Encore sur la sociobiologie

Participant à un débat sur un forum de discussion autour de la sociobiologie, j’ai pris connaissance de ces deux liens Conférence de Jacques Ruelland chez les Sceptiques du Québec et Réplique de Daniel Baril à Jacques Ruelland en rapport avec le sujet que j’ai soulevé dans le texte Sociobiologie et individualisme politique de la semaine dernière.
Daniel Baril, un défenseur de la sociobiologie, s’en prend d’abord à ce qu’il appelle l’approche dualiste de Jacques Ruelland (approche corps-esprit qui distingue l’être humain du monde animal) . Il affirme que la sociobiologie restitue à l’être humain sa continuité avec la nature. Il précise par ailleurs que la vie culturelle est aussi présente dans le monde animal.

S’il affirme que son approche dualiste constitue la charpente du propos de Ruelland, le rapprochement entre l’être humain et le monde animal constitue la charpente de la sociobiologie et du propos de Daniel Baril. Pour cette raison le lien identitaire que fait la sociobiologie entre l’être humain et le monde animal manque de perspective puisque ce lien, bien qu’indéniable sur le plan biologique, éclipse toute la notion d’évolution sociale chez l’être humain. Cette évolution transcende l’évolution strictement biologique et fait que les comportements humains évoluent d’une génération à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une société à l’autre. Elle s’accompagne d’une accumulation du savoir et de ses répercussions sur son propre développement et surtout se caractérise par la transformation constante de ses conditions de vie (lire de survie), ce qu’on ne reconnait pas chez le monde animal et qui n’a rien à voir avec les observations de ce qu’on appelle la « culture » animale.

Ce sont les rapports économiques qui caractérisent le mieux les rapports sociaux chez l’être humain. Ces rapports se distinguent ainsi qualitativement des rapports « culturels » identifiés chez les animaux. Cette distinction reflète le fait que le monde animal vit et assure sa survie en autant que sont reconduites ses conditions de vie animale (au prix de la disparition de l’espèce lorsque ces conditions disparaissent) tandis que chez l’être humain sa survie dépend justement de la transformation ininterrompue de ses conditions de vie et non de leurs reconductions. Ce qui mènerait au contraire à l’atrophie de la société. En somme, la transformation sociale ininterrompue constitue une condition sine qua non de l’évolution humaine.

Cela fait toute la différence et cette différence est bien plus profonde que ce que la sociobiologie, selon Daniel Baril, reconnaît comme étant une cause proximale de l’évolution du comportement humain. Cette cause dite proximale, c’est l’environnement, le contexte spécifique, les rapports sociaux, qui influent pour ainsi dire accessoirement sur l’évolution des comportements qui seraient en définitive mus par des causes « ultimes » (lire d’origine génétique).

Or si l’évolution de l’être humain et des comportements humains découle de l’évolution et de la transformation constante de ses propres conditions d’existence, contrairement au monde animal, alors on ne peut plus parler de cette transformation comme d’une cause « proximale » et accessoire, mais au contraire comme d’une cause « déterminante » de cette évolution et des comportements qui en découlent, y compris du langage et de la pensée. Ce qui ébranle fortement à mon sens la charpente même de la sociobiologie et surtout ce qui ne retrouve aucune application similaire dans le règne animal.

Daniel Baril reproche à Jacques Ruelland de ne pas avoir  » la moindre parcelle d’explication matérialiste alternative sur le comportement et sur le développement de la culture. » Hors de l’Église point de salut ! Comme si l’influence génétique sur les comportements devait être la seule alternative possible aux théories idéalistes de l’évolution humaine. Comme si les classiques n’avaient pas déjà répondu à cette question par les conceptions matérialistes de l’évolution sociale. Cette manière de formuler la question révèle néanmoins, s’il en est besoin, comme d’ailleurs toute la notion de « causes proximales et de causes ultimes », que les théories de la sociobiologie relèvent davantage du monde des hypothèses que de celui de la science et de théories validées.
Voir aussi : Sociobiologie et individualisme politique

Commentaires (ancie)

1. Le mercredi 23 août 2006 à 19:22, par Irène Durand

Le père de la sociobiologie Edward O. Wilson est le mieux placé pour pousser la réflexion entre nature et culture. Son ouvrage L’UNICITÉ DU SAVOIR, De la biologie à l’art, une même connaissance, Robert Laffont, 2000, est d’un grand intérêt. J’ai étudié Marx dans les textes et j’ai lu de nombreux commentateurs. Il me semble qu’il faut toujours mieux revenir à la source originale pour faire son opinion sur une pensée. Amicalement lamer308.

2. Le vendredi 20 avril 2007 à 00:05, par prudent yves

la nature a horreur du vide dit-on mais certain peuvent la suporter plus que d’autre je pense aux véritables athés qui n’ont d’autre explication au-delà de la nature. mais les sociobiologistes-logues ont trouvé un nouveau Dieu il sont les Témoins du Gène de la science c’est leur Graal et ils ont la foi. il serait bon pour le lecteur de prendre connaissance de l’entrevue donné à « les années lumière » R-C. par Axel Khan,médecin, généticien. c’est très éclairant.

3. Le vendredi 28 septembre 2007 à 16:42, par saraswati

Comme c’est bizarre, il y a une science qui a été complètement éludée, vidée de la mémoire des ces cerveaux lobotomisés par le consumerisme néoliberal !
Pourtant elle donne toute les dimensions qui manquantes à la sociobiologie boiteuse dans ses concepts…..
Cette science toute neuve s’appelle la biopsychosociologie ! Vous connaissez ? !


Voir aussi l’article suivant : Sociobiologie et individualisme politique

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