Archives du tag: faire de la politique autrement

Opinion Scène québécoise

Faire de la politique autrement ou faire autrement de la vieille politique

Dimanche dernier, la radio de Radio-Canada tenait une ligne ouverte après l’émission télévisée ‘Tout le monde en parle’ sur le thème « Comment faire de la politique autrement ». Inspirée par la présence de Françoise David à l’émission de Guy A. Lepage, cette question n’a malheureusement pas trouvé de réponse sérieuse sinon qu’il fallait changer de ton à l’Assemblée nationale. Pourquoi?

Parce que faire de la politique autrement ne tient pas de la manière dont on fait de la politique, mais du choix des politiques que l’on met de l’avant. En d’autres mots pour faire de la politique autrement il faut faire d’autres politiques. La manière alors changera du tout au tout. La démagogie, le cynisme, les propos fuyants céderont la place aux intérêts ouverts qui seront défendus tant à l’Assemblée nationale que dans tout le réseau de l’État. Françoise David ne fait pas de la politique autrement parce qu’elle a un beau sourire, mais parce qu’elle réclame que l’État serve les intérêts du peuple en premier lieu.

De ce point de vue les premières décisions du gouvernement Marois sont intéressantes. Il s’agit sans doute de la direction péquiste qui se rapproche le plus de celle de René Lévesque en 1976. Ce dernier avait commencé son règne par l’adoption de mesures visant à consolider sa base populaire. Adoption de la loi anti-briseurs de grève, réforme de la loi électorale, adoption de la loi 101… Mme Marois confirme dès son assermentation à l’Assemblée nationale l’abolition de la taxe santé, l’abolition de la hausse des frais de scolarité, la fermeture de Gentilly-2…

Toutefois, il ne fallut pas longtemps au gouvernement Lévesque pour réajuster le tir et mettre l’emphase sur les garanties fournies à la classe dominante qu’il sera avant tout un « bon gouvernement ». Un euphémisme pour dire « un gouvernement à votre service ». Il avait déjà en vue les négociations avec le secteur public et sa volonté de limiter le rôle de l’État, suivant en cela le signal donné par le gouvernement Carter aux États-Unis que nous entrions dorénavant dans l’ère du néolibéralisme. Pauline Marois quant à elle n’aura pas pris autant de temps pour annoncer son intention d’assurer l’équilibre budgétaire, se voulant à son tour rassurante vis-à-vis l’establishment économique.

L’establishment n’a d’ailleurs pas tardé à faire front uni pour dénoncer haut et fort l’« injustice » de la taxe envisagée par le gouvernement péquiste aux plus riches de la société québécoise pour compenser le manque à gagner provoqué par l’abolition de la taxe santé. Quelle injustice en effet! On envisage même une taxe rétroactive au début de l’année en cours. Et les travailleurs eux, dont la contribution sera toujours plus grande que celle des riches au fardeau fiscal lorsqu’ils rempliront leur déclaration de revenus, ne seront-ils pas taxés à partir du début de l’année en cours? On peut sans doute se demander si les grandes corporations et ceux qui bénéficient des évasions fiscales, les banques et le monde de la haute finance, ne pourraient pas être mieux mis à profit. Mais la réalité c’est que les bénéficiaires de la richesse ne veulent surtout pas voir leurs privilèges accumulés depuis des décennies amputés d’un iota. Ce n’est pas la rétroactivité qui les gêne le plus, mais bien le rééquilibrage fiscal lui-même. Ils étaient pourtant bien silencieux lorsque leur gouvernement Charest a décidé d’imposer une taxe santé qui faisait payer par ce qu’on appelle abusivement la classe moyenne, leur propre assurance maladie. Pour eux le carré rouge était le symbole de l’anarchie et du chaos. Les voilà prêts aujourd’hui à monter aux barricades tout en confondant justice et privilèges.

Le gouvernement Marois a bien amorcé son mandat. Comment réagira-t-il aux pressions de la droite. Toute la question est là. Choisira-t-il de faire de la politique autrement ou de faire autrement de la vieille politique. La réponse à cette question dépendra soit de la capacité du gouvernement et de la droite à faire taire la pression populaire, soit à la mobilisation populaire d’influencer le gouvernement dans la bonne direction.

Opinion Scène québécoise

La crise au PQ et les choix de Québec solidaire

Ces jours derniers, les médias y compris les médias sociaux n’en ont que pour la crise au Parti québécois et les tactiques électoralistes du PQ et de Québec solidaire.

Depuis le départ de François Rebello, qui a décidé de joindre les rangs de la CAQ (Coalition avenir Québec), on assiste du côté du Parti québécois à une véritable chute aux enfers. Cette crise est pire que celles qui secouent le parti depuis la présentation du projet de Loi 204 visant à sécuriser l’entente sur l’amphithéâtre de Québec entre le maire Labaume et Québécor. Malgré la concentration des analyses sur le sort de Pauline Marois et les magouilles de Gilles Duceppe, c’est avant tout le sort du Parti québécois lui-même qui est véritablement en cause ici. Ce qui fait dire aux éléments les plus juvéniles de Québec solidaire que ce dernier ne devrait faire aucune entente avec le PQ, tant ils sont convaincus que la disparition du Parti québécois profitera grandement à Québec solidaire.

Vrai et faux! La réalité est que la crise au PQ ne découle pas principalement de l’abandon de sa base populaire, mais de cette frange de la bourgeoisie nationale qui l’avait appuyée jusqu’à présent. Ces classes économiques se sont toujours opposées au contrôle exclusif des grandes puissances financières et industrielles personnalisées par le gouvernement du Parti libéral sur l’État québécois. On assiste présentement à un véritable jeu de sauvetage à la chaîne. La corruption et l’isolement du PLQ lui ayant soutiré sa confiance depuis la crise de l’industrie de la construction et du financement des partis politiques, l’establishment économique, Charles Sirois et Paul Desmarais en tête, se sont tournés vers la CAQ, une sorte de tête bicéphale, avec cette idée que François Legault irait chercher l’appui des classes moyennes (*) hésitantes, en particulier au sein des appuis traditionnels du Parti québécois. Tandis que le PQ qui a toujours véhiculé les intérêts de la petite et moyenne bourgeoisie du Québec avec un visage plus « social-démocrate » afin de maintenir l’appui de l’ensemble des travailleurs et de la population, se sent obligé d’aller plus loin encore vers sa gauche et jongle sérieusement avec l’idée d’une alliance électorale avec Québec solidaire. Ce qui est déjà une victoire en soi pour QS.

On est loin du débat sur la question nationale et la souveraineté. Ou, pour être plus précis, on commence à réaliser que le débat sur la souveraineté ne peut pas se situer au-dessus de tout contenu de classes. Pour qui la souveraineté? Quelle sorte de souveraineté?

Il sera intéressant de voir comment le mouvement syndical, la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec en particulier, se positionnera face à cette toute nouvelle conjoncture. On sait que le PQ et la FTQ, malgré toutes les dérives néolibérales et de droite des gouvernements péquistes successifs, avaient renforcé leur appui réciproque avec la création du Fonds de solidarité de la FTQ alors que Jacques Parizeau était ministre des Finances du Québec.

Les analyses les plus superficielles aujourd’hui, évaluent le bien-fondé d’une alliance tactique entre le Parti québécois et Québec solidaire en vue des prochaines élections, souvent en fonction du nombre de députés en plus ou en moins pour chacun des partis. Mais le véritable enjeu est bien supérieur, particulièrement pour Québec solidaire, le seul véritable parti de gauche au Québec. Hélas! sa principale faiblesse réside toujours dans une certaine coupure avec le mouvement syndical. D’un côté parce que plusieurs de ses membres, issus d’une frange antisyndicaliste du mouvement populaire refuse systématiquement un tel rapprochement. De l’autre côté parce que le mouvement syndical a donné depuis sa naissance, un appui quasi biologique au Parti québécois. Or le plus grand bienfait d’une entente électorale entre Québec solidaire et le Parti québécois serait précisément de forcer le mouvement syndical à élargir son appui aux candidatures de Québec solidaire.
Tous les partis aujourd’hui, à l’exception du PLQ font leur, le slogan de Jack Layton, qui appelle à faire de la politique autrement. Dans les circonstances actuelles, faire de la politique autrement signifie faire passer les intérêts de la population avant les intérêts étroits de chaque parti. En cela, l’ouverture de Pauline Marois en faveur d’une telle entente est significative et mérite une sérieuse considération de la part de QS. À défaut d’une telle entente, c’est une coalition de l’establishment économique avec la petite bourgeoisie nationale autour de la CAQ qui se réalisera. Avec le risque énorme de faire régresser le Québec de plusieurs années en arrière, comme on le voit à Ottawa présentement. Et cela, même avec quelques députés de Québec solidaire à l’Assemblée nationale.


* Par classes moyennes j’entends principalement les propriétaires de petites et moyennes entreprises et les plus hauts salariés du corps professionnel et de l’État.