partout dans le monde où ils pouvaient valider cette notion qui confond leurs intérêts économiques avec la morale. Des millions d’êtres humains dans le monde ont payé de leur vie cette soif d’étendre leur domination par tous les moyens. Toutes les justifications sont bonnes.  A bout d’arguments, ils en ont inventé, créé de fausses nouvelles et manigancé des provocations comme celles qui ont permis le déclenchement de la plupart des guerres. Des provocations dont le vrai caractère ne fut révélé et compris que bien des années plus tard, trop tard.

Lorsque les peuples refusaient de se soumettre ils les ont fait plier par le chantage économique. Ils ont mis à leur service des idéologues, des « think tanks » à concerter et manipuler l’opinion publique dans les universités et les institutions médiatiques. Leur plus grande réussite s’appelle aujourd’hui la bien pensance. Cette manière de suivisme qui assujetti le cerveau à la pensée unique. À cette idée construite sur la conviction que toutes les personnes sont bien intentionnées et que les élus ne sont là que pour notre bien. Ils ont construit dans l’imaginaire du monde ordinaire cette idée que le capitalisme fait partie de l’évolution naturelle des choses. Qu’il est le symbole même de la démocratie. Ils nous ont convaincu que la dénonciation de leurs manœuvres et de leurs politiques se résumait à ce qu’ils appellent abusivement la théorie du complot en se basant sur cette idée qu’aucun être humain ne saurait être capable d’autant de machiavélisme.  Marx n’était pas un grand philosophe mais un complotiste parce qu’il avait énoncé la théorie de la lutte des classes. Et que la lutte des classes signifiait que les capitalistes s’emparaient du pouvoir pour leurs intérêts économiques. Que lorsque ces intérêts étaient menacés, sous le règne de la paix, qu’ils n’hésitaient pas à recourir à la violence, voire à la guerre. Il était un complotiste parce qu’il affirmait que la police et l’armée étaient avant tout des institutions pour protéger leurs intérêts et les aider à promouvoir ces mêmes intérêts, pas ceux du peuple. Bien sûr cela est difficile à comprendre lorsqu’on a fini par croire que les intérêts du capitalisme et les intérêts du peuple sont du pareil au même.

Voilà pourquoi on ne contestera pas l’idée que les États-Unis aient tout près de 800 bases militaires à travers le monde et un budget militaire qui atteindra près de 650 milliards de dollars en 2018, tout cela pour protéger l’humanité. Voilà pourquoi on ne contestera pas l’idée que les Américains soient au Moyen-Orient pour y faire régner la paix. Voilà pourquoi on ne contestera pas non plus l’encerclement de la Russie par les troupes de l’OTAN.

« On » ne signifie pas qu’il y ait unanimité. Certains pays refusent ce dictat politique, économique, militaire et « intellectuel ». C’est donc important de convaincre les populations du bien-fondé de la guerre et de leurs préparatifs de guerre. C’est ici que l’arme de la diabolisation bat son plein.  Aujourd’hui tous les dirigeants du Moyen-Orient, sauf ceux d’Israël et d’Arabie saoudite sont des sanguinaires. C’était le cas de Sadam Hussein contre qui on a fait la guerre parce qu’il « détenait » des armes de destruction massive, de Muammar Gaddafi, qui lui avait eu le malheur de vouloir créer une monnaie pour contrer les pétro-dollars afin de donner plus d’indépendance aux pays producteurs de pétrole et aujourd’hui de Bachar Al Assad fortement appuyé par les Syriens qui eux aussi au fond sont certainement tous des petits sanguinaires, parce qu’ils refusent le déchirement de leur pays.

J’ignorais à quel point Lise Bissonnette était une va-t-en guerre. Hier le 5 avril sur les ondes de Radio-Canada elle déplorait lourdement qu’aucune force ne soit capable de faire directement la guerre contre la Syrie. Même Yves Boisvert, que j’ai toujours considéré plus à droite que Mme Bissonnette, était plus nuancé qu’elle. Mais tous les deux ainsi que l’animateur de l’émission, Michel Auger, n’ont pas hésité une seconde à affirmer que la Syrie avait délibérément attaqué son peuple avec des armes chimiques sans même faire la moindre allusion à la version russe et syrienne qui affirmait que l’aviation syrienne avait ciblé un entrepôt militaire des rebelles qui contenait des armes chimiques. Sans même se soucier de la demande de la Russie pour qu’il y ait une véritable enquête indépendant afin de déterminer la cause exacte de cet incident effroyable. Mais peut-on légitimement leur reprocher cette unilatéralisme de la pensée lorsque celle-ci fait partie de leurs gènes ? Peut-être ne pouvons-nous rien pour eux. Mais pour nous-mêmes, l’examen de conscience n’est peut-être pas inutile.

Réflexions sur la démocratie cubaine

Démocratie et dictature

Dans nos sociétés occidentales, la démocratie est avant tout ce qu’on appelle  le « bipartisme ». Cette notion du « bipartisme » se résume essentiellement à l’idée d’un changement successif entre « libéraux » (ou « démocrates) et conservateurs. Dans la réalité ces deux oppositions se confinent pour l’essentiel à deux formes différentes de pouvoir du grand capital. L’une plus fermée et moins encline à l’intervention de l’État, l’autre dite plus ouverte sur les mesures sociales et considérée généralement comme « progressiste ». Formellement cette notion de démocratie se présente comme l’expression du « libre-choix » accessible à tous. D’autant plus qu’en autant que ce système ne se sente pas menacé dans ses fondements, il ne s’oppose pas à l’expression de différents courants tiers, voire originaux. Ex. la possibilité pour un parti communiste sans influence réelle ou pour un parti du type « rhinocéros » avec des propositions excentriques, d’afficher ses candidatures sur une liste électorale. Cela au nom de ce qu’on appelle communément « la liberté individuelle ». C’est ce qui fait dire à l’opinion médiatique que ce système accepte l’opposition.

Avec la mort de Fidel Castro on a beaucoup parlé dans les médias, de la disparition d’un dictateur. Cuba est donc perçu comme une dictature du fait qu’un tel formalisme n’existe pas. Qu’on y tolère pas l’opposition.

La réalité c’est que la démocratie n’est pas qu’une question de forme. La démocratie c’est avant tout une question de pouvoir. Pouvoir du peuple versus pouvoir du capital. Bien que la forme de ce pouvoir soit importante c’est son contenu qui en fait avant tout une valeur réelle.

On fait bien peu de cas dans nos médias aujourd’hui, du fait que la révolution cubaine ait renversé une réelle dictature. Celle d’une homme, Fulgencio Baptista qui a éliminé en 7 ans plus de 20 000 personnes et fait disparaître toutes les libertés individuelles avec l’appui sans « réserve » du gouvernement américain.

J­e ne m’étendrai pas ici sur l’extension, au niveau de la politique internationale de cette notion de « démocratie » à l’occidentale. Que d’en faire mention nous amène tellement d’images que ce soit de l’embargo économique contre Cuba jusqu’aux guerres impérialistes actuelles au Moyen-Orient qu’on peut difficilement accepter l’idée que cette politique internationale n’est qu’une expression de la politique intérieure et de sa « démocratie » à l’échelle internationale. Ce qui nous la rend moins tangible à l’intérieur de nos propres frontières. Et j’inclue dans le mot « frontières » les limites de notre capacité à comprendre ce lien réel.

La question

C’est en chœur que les médias nous rappellent sans cesse que le gouvernement cubain actuel est aussi « une dictature », qu’il n’y aurait pas de « libertés individuelles » ni « opposition démocratique » qu’il y a eu des exécutions et que les prisons sont « pleines » d’opposants au « régime ».

Mettons de côté ces demi-vérités et prenons ces expressions une par une. D’abord définissons le mot « dictature ». « Une dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu’aucune loi ou institution ne les limite. La dictature est donc synonyme de régime autoritaire. » Il n’est pas inutile de rappeler ici le contenu de  la Constitution de Cuba. L’article 1 dit : « Cuba est un Etat socialiste de travailleurs, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous, en une république unitaire et démocratique, pour la jouissance de la liberté politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et de la solidarité humaine. » Puis à l’article 3 on trouve : « la souveraineté réside dans le peuple, duquel émane tout le pouvoir de l’Etat. ». On ne parle pas ici de la souveraineté de la « nation » un terme relativement vague qui inclue bien souvent la liberté des entreprises (pas la liberté d’entreprise) mais bien de la souveraineté du peuple. Dans les faits, le pouvoir du peuple et son organisation politique sont définis dans la Constitution, de même que son expression économique, le socialisme. Le non-retour au capitalisme et à toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme sont présentés dans la Constitution cubaine comme étant irrévocables.

Voilà ce qui fait dire à nos médias ainsi qu’à nos principales institutions politiques et idéologiques que Cuba est une dictature. La « dictature » du peuple, c’est ce qu’on ose pas dire. On préfère personnaliser cette attribution. Ce qui en dilue l’essence fondamentale et cache l’image de ce qui n’est pas représenté par le mot « peuple ».

À l’heure du « libre-échange » où les grandes entreprises ont le pouvoir de renverser les législations nationales la question de la souveraineté du peuple pose la question fondamentale de la notion même de démocratie.

C’est de cette démocratie fondamentale dont il est question lorsqu’on nous parle d’absence d’opposition à Cuba. Il ne s’agit pas ici d’opposition aux libertés individuelles, ni à la propriété personnelle. Mais d’opposition à la souveraineté et au pouvoir du peuple. On reproche au gouvernement du peuple de ne pas permettre les actions et les exactions des opposants dans le but de provoquer un retour en arrière. En d’autres mots supprimer le pouvoir du peuple  et remettre en place le pouvoir du capital. On lui reproche de ne pas permettre sous peine d’emprisonnement, à ses opposants, de constituer un noyau au service du renversement de l’État, comme cela s’est produit au Chili qui lui, avait joué le jeu de la « démocratie » formelle à l’occidental et ne s’était pas prémuni contre les menaces visant la souveraineté du peuple.

À Cuba la démocratie n’est pas formelle. Elle n’est pas parfaite non plus mais elle est réelle. Elle s’exprime par les assemblées populaires, les syndicats, les mouvements sociaux, la possibilité de participer aux élections à tous les niveaux y compris sans être un membre du Parti. L’impossibilité pour les Cubains d’agir contre le pouvoir du peuple, cela fait aussi partie de la démocratie.


Une musique et des images qui parlent par elles-mêmes

Réflexions sur la démocratie cubaine

Démocratie et dictature

Dans nos sociétés occidentales, la démocratie est avant tout ce qu’on appelle  le « bipartisme ». Cette notion du « bipartisme » se résume essentiellement à l’idée d’un changement successif entre « Libéraux » (ou « Démocrates) et Conservateurs. Dans la réalité ces deux oppositions se confinent pour l’essentiel à deux formes différentes de pouvoir du grand capital. L’une plus fermée et moins encline à l’intervention de l’État, l’autre dite plus ouverte sur les mesures sociales (surtout sociétales) et considérée généralement comme « progressiste ». Formellement cette notion de démocratie se présente comme l’expression du « libre-choix » pour tous. D’autant plus qu’en autant que ce système ne se sente pas menacé dans ses fondements, il ne s’oppose pas à l’expression de différents courants tiers, voire originaux. Ex. la possibilité pour un parti communiste sans influence ou pour un parti du type « rhinocéros » avec des propositions excentriques, d’afficher ses candidatures sur une liste électorale. Cela au nom de ce qu’on appelle communément « la liberté individuelle ». C’est ce qui fait dire à l’opinion médiatique que ce système accepte l’opposition.

Avec la mort de Fidel Castro on a beaucoup parlé dans les médias, de la disparition d’un dictateur. Cuba est donc perçu comme une dictature du fait qu’un tel formalisme n’existe pas. Qu’on y tolère pas l’opposition.

La réalité c’est que la démocratie n’est pas qu’une question de forme. La démocratie c’est avant tout une question de pouvoir. Pouvoir du peuple versus pouvoir du capital. Bien que la forme de ce pouvoir soit importante c’est son contenu qui en fait avant tout une valeur réelle.

On fait bien peu de cas dans nos médias aujourd’hui, du fait que la révolution cubaine ait renversé une réelle dictature. Celle d’une homme, Fulgencio Baptista qui a éliminé en 7 ans plus de 20 000 personnes et fait disparaître toutes les libertés individuelles avec l’appui sans « réserve » du gouvernement américain.

J­e ne m’étendrai pas ici sur l’extension, au niveau de la politique internationale de cette notion de « démocratie » à l’occidentale. Que d’en faire mention nous amène tellement d’images, que ce soit de l’embargo économique contre Cuba jusqu’aux guerres impérialistes actuelles au Moyen-Orient, qu’on peut difficilement accepter l’idée que cette politique internationale soit l’expression de la politique intérieure du capitalisme et de sa « démocratie » à l’échelle internationale. Ce qui nous la rend moins tangible à l’intérieur de nos propres frontières. Et j’inclue dans le mot « frontières » les limites de notre capacité à comprendre ce lien réel.

La question

C’est en chœur que les médias nous rappellent sans cesse que le gouvernement cubain actuel est aussi « une dictature », qu’il n’y aurait pas de « libertés individuelles » ni « opposition démocratique » qu’il y a eu des exécutions et que les prisons sont « pleines » d’opposants au « régime ».

Mettons de côté les demi-vérités et prenons ces expressions une par une. D’abord définissons le mot « dictature ». « Une dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu’aucune loi ou institution ne les limite. La dictature est donc synonyme de régime autoritaire. » Il n’est pas inutile de rappeler ici le contenu de  la Constitution de Cuba. L’article 1 dit : « Cuba est un Etat socialiste de travailleurs, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous, en une république unitaire et démocratique, pour la jouissance de la liberté politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et de la solidarité humaine. » Puis à l’article 3 on précise : « la souveraineté réside dans le peuple, duquel émane tout le pouvoir de l’Etat. ». On ne parle pas ici de la souveraineté de la « nation » un terme relativement vague qui inclue bien souvent la liberté des entreprises (pas la liberté d’entreprise). On parle de la souveraineté du peuple. De fait, le pouvoir du peuple et son organisation politique sont définis dans la Constitution, de même que son expression économique, le socialisme. Le non-retour au capitalisme et à toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme sont présentés dans la Constitution cubaine comme étant irrévocables. On me rétorquera que dans nos constitutions on n’affirme pas que le capitalisme en est le fondement économique et que celui-ci est irrévocable. Et pour cause. C’est surtout qu’on ose pas en parler car cela serait tout dire.

Voilà ce qui fait dire à nos médias ainsi qu’à nos principales institutions politiques et idéologiques que Cuba est une dictature. La « dictature » du peuple, c’est ce qu’on veut cacher. On préfère personnaliser cette attribution. Ce qui en dilue l’essence profond et fait disparaître à nos yeux l’image de ce qui n’est pas représenté par le mot « peuple ».

À l’heure du « libre-échange » où les grandes entreprises ont le pouvoir de renverser les législations nationales, la question de la souveraineté du peuple pose la question fondamentale de la notion même de démocratie.

C’est de cette « démocratie » dont il est question lorsqu’on nous parle d’absence d’opposition à Cuba. Le gouvernement cubain ne s’oppose pas  aux libertés individuelles, ni à la propriété personnelle. Il s’oppose à ce qui fait obstacle à la souveraineté et au pouvoir du peuple. On reproche au gouvernement du peuple de ne pas permettre les actions et les exactions des opposants visant à provoquer un retour en arrière. Le gouvernement cubain s’oppose à la possibilité que le pouvoir du peuple soit à nouveau renversé par le pouvoir du capital. On lui reproche de ne pas permettre sous peine d’emprisonnement, à ses opposants, de constituer un noyau au service du renversement de l’État, comme cela fut tenté à la Baie des cochons et comme cela s’est produit au Chili qui lui, avait joué le jeu de la « démocratie » formelle à l’occidental sans se prémunir adéquatement contre les menaces visant la souveraineté du peuple.

À Cuba la démocratie n’est pas formelle. Elle n’est pas parfaite non plus mais elle est réelle. Elle s’exprime par les assemblées populaires, les syndicats, les mouvements sociaux, la possibilité de participer aux élections à tous les niveaux y compris sans être un membre du Parti. L’impossibilité pour les Cubains d’agir contre le pouvoir du peuple, cela fait aussi partie de la démocratie.