Réflexions sur la démocratie cubaine

Démocratie et dictature

Dans nos sociétés occidentales, la démocratie est avant tout ce qu’on appelle  le « bipartisme ». Cette notion du « bipartisme » se résume essentiellement à l’idée d’un changement successif entre « libéraux » (ou « démocrates) et conservateurs. Dans la réalité ces deux oppositions se confinent pour l’essentiel à deux formes différentes de pouvoir du grand capital. L’une plus fermée et moins encline à l’intervention de l’État, l’autre dite plus ouverte sur les mesures sociales et considérée généralement comme « progressiste ». Formellement cette notion de démocratie se présente comme l’expression du « libre-choix » accessible à tous. D’autant plus qu’en autant que ce système ne se sente pas menacé dans ses fondements, il ne s’oppose pas à l’expression de différents courants tiers, voire originaux. Ex. la possibilité pour un parti communiste sans influence réelle ou pour un parti du type « rhinocéros » avec des propositions excentriques, d’afficher ses candidatures sur une liste électorale. Cela au nom de ce qu’on appelle communément « la liberté individuelle ». C’est ce qui fait dire à l’opinion médiatique que ce système accepte l’opposition.

Avec la mort de Fidel Castro on a beaucoup parlé dans les médias, de la disparition d’un dictateur. Cuba est donc perçu comme une dictature du fait qu’un tel formalisme n’existe pas. Qu’on y tolère pas l’opposition.

La réalité c’est que la démocratie n’est pas qu’une question de forme. La démocratie c’est avant tout une question de pouvoir. Pouvoir du peuple versus pouvoir du capital. Bien que la forme de ce pouvoir soit importante c’est son contenu qui en fait avant tout une valeur réelle.

On fait bien peu de cas dans nos médias aujourd’hui, du fait que la révolution cubaine ait renversé une réelle dictature. Celle d’une homme, Fulgencio Baptista qui a éliminé en 7 ans plus de 20 000 personnes et fait disparaître toutes les libertés individuelles avec l’appui sans « réserve » du gouvernement américain.

J­e ne m’étendrai pas ici sur l’extension, au niveau de la politique internationale de cette notion de « démocratie » à l’occidentale. Que d’en faire mention nous amène tellement d’images que ce soit de l’embargo économique contre Cuba jusqu’aux guerres impérialistes actuelles au Moyen-Orient qu’on peut difficilement accepter l’idée que cette politique internationale n’est qu’une expression de la politique intérieure et de sa « démocratie » à l’échelle internationale. Ce qui nous la rend moins tangible à l’intérieur de nos propres frontières. Et j’inclue dans le mot « frontières » les limites de notre capacité à comprendre ce lien réel.

La question

C’est en chœur que les médias nous rappellent sans cesse que le gouvernement cubain actuel est aussi « une dictature », qu’il n’y aurait pas de « libertés individuelles » ni « opposition démocratique » qu’il y a eu des exécutions et que les prisons sont « pleines » d’opposants au « régime ».

Mettons de côté ces demi-vérités et prenons ces expressions une par une. D’abord définissons le mot « dictature ». « Une dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu’aucune loi ou institution ne les limite. La dictature est donc synonyme de régime autoritaire. » Il n’est pas inutile de rappeler ici le contenu de  la Constitution de Cuba. L’article 1 dit : « Cuba est un Etat socialiste de travailleurs, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous, en une république unitaire et démocratique, pour la jouissance de la liberté politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et de la solidarité humaine. » Puis à l’article 3 on trouve : « la souveraineté réside dans le peuple, duquel émane tout le pouvoir de l’Etat. ». On ne parle pas ici de la souveraineté de la « nation » un terme relativement vague qui inclue bien souvent la liberté des entreprises (pas la liberté d’entreprise) mais bien de la souveraineté du peuple. Dans les faits, le pouvoir du peuple et son organisation politique sont définis dans la Constitution, de même que son expression économique, le socialisme. Le non-retour au capitalisme et à toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme sont présentés dans la Constitution cubaine comme étant irrévocables.

Voilà ce qui fait dire à nos médias ainsi qu’à nos principales institutions politiques et idéologiques que Cuba est une dictature. La « dictature » du peuple, c’est ce qu’on ose pas dire. On préfère personnaliser cette attribution. Ce qui en dilue l’essence fondamentale et cache l’image de ce qui n’est pas représenté par le mot « peuple ».

À l’heure du « libre-échange » où les grandes entreprises ont le pouvoir de renverser les législations nationales la question de la souveraineté du peuple pose la question fondamentale de la notion même de démocratie.

C’est de cette démocratie fondamentale dont il est question lorsqu’on nous parle d’absence d’opposition à Cuba. Il ne s’agit pas ici d’opposition aux libertés individuelles, ni à la propriété personnelle. Mais d’opposition à la souveraineté et au pouvoir du peuple. On reproche au gouvernement du peuple de ne pas permettre les actions et les exactions des opposants dans le but de provoquer un retour en arrière. En d’autres mots supprimer le pouvoir du peuple  et remettre en place le pouvoir du capital. On lui reproche de ne pas permettre sous peine d’emprisonnement, à ses opposants, de constituer un noyau au service du renversement de l’État, comme cela s’est produit au Chili qui lui, avait joué le jeu de la « démocratie » formelle à l’occidental et ne s’était pas prémuni contre les menaces visant la souveraineté du peuple.

À Cuba la démocratie n’est pas formelle. Elle n’est pas parfaite non plus mais elle est réelle. Elle s’exprime par les assemblées populaires, les syndicats, les mouvements sociaux, la possibilité de participer aux élections à tous les niveaux y compris sans être un membre du Parti. L’impossibilité pour les Cubains d’agir contre le pouvoir du peuple, cela fait aussi partie de la démocratie.


Une musique et des images qui parlent par elles-mêmes

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