Du sable dans l’engrenage

Déjà au 19e siècle, analysant les rouages du système capitaliste, Marx et Engels écrivaient dans le Manifeste du Parti communiste : « Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière« . Moins directs aujourd’hui et profondément transformés par les acquis démocratiques émanant des luttes populaires, soumis à l’évolution de la presse écrite et parlée et encore davantage à l’ère des nouvelles technologies, par les médias sociaux, les gouvernements modernes ont pris l’habitude de se protéger sous de larges couvertures. Le code législatif rend de plus en plus difficiles les décisions politiques ouvertement hostiles au mouvement populaire. Les pressions pour faire accepter la logique de la course au profit maximum et ses conséquences sur les niveaux de vie des populations passe désormais par des ramifications médiatiques et idéologiques complexes dont la récente lettre de démission de Kai Nagata de son poste de directeur du bureau de Québec de « CTV » donne une bonne image de ces pratiques au Canada.

Ces techniques de vente n’en fonctionnent pas moins pour autant. Au point que des notions comme le « libre marché », la « démocratie » (lire la démocratie occidentale), la « liberté » (lire la liberté d’entreprise) sont considérées par nos vaillants idéologues de l’Establishment comme des valeurs « fondamentales » de référence à toute action dite humanitaire. Cela va des rapports sociaux au sein de nos régimes étatiques jusqu’aux guerres de « libération » comme la guerre en Libye. Au nom de la liberté, on donne son aval à l’ingérence dans les affaires des autres. Et pour conforter la population dont on a besoin de l’appui politique et morale, on crée alors un nouveau « droit » politique qui s’appellera le « droit d’ingérence ». La population allemande qui soutenait les guerres expansionnistes d’Hitler n’avait pas besoin de tant de fanfaronnades. Mais à cause de la Seconde Guerre mondiale justement, aujourd’hui il faut mettre des gants blancs.

Malgré tout, l’expansionnisme est l’expansionnisme. La guerre est la guerre. La souffrance et la mort seront toujours la souffrance et la mort.

Les résultats sont les mêmes et pour les décrire les mots ne changent pas. Seuls changent les mots pour y faire face. À socialisme on choisira « socialisme démocratique ». À laïcité on opposera « laïcité ouverte ». Même des termes comme bourgeoisie et luttes de classes sont à proscrire. En fait les classes ça « n’existe plus ». On en aura que pour la « classe moyenne ». Mais tiens donc. C’est une classe ça, la classe moyenne. Et si quand même les classes n’existaient plus, cela veut-il dire que la petite bourgeoisie et la grande bourgeoisie sont des illusions de l’esprit ?

C’est bien ce que la rectitude politique voudrait nous faire croire.

La roue tourne, mais…

Et la roue tourne. La seule grande valeur incontestable, le profit. Lui il ne cesse de croitre. Lorsque des embûches lui causent de tout petits problèmes, l’État « providence », celui-là même qui fut créé pour maintenir la survie de populations entière et leur assurer un pouvoir d’achat minimum, celui tant condamné pour les tenants du néolibéralisme et du capitalisme sauvage tout azimut, n’hésitera pas à leur venir en aide. Pas à coup de quelques dollars par mois pour les aider à boucler leur maigre « budget », mais à coup de centaines de milliards de dollars. Des centaines de milliards de dollars qui seront bien partagés entre ces mégas puissances et l’industrie militaire dont les capitaux, de toute façon, sont aujourd’hui complètement imbriqués.

La roue tourne tellement bien qu’on va enfin pouvoir lâcher du leste. On n’ira pas jusqu’à permettre aux entreprises locales trop de brutalité envers la force de travail. Mais libre-échange oblige, lorsqu’il s’agira de compagnies étrangères, rien dans la Loi ne les empêchera de se comporter comme au 19e siècle. Ainsi IQT pourra congédier sans avertissement ses 1200 employés et pour ajouter l’insulte à l’injure on demandera à ces employés de considérer leurs deux dernières semaines de travail comme du « bénévolat ». Cela au moment même où la Cie envisageait d’ouvrir un nouveau centre d’appels à Nashville aux É.-U..

Au nom de la sacro-sainte « liberté », la démonisation de tout ce qui comporte l’expression « sociale » va bon train et tout ce qui comprend le mot « privé » est porté aux nues, confondant intentionnellement la notion de « propriété privée » avec « propriété personnelle ». Et lorsqu’au nom de la propriété privée l’État et même son service de sécurité policière deviennent un obstacle, on ne fera pas dans la dentelle pour les détourner à leurs « propres » fins. Au point d’en oublier les usages de bon aloi qui consistent avant tout à convaincre la population pour qu’elle accepte l’inacceptable.

C’est ici que l’affaire Murdoch prend toute sa véritable dimension. Lorsqu’on voit défiler la palette de personnalités impliquées d’une manière ou d’une autre, dans ce qui deviendra certainement l’un de plus grands scandales du siècle, du magnat de la presse au premier ministre en passant par le chef du Scotland Yard, on découvrira qu’au bout du compte, l’État, son système « démocratique », ses lois, étaient devenus trop gênants pour les besoins de cette si chère liberté d’entreprise. Celle-là même qui a mené à la guerre en Irak et à la crise de 2008 dont nous ne sommes toujours pas vraiment sortis.

Scandale après scandale, faillite après faillite, crise après crise… La roue tourne toujours, mais là ça commence à faire beaucoup de sable dans l’engrenage !

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