L’affaire Arar : comment le mensonge peut être efficace

L’histoire des accusations contre Maher Arar, une des plus sordides affaires dans l’histoire des coups montés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) fit un tollé cette semaine dans les médias. Il n’en fallait pas plus pour que le sujet fasse la manchette de l’émission Ouvert le samedi aujourd’hui le 23 septembre 2006.
Bien pensants comme ils peuvent l’être, Michel Lacombe et Christopher Hall n’ont pas hésité à qualifier de mensonges les affirmations de la GRC contenues dans le rapport remis aux autorités américaines, incitant ces dernières à déporter Arar en Syrie, où il fut par la suite victime de torture. Les deux spécialistes invités à l’émission, Michel Juneau-Katsuya, ancien directeur du Service canadien de renseignement et responsable d’un groupe de consultants en sécurité internationale et Stéphane Leman-Langlois, professeur au Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, se sont empressés de corriger les propos de leurs hôtes, affirmant que la GRC n’a pas nécessairement menti, mais aurait sans doute fait des erreurs et mal interprété les faits, ayant été particulièrement téméraire en remettant ces informations aux États-Unis. Mais encore faut-il comprendre qu’en 2002, précisent les invités, tout le monde était nerveux et qu’après tout, Arar ne fut peut-être qu’une simple victime des circonstances.

Puisqu’on est dans les sous-entendus pourquoi ne pas en ajouter ? Un des invités affirmant que le juge n’a pas eu accès à tous les documents et que par conséquent sa décision fut prise sur la base des seuls faits mis à sa disposition. D’autres révélations, faut-il entendre, auraient peut-être fait condamner Arar ? En aucun cas ni les invités, ni Christopher Hall qui a pourtant l’art normalement de mettre en évidence le point faible d’une telle argumentation, ne se sont demandé si les éléments cachés dans les documents remis en Cour ne visaient pas justement à camoufler encore davantage les inepties et le caractère délibéré de l’action de la GRC.

La triste histoire de la GRC cependant révèle à elle-même que cette option est plus probable (puisque la GRC n’aurait jamais lâché le morceau si elle avait pu étayer ses accusations de la moindre preuve) que les sous-entendus de l’émission qui aurait très bien pu s’appeler aujourd’hui : « Fermé le samedi ».

Commentaires (anciens)

1. Le mardi 3 juillet 2007 à 18:45, par anne campagna

Cher Monsieur

Je connais Michel Juneau Katsuya depuis des années. Je l’ai rencontré lorsque j’étais journaliste pour Québécor. Michel est un homme extrêmement sérieux qui documente ses affirmations de façon fort professionnelle.
Anne Campagna

2. Le mercredi 4 juillet 2007 à 12:29, par Claude Demers

Bonjour Mme Campagna
Je ne mets pas en cause le sérieux des invités de l’émission « Ouvert le samedi » du 23 septembre 2006. Mais ce sérieux n’enlève rien au biais cognitif manifesté lors de cette émission. Les faits qui ont suivi ont d’ailleurs tendance à me donner raison puisque le 6 décembre, deux mois après cette émission, le directeur de la GRC devait remettre sa démission à cause du rôle de la GRC dans l’affaire Arar.

Vous croyez vraiment que si le directeur de la GRC avait pu utiliser des informations non publiques le disculpant, il ne l’aurait pas fait ?

Pourquoi alors laisser planer le doute que les informations non publiques de la GRC auraient pu amener le juge dans l’Affaire Arar à changer sa décision ?

3. Le vendredi 10 août 2007 à 13:07, par Claude Demers

Voilà ! Nous apprenions hier, le 9 août 2007, après qu’un juge de la Cour fédéral ait ordonné la divulgation des informations gardées secrètes par la GRC pour des motifs de « sécurité nationale », que ces informations ne contenaient en réalité que des éléments pour camoufler les inepties de la GRC et l’offrande volontaire d’une innocente victime, aux services secrets américains.
La question : S’agit-il d’un cas unique ? Cette révélation va-t-elle changer la culture de la GRC ?

Peu probable. Peut-être tout au plus serons-nous moins naìfs à l’avenir. C’est à espérer. Mais ne nous faisons pas trop d’illusions !

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