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Réflexions sur la démocratie cubaine

Démocratie et dictature

Dans nos sociétés occidentales, la démocratie est avant tout ce qu’on appelle  le « bipartisme ». Cette notion du « bipartisme » se résume essentiellement à l’idée d’un changement successif entre « Libéraux » (ou « Démocrates) et Conservateurs. Dans la réalité ces deux oppositions se confinent pour l’essentiel à deux formes différentes de pouvoir du grand capital. L’une plus fermée et moins encline à l’intervention de l’État, l’autre dite plus ouverte sur les mesures sociales (surtout sociétales) et considérée généralement comme « progressiste ». Formellement cette notion de démocratie se présente comme l’expression du « libre-choix » pour tous. D’autant plus qu’en autant que ce système ne se sente pas menacé dans ses fondements, il ne s’oppose pas à l’expression de différents courants tiers, voire originaux. Ex. la possibilité pour un parti communiste sans influence ou pour un parti du type « rhinocéros » avec des propositions excentriques, d’afficher ses candidatures sur une liste électorale. Cela au nom de ce qu’on appelle communément « la liberté individuelle ». C’est ce qui fait dire à l’opinion médiatique que ce système accepte l’opposition.

Avec la mort de Fidel Castro on a beaucoup parlé dans les médias, de la disparition d’un dictateur. Cuba est donc perçu comme une dictature du fait qu’un tel formalisme n’existe pas. Qu’on y tolère pas l’opposition.

La réalité c’est que la démocratie n’est pas qu’une question de forme. La démocratie c’est avant tout une question de pouvoir. Pouvoir du peuple versus pouvoir du capital. Bien que la forme de ce pouvoir soit importante c’est son contenu qui en fait avant tout une valeur réelle.

On fait bien peu de cas dans nos médias aujourd’hui, du fait que la révolution cubaine ait renversé une réelle dictature. Celle d’une homme, Fulgencio Baptista qui a éliminé en 7 ans plus de 20 000 personnes et fait disparaître toutes les libertés individuelles avec l’appui sans « réserve » du gouvernement américain.

J­e ne m’étendrai pas ici sur l’extension, au niveau de la politique internationale de cette notion de « démocratie » à l’occidentale. Que d’en faire mention nous amène tellement d’images, que ce soit de l’embargo économique contre Cuba jusqu’aux guerres impérialistes actuelles au Moyen-Orient, qu’on peut difficilement accepter l’idée que cette politique internationale soit l’expression de la politique intérieure du capitalisme et de sa « démocratie » à l’échelle internationale. Ce qui nous la rend moins tangible à l’intérieur de nos propres frontières. Et j’inclue dans le mot « frontières » les limites de notre capacité à comprendre ce lien réel.

La question

C’est en chœur que les médias nous rappellent sans cesse que le gouvernement cubain actuel est aussi « une dictature », qu’il n’y aurait pas de « libertés individuelles » ni « opposition démocratique » qu’il y a eu des exécutions et que les prisons sont « pleines » d’opposants au « régime ».

Mettons de côté les demi-vérités et prenons ces expressions une par une. D’abord définissons le mot « dictature ». « Une dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu’aucune loi ou institution ne les limite. La dictature est donc synonyme de régime autoritaire. » Il n’est pas inutile de rappeler ici le contenu de  la Constitution de Cuba. L’article 1 dit : « Cuba est un Etat socialiste de travailleurs, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous, en une république unitaire et démocratique, pour la jouissance de la liberté politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et de la solidarité humaine. » Puis à l’article 3 on précise : « la souveraineté réside dans le peuple, duquel émane tout le pouvoir de l’Etat. ». On ne parle pas ici de la souveraineté de la « nation » un terme relativement vague qui inclue bien souvent la liberté des entreprises (pas la liberté d’entreprise). On parle de la souveraineté du peuple. De fait, le pouvoir du peuple et son organisation politique sont définis dans la Constitution, de même que son expression économique, le socialisme. Le non-retour au capitalisme et à toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme sont présentés dans la Constitution cubaine comme étant irrévocables. On me rétorquera que dans nos constitutions on n’affirme pas que le capitalisme en est le fondement économique et que celui-ci est irrévocable. Et pour cause. C’est surtout qu’on ose pas en parler car cela serait tout dire.

Voilà ce qui fait dire à nos médias ainsi qu’à nos principales institutions politiques et idéologiques que Cuba est une dictature. La « dictature » du peuple, c’est ce qu’on veut cacher. On préfère personnaliser cette attribution. Ce qui en dilue l’essence profond et fait disparaître à nos yeux l’image de ce qui n’est pas représenté par le mot « peuple ».

À l’heure du « libre-échange » où les grandes entreprises ont le pouvoir de renverser les législations nationales, la question de la souveraineté du peuple pose la question fondamentale de la notion même de démocratie.

C’est de cette « démocratie » dont il est question lorsqu’on nous parle d’absence d’opposition à Cuba. Le gouvernement cubain ne s’oppose pas  aux libertés individuelles, ni à la propriété personnelle. Il s’oppose à ce qui fait obstacle à la souveraineté et au pouvoir du peuple. On reproche au gouvernement du peuple de ne pas permettre les actions et les exactions des opposants visant à provoquer un retour en arrière. Le gouvernement cubain s’oppose à la possibilité que le pouvoir du peuple soit à nouveau renversé par le pouvoir du capital. On lui reproche de ne pas permettre sous peine d’emprisonnement, à ses opposants, de constituer un noyau au service du renversement de l’État, comme cela fut tenté à la Baie des cochons et comme cela s’est produit au Chili qui lui, avait joué le jeu de la « démocratie » formelle à l’occidental sans se prémunir adéquatement contre les menaces visant la souveraineté du peuple.

À Cuba la démocratie n’est pas formelle. Elle n’est pas parfaite non plus mais elle est réelle. Elle s’exprime par les assemblées populaires, les syndicats, les mouvements sociaux, la possibilité de participer aux élections à tous les niveaux y compris sans être un membre du Parti. L’impossibilité pour les Cubains d’agir contre le pouvoir du peuple, cela fait aussi partie de la démocratie.

Dans les médias

Cuba à l’heure du 50e anniversaire de la révolution

Jacques lanctôt, traducteur pour le journal Granma, vient de produire deux textes sur Cuba au jour le jour, publiés cette semaine dans Canoe.com.

Je fais suivre ces textes d’un article de Salmi Lamrani, pour Mondialisation.ca sur les contradictions d’Amnistie Internationale envers Cuba.


Jacques Lanctôt

La Havane au jour le jour (I)

Agence QMI
30/01/2009 09h43

Jacques Lanctôt  - La Havane au jour le jour (I)

Je suis à La Havane depuis une quinzaine de jours. Tous les matins de la semaine, je me rends au journal Granma international, un hebdomadaire destiné aux lecteurs de l’étranger, publié en français, en anglais, en espagnol et en portugais, qui devient un mensuel en italien, en allemand et aussi en turc, je crois.J’y effectue, avec une petite équipe, la traduction de textes choisis parmi les nouvelles de la semaine parues dans le quotidien du même nom. Ce n’est pas un travail éreintant, mais il exige tout de même beaucoup d’attention et de précision, car une phrase mal traduite peut créer un contresens qui pourrait éventuellement avoir de lourdes conséquences, on peut facilement l’imaginer, étant donné qu’il s’agit d’un journal officiel. Aussi, tous les discours de Fidel, toutes ses «réflexions» qu’il avait pris l’habitude d’écrire presque tous les jours pour les lecteurs du Granma, depuis que la maladie l’a éloigné de la direction du pays, sont traduits par la même personne depuis des années, un Français qui n’est cependant pas à l’emploi du Granma. Par contre, j’ai traduit en équipe cette semaine mon premier discours de Raul, beaucoup moins long que ceux auxquels Fidel nous avait habitués. Deux styles différents, deux façons d’aborder la réalité cubaine, mais qui se complètent heureusement.

Pour me rendre au journal, un collègue français me prend tous les matins à un coin de rue de chez moi. Il donne également un «lift» à une traductrice anglaise, venue directement d’Angleterre il y a six ou sept ans. Le trajet dure à peine dix minutes. Ici il n’y a pas vraiment d’heure de pointe. Cela ferait drôlement l’affaire de l’ami Yves Desautels que j’imagine peinant actuellement dans les bancs de neige de Montréal pour annoncer les conditions routières sur l’île et autour de l’île aux auditeurs de Radio-Canada, tous les matins et tous les après-midi de la semaine.

Chemin faisant, nous doublons de nombreux autobus modernes, les «métrobus» chinois ou brésiliens, bondés de travailleurs. Le transport en commun, une priorité depuis deux ans à Cuba, a nettement été amélioré, diminuant les retards au travail, une vraie calamité jusqu’à tout récemment. Pour remplacer les nombreux «camellos» (chameaux), surnommés ainsi en raison de leur élévation ou leur bosse, des autobus articulés bien entretenus vont et viennent à travers la ville sans peine malgré l’étroitesse de certaines rues. L’autobus coûte moins de un cent de un dollar. Bien sûr, si on tient compte des 23 jours de travail en moyenne par mois, cela finit par représenter une petite portion du salaire, déjà bas, des Cubains, mais il faut aussi savoir que la majorité des centres de travail ont leur propre service de transport qui accommode leurs travailleurs. Ce sont bien souvent à bord d’anciens autobus scolaires jaunes qu’ils se rendent à leur travail. Ces autobus proviennent presque tous du Québec. Ils ont même gardé leur signalisation bilingue française et anglaise, et c’est, dans ce cas-ci, l’ami Daniel Côté, des Ameublements Elvis, qui les a vendus et, dans certains cas, donnés au gouvernement cubain.

Les bureaux du Granma international sont situés juste à côté de l’édifice du Granma quotidien, en biais avec le ministère des Forces armées révolutionnaires. L’imprimerie se trouve entre les deux. Rien à voir avec le modernisme et les équipements sophistiqués du Journal de Montréal ou de La Presse. Peu importe, tout fonctionne comme sur des roulettes et on monte encore les pages sur les marbres ou tables lumineuses où il nous faut effectuer une dernière révision avant de donner le bon à tirer. De temps en temps, des rouleaux de papier journal provenant des moulins de l’Abitibi-Bowater au Québec, sont déchargés sur le trottoir avant d’être acheminés à l’intérieur de l’imprimerie. Ça me fait une petite fierté de savoir que notre papier, provenant de nos forêts, sert à imprimer le journal pour lequel je travaille actuellement. Mais j’imagine qu’il ne faut pas le crier sur les toits, car le gouvernement étasunien pourrait sévir contre cette compagnie, grâce à sa loi d’extraterritorialité qui lui donne des pouvoirs extraordinaires, ceux d’intervenir contre des compagnies non étasuniennes qui font affaire avec Cuba.

(À suivre.)


Jacques Lanctôt

La Havane au jour le jour (suite)

Agence QMI
03/02/2009 10h38

Jacques Lanctôt  - La Havane au jour le jour (suite)

Avant de quitter la maison pour le travail, entre 7h30 et 8 heures, c’est un rituel, je prépare le café. Auparavant, on coulait le café dans un tissu.J’aimais beaucoup cette méthode traditionnelle. J’avais l’impression qu’on y mettait toute son âme et que le café était un nouveau défi, chaque fois. Maintenant, la cafetière italienne a remplacé cette façon artisanale de faire le café. Je me verse ensuite mon premier café dans une petite tasse. Au début, je le prenais sans sucre, mais j’ai fini par abdiquer, car ici on sucre le café directement dans la cafetière. Je prépare ensuite le verre de lait de mon fils de trois ans et demi, qu’il boit tiède, avec un peu de chocolat en poudre lorsqu’il y en a à la maison.

Au travail, vers 10 heures, quelqu’un passera, bureau par bureau, pour nous offrir un café, sucré également. Puis, un peu plus tard, on annoncera la collation.

Vers 13 heures, nous nous rendons à la salle à manger, située dans l’autre édifice, une petite promenade d’à peine une minute. On reprend contact avec la chaleur et avec le soleil. Il faut aviser, la veille, si nous allons manger à la cantine le lendemain. La salle à manger comprend une vingtaine de tables et le service est effectué par trois ou quatre personnes. Le repas est aussi peu cher que l’autobus. Il y a toujours une soupe, un plat principal composé de riz — je dirais obligatoirement, car sans riz, ce ne peut être un véritable repas —, de haricots, noirs ou bruns, de poulet, de porc, de piccadillo (bœuf haché) ou de poisson, apprêtés de différentes façons, de «viandas»: pomme de terre douce, banane plantain, courge, manioc ou malanga, et finalement d’un dessert. Aucun alcool n’est servi. C’est dur pour mon moral, moi si habitué à mon verre de vin à chaque repas, mais je m’y fais!

En après-midi, une collation est également offerte. Vers 16 heures, c’est la fin de la journée, et tout le monde rentre chez soi. Entre-temps, nous aurons traduit quelques articles, vérifié à tour de rôle les traductions des collègues, corrigé les pages montées sur épreuves puis les pdf à l’ordinateur. Parfois, une courte réunion syndicale vient interrompre le rythme de notre travail. C’est le moment où tout un chacun y va de son commentaire et de ses suggestions, Italiens, Français, Québécois, Brésiliens, Anglais, Allemands, ainsi qu’une Étasunienne, parlant dans une langue commune, rassembleuse, l’espagnol. Ici la minorité que nous représentons n’oblige pas la majorité à parler cette langue soi-disant universelle, l’anglais, et ce n’est que pur bon sens.

Ainsi va la vie d’un modeste traducteur qui n’en est pas à ses premières armes puisque déjà, à l’époque de mon exil, au début des années soixante-dix, je travaillais au même Granma, situé alors dans un autre édifice, près de la Place de la Révolution. Mais trente ans plus tard, ce sont les mêmes gestes, les mêmes rituels, même si l’ordinateur est venu remplacer la machine à écrire et le moteur de recherche google le dictionnaire papier, facilitant d’autant le travail.

Cuba a certes changé depuis ces années de fortes poussées révolutionnaires, alors que l’Amérique latine était secouée de bord en bord par des mouvements de guérilla qui ont presque tous été écrasés dans le sang. Ne subsistent, dans les faits, que les FARC colombiennes. Mais n’empêche, cette même Amérique latine, après avoir connu dictatures et gouvernements autoritaires, s’est profondément modifiée en élisant un peu partout des gouvernements de gauche. Elle vient même d’ouvrir la porte à Cuba lors de différents sommets politiques et économiques, sans que les États-Unis soient invités à la table des discussions. La marginalisation de la Révolution cubaine est désormais chose du passé et la nouvelle administration étasunienne devra en tenir compte.

Le journaliste du Devoir, Guy Taillefer, ne semble pas, lui, le comprendre en qualifiant la Révolution cubaine d’anachronique, dans un article récent publié à l’occasion du 50e anniversaire de cette Révolution et en banalisant à l’extrême le blocus économique et politique qui affecte dramatiquement cette petite île des Caraïbes depuis près de 50 ans: «Un embargo commercial qui, du reste, n’est plus depuis plusieurs années qu’un épouvantail brandi des deux côtés du détroit de Floride à des fins politiques», affirme ce journaliste nourri au pablum et à la nourriture prémâchée des grandes agences de presse internationales.

Or, les pertes matérielles dues au blocus sont évaluées à plusieurs milliards de dollars, sans parler des pertes en vies humaines que cela a provoquées à cause de l’impossibilité de se procurer certains médicaments. Des balivernes que tout cela? Pour Guy Taillefer, qui manifestement lit les nouvelles sur un télésouffleur, il semble bien que oui. S’il y a bien quelque chose d’anachronique dans le monde aujourd’hui, c’est cette politique génocidaire des États-Unis vis-à-vis Cuba.

Y a-t-il quelque chose de plus ridicule qu’un cubanologue patenté qui, prétendant analyser une situation complexe, renvoie dos à dos David et Goliath, comme s’il s’agissait de bonnet blanc, blanc bonnet?


Les contradictions d’Amnistie Internationale

Mondialisation.ca, Le 5 mai 2008

Amnistie Internationale(AI) est sans aucun doute la plus célèbre organisation de défense des droits de l’homme à travers le monde. Créée en 1961 par l’avocat britannique Peter Benenson, cette organisation non gouvernementale dispose de sections dans plus de cinquante pays et de plus de deux millions d’adhérents à travers la planète. Son travail remarquable en faveur de l’abolition de la peine de mort et de la torture, contre les crimes politiques et pour la libération des prisonniers d’opinion lui a permis de bénéficier du statut d’organisme à caractère consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations unies, de l’UNESCO, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Etats américains, entre autres1.

Les « prisonniers d’opinion »

AI publie chaque année un rapport sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Presque aucun pays n’échappe à son regard vigilant. Concernant Cuba, l’organisation internationale fait état de « 69 prisonniers d’opinion » dans son rapport 2007 et explique que ces derniers sont incarcérés pour « leurs positions ou activités politiques non violentes ». Le gouvernement cubain récuse cette charge et accuse AI de partialité. Les relations ont été rompues entre l’organisation et les autorités du pays depuis 1988, date de la dernière visite de AI à Cuba2.

Dans une déclaration du 18 mars 2008, AI a cette fois-ci dénombré « 58 dissidents toujours emprisonnés à travers le pays ». L’organisation souligne que « le seul crime commis par ces 58 personnes est d’avoir exercé de manière pacifique leurs libertés fondamentales ». Kerry Howard, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International, note qu’elle « les considère comme des prisonniers d’opinion. Ces personnes doivent être remises en liberté sans délai et sans condition3 ».

Dans son communiqué, l’organisation internationale reconnaît que « la plupart ont été inculpés d’‘actes contre l’indépendance de l’Etat’ ». Amnesty International reconnaît également que ces personnes ont été condamnées « pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba4 ».

Pour se convaincre d’une telle réalité, en vigueur depuis 1959, il suffit de consulter, en plus des archives étasuniennes partiellement déclassifiées, la section 1705 de la loi Torriccelli de 1992, la section 109 de la loi Helms-Burton de 1996 et les deux rapports de la Commission d’Assistance à une Cuba libre de mai 2004 et juillet 2006. Tous ces documents révèlent que le président des Etats-Unis finance l’opposition interne à Cuba dans le but de renverser le gouvernement de La Havane. Il s’agit là du principal pilier de la politique étrangère de Washington à l’égard Cuba5.

Ainsi, la section 1705 de la loi Torricelli stipule que « les Etats-Unis fourniront une assistance, à des organisations non gouvernementales appropriées, pour soutenir des individus et des organisations qui promeuvent un changement démocratique non violent à Cuba6 ».

La section 109 de la loi Helms-Burton est également très claire : « Le Président [des Etats-Unis] est autorisé à fournir une assistance et offrir tout type de soutien à des individus et des organisations non gouvernementales indépendantes pour soutenir des efforts en vue de construire la démocratie à Cuba7 ».

Le premier rapport de la Commission d’assistance à une Cuba libre prévoit la mise en place d’un « solide programme de soutien favorisant la société civile cubaine ». Parmi les mesures préconisées, un financement à hauteur de 36 millions de dollars est destiné au « soutien de l’opposition démocratique et au renforcement de la société civile émergeante8 ».

Le 3 mars 2005, M. Roger Noriega, secrétaire assistant pour les Affaires de l’hémisphère occidental de l’administration Bush, a signalé que 14,4 millions de dollars avaient été ajoutés au budget de 36 millions de dollars prévu dans le rapport de 2004. M. Noriega a même poussé la sincérité jusqu’à dévoiler l’identité de certaines personnes travaillant à l’élaboration de la politique étrangère étasunienne contre Cuba9.

Enfin, le second rapport de la Commission d’assistance à une Cuba libre prévoit un budget de 31 millions de dollars pour financer davantage l’opposition interne. De plus, un financement d’au moins 20 millions de dollars annuels est alloué à ce même effet pour les années suivantes « jusqu’à ce que la dictature cesse d’exister10 ».

Ainsi, aucun doute n’est possible à ce sujet.

Contradictions

AI admet désormais que les personnes qu’elle considère comme des « prisonniers d’opinion » ont « reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba ». C’est ici que l’organisation internationale entre en pleine contradiction.

En effet, le droit international considère comme illégal le financement d’une opposition interne dans une autre nation souveraine. Une telle politique viole de manière flagrante les principes et les normes qui régissent les relations entre les Etats. Tous les pays du monde disposent d’un arsenal juridique leur permettant de défendre l’indépendance nationale contre ce type d’agression étrangère, en codifiant comme délits les conduites qui favorisent l’application de telles dispositions menant à la subversion. Il s’agit là d’un devoir primordial de tout Etat.

La législation cubaine

La législation cubaine punit de sanctions très sévères toute association avec une puissance étrangère dans le but de subvertir l’ordre établi et de détruire son système politique, économique et social. La loi n° 88 de protection de l’indépendance nationale et de l’économie de Cuba a été adoptée le 15 mars 1999, suite à la décision prise par les Etats-Unis d’accroître les sanctions économiques et le financement de l’opposition interne à Cuba.

Cette législation a pour but, comme le stipule l’Article 1, de « typifier et sanctionner les actes destinés à soutenir, faciliter ou collaborer avec les objectifs de la loi ‘Helms-Burton’, le blocus et la guerre économique contre [le] peuple [cubain], destinés à briser l’ordre interne, déstabiliser le pays et liquider l’Etat socialiste et l’indépendance de Cuba11 ».

La loi prévoit des sanctions de sept à quinze ans de privation de liberté pour toute personne qui « fournirait, directement ou par le biais d’un tiers, au gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, ses agences, dépendances, représentants ou fonctionnaires, des informations pour faciliter les objectifs de la loi ‘Helms-Burton’. Cette sanction sera de huit à vingt ans de prison si le délit est commis conjointement par plusieurs personnes ou s’il est stipendié d’une manière ou d’une autre12.

La législation n° 88 sanctionne d’une peine de trois à huit ans de prison le fait d’accumuler, reproduire ou diffuser du matériel à caractère subversif du « gouvernement des Etats-Unis, ses agences, dépendances, représentants, fonctionnaires ou de toute entité étrangère » dans le but de soutenir les objectifs des sanctions économiques et déstabiliser la nation. Les peines seront de quatre à dix ans d’emprisonnement si le délit est réalisé avec le concours d’autres personnes ou s’il est financé13.

Enfin, l’Article 11 stipule que « celui qui […] directement ou par le biais d’un tiers, reçoit, distribue ou participe à la distribution de ressources financières, matérielles ou autre, en provenance du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, ses agences, dépendances, représentants, fonctionnaires ou d’entités privées, est passible d’une privation de liberté de trois à huit ans14 ».

Ainsi, comme l’admet explicitement Amnesty International, les personnes qu’elle considère comme étant des « prisonniers d’opinion » ont en réalité commis un grave délit sévèrement sanctionné par la loi cubaine. Ce faisant, ils sont passés du statut d’opposants à celui d’agents stipendiés par une puissance étrangère et sont donc condamnables au regard de la justice cubaine. Les « prisonniers d’opinion » sont en réalité des mercenaires au service d’une puissance étrangère hostile et belliqueuse.

Spécificité pénale cubaine ?

Il convient également de souligner que les Etats-Unis ont été historiquement l’ennemi acharné de l’indépendance et de la souveraineté de Cuba. En 1898, Washington est intervenu dans la guerre anticoloniale cubaine pour empêcher les Cubains d’accéder pleinement à l’autodétermination et a occupé le pays jusqu’en 1902. Par la suite, Cuba est devenue une espèce de protectorat dominé politiquement et économiquement jusqu’en 1958. A partir de 1959, les Etats-Unis ont tout tenté pour détruire la Révolution cubaine : attentats terroristes, invasion armée, menace de désintégration nucléaire, sanctions économiques, guerre politique, médiatique et diplomatique et subversion interne.

Comme tout Etat responsable, le gouvernement révolutionnaire a adopté des mesures légales pour sa survie contre de tels agissements. Cependant, la législation pénale cubaine dispose-t-elle d’un caractère particulier ? Est-elle unique ? Voyons ce que prévoient les législations occidentales – qui, pourtant, ne font pas face aux mêmes menaces que Cuba – pour les individus qui se mettraient au service d’une puissance étrangère.

Le Code pénal étasunien

Aux Etats-Unis, de tels agissements sont fortement sanctionnés. Selon le paragraphe 951 du Code pénal, « quiconque, autre qu’un fonctionnaire diplomatique ou consulaire ou attaché, agit aux Etats-Unis en tant agent d’un gouvernement étranger sans notification préalable au Ministre de la Justice […] est passible à ce titre d’une peine pouvant atteindre dix ans de prison ». Le point e/2/A du paragraphe précise que « toute personne engagée dans une transaction commerciale légale doit être considérée comme un agent d’un gouvernement étranger […] s’il s’agit d’un agent de Cuba ». Ainsi, un Cubain qui achèterait un appareil médical aux Etats-Unis pour un hôpital de La Havane est légalement passible d’une peine pouvant atteindre dix ans de prison15.

Le paragraphe 953, connu sous le nom de loi Logan, stipule que « tout citoyen des Etats-Unis, quel qu’il soit, qui, sans autorisation des Etats-Unis, entreprend ou maintient, directement ou indirectement, une correspondance ou une relation avec un gouvernement étranger ou tout fonctionnaire ou agent de celui-ci, dans l’intention d’influencer les mesures ou la conduite d’un gouvernement étranger ou de tout fonctionnaire ou agent de celui-ci, par rapport à un conflit ou une controverse avec les Etats-Unis » est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison16.

Si une telle loi était appliquée à Cuba, l’immense majorité de ce que la presse occidentale considère comme étant la « dissidence cubaine » se trouverait sous les verrous. En effet, les opposants cubains se réunissent régulièrement avec le représentant des Etats-Unis à La Havane, Michael Parmly, dans les bureaux de la Section d’intérêts nord-américains (SINA) ou même dans la résidence personnelle de celui-ci.

Le paragraphe 954 prévoit une peine de dix ans de prison pour toute personne qui émettrait de « fausses déclarations » dans le but de porter atteinte aux intérêts des Etats-Unis dans ses relations avec une autre nation17. Là encore, si l’opposant Oswaldo Payá – qui accuse le gouvernement cubain d’être responsable de disparitions et d’avoir assassiné plus de « vingt enfants » – était soumis à une législation aussi sévère que celle des Etats-Unis, il serait actuellement en prison, sans susciter aucun émoi auprès des âmes bien-pensantes occidentales. Pourtant le plus célèbre des dissidents cubains n’a jamais été inquiété par la justice cubaine, car celle-ci n’a pas de preuves qu’il reçoit de l’argent d’une puissance étrangère. A titre de comparaison, Raúl Rivero, qui était un opposant relativement modéré et frileux par rapport à Payá, avait été condamné à vingt ans de prison (et libéré un an plus tard) car il avait accepté les généreux émoluments offerts Washington18.

Le paragraphe 2 381 stipule que « quiconque, devant allégeance aux Etats-Unis, mène une guerre contre le pays ou s’associe à ses ennemis, en leur fournissant une aide et un soutien aux Etats-Unis ou ailleurs, est coupable de trahison et est passible de la peine de mort, ou d’une peine de prison supérieure à cinq ans19 ».

Ainsi, si des citoyens étasuniens avaient eu les mêmes agissements que les individus reconnus coupables d’association avec une puissance étrangère par la justice cubaine, ils risqueraient la peine capitale. Le paragraphe 2 385 prévoit une peine de vingt ans de prison pour toute personne prônant le renversement du gouvernement ou de l’ordre établi20.

Comme cela est aisément constatable, le code pénal étasunien est, à maints égards, bien plus sévère que la législation cubaine.

La legislation pénale française

Le Code pénal français prévoit également des sanctions extrêmement sévères en cas d’association avérée avec une puissance étrangère. Selon l’article 411-4,

« Le fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France, est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait de fournir à une puissance étrangère, à une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents les moyens d’entreprendre des hostilités ou d’accomplir des actes d’agression contre la France21 ».

La loi française est, à cet égard, plus sévère que la législation cubaine.

La loi espagnole

Le Code pénal espagnol de 1995 prévoit des sanctions sévères pour ces mêmes délits. Selon l’Article 592, « les personnes maintenant des intelligences ou des relations de tout type avec des gouvernements étrangers, avec leurs agents ou avec des groupes, organismes ou associations internationales ou étrangères, dans le but de porter préjudice à l’autorité de l’Etat ou de compromettre la dignité ou les intérêts vitaux de l’Espagne, seront punis d’une peine de prison de quatre à huit ans22 ».

L’Article 589 prévoit une peine de un à trois ans de prison pour « toute personne qui publierait ou exécuterait en Espagne n’importe quel ordre, disposition ou document d’un gouvernement étranger qui porte atteinte à l’indépendance ou à la sécurité de l’Etat, s’oppose au respect de ses lois ou provoque leur violation23 ». Si les fameuses Dames en Blanc cubaines avaient eu le même comportement en Espagne, elles seraient privées de liberté.

Le Code pénal belge

Le Chapitre II de la législation belge qui traite « des crimes et des délits contre la sûreté extérieure de l’Etat » et plus précisément l’Article 114, stipule que « quiconque aura pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou avec toute personne agissant dans l’intérêt d’une puissance étrangère, pour engager cette puissance à entreprendre la guerre contre la Belgique, ou pour lui en procurer les moyens, sera puni de la détention de vingt ans à trente ans. Si des hostilités s’en sont suivies il sera puni de détention à perpétuité24 ».

La législation italienne

Selon l’Article 243 du Code pénal italien, « quiconque entretient des intelligences avec l’étranger dans le but qu’un Etat étranger déclare la guerre ou réalise des actes d’hostilité contre l’Etat italien, ou bien commette d’autres faits dans le même but, est puni à une réclusion non inférieure à dix ans. Si la guerre s’ensuit, la peine de mort est appliquée [1] ; si les hostilités se vérifient, la réclusion criminelle à perpétuité est appliquée. [1] La peine de mort est supprimée et substituée par la réclusion à perpétuité25 ».

L’Article 246 traite du financement du citoyen par une puissance étrangère : « Le citoyen, qui, même indirectement, reçoit ou se fait promettre de l’étranger, pour lui-même ou pour autrui, de l’argent ou n’importe quel article, ou en accepte seulement la promesse, afin de commettre des actes contraires aux intérêts nationaux, est sanctionné, si le fait ne constitue pas l’acte le plus grave, de la réclusion de trois à dix ans ». La peine est augmentée si « l’argent ou l’article sont remis ou promis par le biais d’une propagande avec le moyen de la presse26 ».

Ainsi, la législation italienne est bien plus sévère que la loi cubaine. Si les célébrissimes dissidents tels que Payá, Marta Beatriz Roque ou Elizardo Sánchez se trouvaient en Italie, ils seraient en prison et non pas en liberté.

La loi suisse

Même la pacifique Suisse prévoit des sanctions pour délit d’association avec une puissance étrangère. L’Article 266 du Code pénal stipule que :

« 1. Celui qui aura commis un acte tendant à porter atteinte à l’indépendance de la Confédération ou à mettre en danger cette indépendance, ou à provoquer de la part d’une puissance étrangère, dans les affaires de la Confédération, une immixtion de nature à mettre en danger l’indépendance de la Confédération, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins.

2. Celui qui aura noué des intelligences avec le gouvernement d’un Etat étranger ou avec un de ses agents dans le dessein de provoquer une guerre contre la Confédération sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au moins.

Dans les cas graves, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté à vie ».

L’Article 266 bis est également très clair :

« 1 Celui qui, à l’effet de provoquer ou de soutenir des entreprises ou menées de l’étranger contre la sécurité de la Suisse, sera entré en rapport avec un Etat étranger, ou avec des partis étrangers, ou avec d’autres organisations à l’étranger, ou avec leurs agents, ou aura lancé ou propagé des informations inexactes ou tendancieuses, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Dans les cas graves, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté d’un an au moins27 ».

La législation suédoise

En Suède, le Code Pénal prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement pour « celui qui perçoit de l’argent ou d’autres dons d’une puissance étrangère ou de quiconque agit dans l’intérêt de celle-ci, afin de publier ou diffuser des écrits, ou d’influencer de quelque façon que ce soit l’opinion publique en ce qui concerne l’organisation interne de l’Etat28 ».

Cette démocratie scandinave sanctionne également « celui qui propage ou transmet à des puissances étrangères ou à leurs agents des informations inexactes ou tendancieuses, dans le but de créer des menaces pour la Sécurité de l’Etat ». Enfin, une peine allant de dix ans à la réclusion criminelle à perpétuité est appliquée à « celui qui constitue une menace contre la sécurité de l’Etat pour avoir utilisé des moyens illégaux avec l’appui d’une puissance étrangère29 ».

Agents au service d’une puissance étrangère et non « prisonniers d’opinion »

Les exemples pourraient être multipliés à l’infini. Dans n’importe quel pays du monde, l’association avec une puissance étrangère est sévèrement sanctionnée par la loi et il n’est donc point possible d’accorder le qualificatif de « prisonniers d’opinion » aux individus stipendiés par un gouvernement étranger, comme cela est le cas pour les détenus cubains, ce que reconnaît d’ailleurs très honnêtement Amnesty International.

Amnistie Internationale est une organisation réputée pour son sérieux, son professionnalisme et son impartialité. Mais le traitement qu’elle réserve à Cuba est sujet à caution. Afin de continuer à jouir du même prestige et de la même objectivité, AI serait avisée de reconsidérer, sans plus attendre, son jugement à l’égard de ceux qu’elle considère comme étant des « prisonniers d’opinion » à Cuba, car la double mesure n’est pas acceptable.


Notes

1 Amnesty International, « L’histoire d’Amnesty International », pas de date. http://www.amnesty.org/fr/who-we-are/history (site consulté le 23 avril 2008).

2 Amnesty International, « Cuba. Rapport 2007 », avril 2007. http://www.amnesty.org/fr/region/americas/caribbean/cuba#report (site consulté le 23 avril 2008).

3 Amnesty International, « Cuba. Cinq années de trop, le nouveau gouvernement doit libérer les dissidents emprisonnés », 18 mars 2008. http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/cuba-cinq-ann%C3%A9es-de-trop-le-nouveau-gouvernement-doit-lib%C3%A9rer-les-dissid(site consulté le 23 avril 2008).

4 Ibid.

5 Salim Lamrani, Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme (Paris : Editions Estrella, 2008), pp. 45-55.

6 Cuban Democracy Act, Titre XVII, Section 1705, 1992.

7 Helms-Burton Act, Titre I, Section 109, 1996.

8 Colin L. Powell, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, mai 2004). www.state.gov/documents/organization/32334.pdf (site consulté le 7 mai 2004), pp. 16, 22.

9 Roger F. Noriega, « Assistant Secretary Noriega’s Statement Before the House of Representatives Committee on International Relations », Department of State, 3 mars 2005. www.state.gov/p/wha/rls/rm/2005/ql/42986.htm (site consulté le 9 avril 2005).

10 Condolezza Rice & Carlos Gutierrez, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, juillet 2006). www.cafc.gov/documents/organization/68166.pdf (site consulté le 12 juillet 2006), p. 20.

11 Gaceta Oficial de la República de Cuba, Ley de protección de la independencia nacional y la economía de Cuba (LEY NO 88), 15 mars 1999.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Ibid.

15 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 45, § 951.

16 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 45, § 953.

17 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 45, § 954.

18 El Nuevo Herald, “Mensaje de Payá destaca que en la isla hay desaparecidos”, 18 mars 2005, p. 23A.

19 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 115, § 2381.

20 U.S. Code, Title 18, Part I, Chapter 115, § 2385.

21 Code Pénal Français, Livre IV,Chapitre I, Section 2, Article 411-4.

22 Code Pénal Espagnol de 1995, chapitre II, Article 592.

23 Code Pénal Espagnol de 1995, chapitre II, Article 589.

24 Code Pénal Belge, Chapitre II, Article 114.

25 Code Pénal Italien, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 243.

26 Code Pénal Italien, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 246.

27 Code Pénal Suisse, Article 266.

28 Code Pénal Suédois, Chapitre 19, Article 13.

29 Code Pénal Suédois, Chapitre 19, Article 8.


Salim Lamrani est enseignant, essayiste et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a publié Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises, 2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli, 2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin : Le Temps des Cerises, 2006).

Il vient de publier Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits de l’homme (Paris : Editions Estrella, 2008).

Contact : lamranisalim@yahoo.fr


À lire aussi : Cuba, 50 ans de révolution dans : L’Humanité.

Opinion Scène internationale

Le plus grand défi de Barack Obama

Fallait-il mettre ce mot dans la rubrique Édito ou dans la rubrique Repères ? Voilà un bien maigre dilemme au moment où Barak Obama est investi des pleins pouvoirs à la présidence des États-Unis. Pour le moment, je navigue entre mon blogue et la télé espérant que l’ouverture sur le monde qu’annonce le nouveau président des États-Unis, par opposition à la politique de confrontation de son prédécesseur, Georges W. Bush, convertira l’ immense espoir de paix suscité par son élection, en réalité.

Si seulement la politique américaine était celle d’un seul homme, d’un seul président. Hélas! Obama est à la tête du Parti démocrate et l’histoire démontre que dans la solution des grands enjeux internationaux et nationaux, la liberté et la démocratie n’ont jamais été l’oeuvre d’une grande personnalité. En la matière, les Démocrates et les Républicains se sont perpétuellement échangé les bonnes manières. Paradoxalement, ce sont les démocrates, avec une autre grande personnalité porteuse d’espoir, John F. Kennedy, qui ont attaqué militairement Cuba, sans avertissement, avec entre autres la mission d’assassiner Fidel Castro. C’est encore le successeur de Kennedy, Lyndon B. Johnson un autre Démocrate, qui a déclenché les premières attaques militaires contre le Vietnam, tandis qu’il a fallu attendre la venue au pouvoir d’un Républicain, Richard Nixon, pour signer les Accords de Paris qui allaient en 1973 mettre fin à la guerre du Vietnam.

L’histoire moderne des États-Unis est marquée par une lutte féroce entre le complexe militaro-industriel et le monde financier, dont les intérêts ont fini par fusionner au cours des dernières décennies, au point de faire disparaître pratiquement toutes les différences apparentes entre Démocrates et Républicains. Dans la forme et le discours toutefois, les Démocrates ont toujours tenu un propos plus proche des préoccupations populaires. Avec l’isolement politique et la haine suscitée à leur égard dans le monde ; avec des centaines de milliards de dollars détournés vers l’industrie militaire et l’une des plus graves crises financières de leur histoire, une crise qui s’accompagne de millions de mises à pied et de centaines de milliards de dollars détournés cette fois vers les grandes institutions financières et en l’absence d’une alternative politique de masse, le discours de Barack Obama ne peut pas ne pas laisser une empreinte profonde auprès de la population américaine ainsi qu’ un grand espoir de renouveau et de dialogue à travers le monde.

Les principaux défis d’Obama

La liste est longue des principaux défis qu’attendent Obama. Il a lui-même mis la barre assez haute en s’engageant à fermer rapidement la prison de Guantanamo et d’ordonner le retrait des troupes américaines d’Irak. Dans son  discours il a maintenu sa décision de faire reposer le développement économique des États-Unis sur les acquis de la science et de la technologie, notamment dans le domaine environnemental. Il devra toutefois composer avec la contradiction de sa politique en Irak et celle de poursuivre la guerre en Afghanistan ; entre sa déclaration d’une politique de dialogue et de paix, notamment avec les dirigeants iraniens et son appui aux Israéliens dans la guerre de ces derniers contre les Palestiniens.

Donnons la chance au coureur serait sans doute la formule la plus appropriée ici. Mais retenons que d’autres enjeux majeurs attendent le nouveau président des États-Unis. Pour être conséquent avec ses propos sur un monde de paix, de dialogue et libéré des tensions militaires, les États-Unis devront mettre fin à leur projet d’installation des missiles soi-disant antimissiles, pouvant atteindre la Russie à partir de la Pologne. Plus près de chez eux, ils devraient non seulement fermer la prison de Guantanamo, mais mettre fin à leur embargo économique contre Cuba. Ils devraient en fait se retirer complètement de Guantanamo et retourner ce territoire à son propriétaire cubain tout comme ils devraient cesser  leurs efforts de déstabilisation en Amérique latine.

Les mois qui viennent nous diront vraiment ce que peut faire une forte personnalité démocrate à l’intérieur d’un gouvernement et d’un parti dont la tradition repose généralement sur la défense des intérêts des puissances économiques qui dirigent vraiment ce pays. Chose certaine, la grandeur de l’espoir que fait naître Barack Obama aujourd’hui, illustre au plus haut point le désaveu des politiques américaines tant aux États-Unis que dans le monde. Il illustre aussi l’énorme appui dont jouit le nouveau président des États-Unis.

Le plus grand défi d’Obama sera de cultiver cet appui par sa détermination à réorienter la politique américaine et sa capacité de mobiliser la population et les forces démocratiques à chaque fois que le pouvoir du complexe militaro, industriel et financier, toujours bien représenté tant chez les Démocrates que chez les Républicains, voudra maintenir l’orientation néolibérale du précédent gouvernement US.