Personne ne pourrait sérieusement nier que la crise politique à Ottawa, caractérisée par la diabolisation des représentants du Bloc québécois par Stephen Harper, une semaine avant les élections provinciales, aura contribué à polariser le vote entre Parti libéral et Parti québécois. Cela rend d’autant plus méritoire et significative l’élection d’un premier député de gauche à l’Assemblée nationale du Québec.
Il faut le dire clairement. Le Parti libéral et le Parti québécois sont deux partis politiques de droite avec des positions néolibérales. Malgré ses prétentions, le Parti québécois n’est pas social-démocrate ni un parti de gauche. Naviguant dans les marais entre droite et gauche le Parti québécois a abandonné très tôt au début des années ’80, son soi-disant préjugé favorable envers les travailleurs, alors que ses lois les plus farouchement anti-syndicales, contre les travailleurs de la fonction publique, avaient été défaites par la Cour suprême du Canada. Faut le faire… pour un parti qui se prétend social-démocrate et souverainiste. Imaginons le genre de souveraineté qu’apporterait un tel parti lorsque les travailleurs québécois n’auraient plus la protection de la Cour suprême du Canada.
Tout cela c’est le passé, pensez-vous ? Le nationalisme de droite du Parti québécois a néanmoins rapidement refait surface lorsque Mario Dumont et son parti d’ultra-droite, l’Action démocratique du Québec (ADQ), dont Jean Charest et Pauline Marois vantent les mérites aujourd’hui en soulignant ce que les deux appellent « la contribution essentielle » de Mario Dumont, a déclenché sa campagne contre les accommodements raisonnables. Sans compter l’option d’une coalition entre péquistes et adéquistes évoquée par Pauline Marois jusqu’à la dernière minute de la campagne électorale. Démagogiques, irresponsables et fortement de droite, tous les partis politiques de l’Assemblée nationale ont profité de l’absence d’une véritable voix de gauche au parlement, pour enliser le Québec dans un cul-de-sac propre à cultiver le cynisme et le désabusement de la population face à la politique. Un cynisme qui s’est révélé hier dans le plus faible taux de participation, 56%, depuis les années ’20.
Plusieurs aujourd’hui, en commençant par Louise Harel qui s’était ouvertement opposée à un mode de scrutin proportionnel au Québec, cherchent à dénigrer la signification du vote Québec solidaire dans Mercier, adoptant envers l’électorat de Mercier à peu près la même attitude méprisante que Harper envers la députation du Québec à Ottawa. Elle qui fut jadis associée à la gauche du Parti québécois, mais qui ne s’est jamais opposée aux positions de droite de son parti. La réalité, c’est que le vote Québec solidaire dérange et constitue sans doute la seule véritable bonne nouvelle de l’élection générale de lundi.
La présence d’un courant de gauche à l’Assemblée nationale, même si l’on ne peut exagérer ses capacités avec un seul député et une règlementation susceptible de le baillonner la plupart du temps, fera davantage pour le Québec que la « forte » opposition du Parti québécois, dont se vante aujourd’hui Pauline Marois. Comme durant la campagne électorale, où Québec solidaire fut exclu du débat des chefs, rien n’empêchera les idées de Québec solidaire de se disséminer parmi la population. Journalistes, artistes et intellectuels ont déjà commencé à souligner le vent de fraicheur apporté par Amir Khadir et Françoise David par leurs propos et les politiques de QS. Des enjeux tels que la gratuité de l’éducation jusqu’au niveau universitaire, un système de santé de qualité, public et gratuit, une économie en lien avec un développement durable et écologique, l’augmentation du salaire minimum pour atteindre le niveau du seuil de la pauvreté, la justice sociale, l’équité salariale… mis sous le tapis ou démagogiquement contournés par la droite, ne pourront dorénavant être évités.
Lors de son allocution lundi soir devant les membres de Québec solidaire, Amir Khadir a souligné l’importance des appuis reçus. Parmi ceux-ci, il a mentionné le courage et l’audace du Conseil central de Montréal de la CSN. Avec la croissance des appuis à Québec solidaire en région, l’appui du mouvement syndical dans son ensemble, CSN, FTQ et CSQ, constitue le plus grand défi de Québec solidaire dans les mois à venir. Le fort courant de droite qui a gagné la politique québécoise au cours des 30 dernières années a tenu le mouvement syndical pratiquement au silence sur le plan politique, à part son appui unilatéral (unilatéral dans le sens qu’il ne lui était rien rendu en retour) au Parti québécois. Aujourd’hui le mouvement syndical, qui devrait être un allié naturel de Québec solidaire, a une arme politique à sa portée. Au moment d’une crise économique sans précédent dont il faut à tout pris éviter qu’elle ne soit résolue sur le dos des travailleurs, le mouvement syndical ne peut se payer le luxe de la neutralité politique et encore moins de revenir en arrière avec un Parti québécois qui a eu près de quatre décennies pour faire les choses autrement.
Seul Québec solidaire représente les intéréts de la population en général et des travailleurs en particulier, sans ambiguité et sans recourir au double discour qui est le propre des autres partis à l’Assemblée nationale.