Archives du tag: Mouvement étudiant

Opinion Scène québécoise

Récupération de la crise vs vote stratégique

Xavier Dolan fait paraître un article dans le Devoir de ce matin sous le titre « Faux coup d’cochon » dans lequel il s’en prend à la vidéo du Parti libéral du Québec montrant Pauline Marois dans un ralenti qui met en relief les hésitations de cette dernière en frappant des casseroles. C’est une bonne analyse que fait Xavier Dolan. Cependant j’apporterais quelques nuances à ce qu’il appelle « l’imbécilité consentante » de la population qui suit toujours Jean Charest et les inepties de son gouvernement. Cette affirmation fait sans doute référence à cette frange de la population, mal éclairée, qui, soit hésite toujours à voter contre le PLQ, soit à voter pour le Parti québécois. Ce qui pour plusieurs passe pour une forme d’apolitisme. On dit souvent dans ce cas que la population n’a pas de mémoire. La population a peut-être plus de mémoire que l’on croit. Et ce qu’on appelle généralement la gauche est peut-être en fait, celle qui manque le plus de mémoire ici.

De un, la population n’est pas la principale responsable du fait qu’elle soit mal éclairée. Les idéologues de la droite, les médias qui mettent l’accent sur le caractère sensationnel et violent de ce qui se passe dans la rue et sur l’insécurité, jumelés à la nature généralement pacifique de la population, contribuent fortement aux hésitations de la population au moment d’exercer son droit de vote.

De deux, les ramifications du pouvoir avec la petite entreprise et les structures sociales et politiques, d’apparence démocratique, particulièrement en région où il est donné à penser que tout le monde doit faire sa juste part dans la société, défavorise le mouvement étudiant. Ce que l’on perçoit à juste titre comme du favoritisme et la corruption du gouvernement est vu par plusieurs, en période de crise économique constante, comme un soutien à l’emploi et à l’économie en générale. Ou au contraire, comme une incitation à prendre parti pour le désengagement de l’État. Ce qui ne favorise pas non plus l’idée du gel des droits de scolarité et encore moins la gratuité scolaire.

De trois, les hésitations mêmes du Parti québécois à prendre fait et cause pour le mouvement étudiant, ce dont la vidéo diffusée par le PLQ met fortement en relief, les trahisons du PQ envers le mouvement ouvrier et démocratique au début des années ’80 (faut-il rappeler encore une fois que des Lois spéciales du Parti québécois ont nécessité des luttes jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada les déclare anticonstitutionnelles), son incapacité à gérer efficacement la question nationale ainsi que ses politiques néolibérales, n’ont rien pour garantir à la population que le Parti québécois constitue une réelle alternative au gouvernement Charest. D’autant plus que le PQ est tout aussi entaché par les scandales dénoncés dans l’industrie de la construction et le financement des partis politiques que le PLQ.


La triste réalité, c’est que devant le faible enracinement de Québec solidaire dans les régions y compris dans plusieurs secteurs de la grande région métropolitaine, la population se trouve devant une crise profonde d’alternative.

Ce qui nous amène à réfléchir sérieusement sur toute cette notion du vote soi-disant utile. Le Parti québécois, comme le font toujours les partis traditionnels, valorise le vote utile parce qu’il fait appel à une mémoire courte de la population. Un vote utile c’est un vote pour le moins pire. Ce n’est pas un vote pour un véritable programme de rechange. Et contrairement à ce qui est généralement convenu, ce n’est surtout pas un vote stratégique. Il est improbable que les prochaines élections provinciales amènent un changement en profondeur au Québec correspondant au désir manifeste d’une portion de plus en plus grande de la population. C’est pourquoi un vote stratégique serait davantage un vote qui contribuerait à transformer cette nouvelle conscience sociale qui s’exprime avec force dans la rue, en véritable conscience politique du besoin d’un changement en profondeur de nos structures économiques et politiques. Ce qu’un vote pour Québec solidaire par contre apporterait. La naissance d’une véritable alternative et d’un nouvel espoir de changements réels pour la population.

Tous les Jean-François Lisée qui préfèrent un gouvernement indépendantiste de droite à un gouvernement de gauche orientée vers la solution de la question nationale sur une base progressiste ne font que de la récupération politique. Comme cette déclaration de Pauline Marois « … un changement de direction OUI mais SURTOUT (c’est moi qui souligne) un changement de pays ».

Un vote stratégique, le mot le dit, c’est un vote à long terme alors qu’un vote utile pourrait bien être, sauf exception, un vote à courte vue. Les conditions ne seront pas réunies pour un changement en profondeur tant que ne sera pas construite une alternative politique solide et de masse. Un vote stratégique c’est celui qui contribuera le plus efficacement à la construction d’une telle alternative.


Le commentaire de Xavier Dolan sur Twitter après la lecture de ce billet, le 28 juin dernier :

Xavier Dolan ‏@XDolan

@demersc je suis parfaitement d’accord avec vs! Mon texte n’impliquait aucun devoir de choisir entre le PQ et le PLQ. bien à vous

Opinion Scène québécoise

Injonctions massives : perversion de la justice et des droits

L’article 40 de la Charte des droits et libertés prévoit que  » Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l’instruction publique… – 1975, c. 6, a. 40. » L’article se termine par le mot « gratuite » que je n’ai pas inclus dans la citation car ce n’est pas l’objet de ce billet. Je ne m’arrêterai ici que sur le principe du « droit à l’éducation » car c’est de ce droit dont il est question lorsque les juges pervertis, chacun à leur tour, accordent des injonctions pour briser l’actuel mouvement de grève des étudiants au Québec.

À cet article s’ajoute l’article no. 3 qui affirme :  » Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.
1975, c. 6, a. 3. »

Professeur titulaire à la Faculté de droit à l’Université Laval, Christian Brunelle écrivait un excellent article récemment démontrant comment les injonctions en série contre les étudiants constituaient une perversion du droit fondamental au profit du droit contractuel (et commercial). Le droit d’association et de représentation collective d’un groupe de personnes est un droit fondamental. Lorsque Jean Charest et Line Beauchamp affirment que les étudiants en grève ne représentent pas la majorité qui elle, a décidé de poursuivre ses études, tous les deux nient les principes et la mécanique de la démocratie. D’ailleurs si on suivait leur raisonnement, le gouvernement Charest lui-même qui s’est fait élire avec un pourcentage de 42% à l’intérieur d’un taux de participation de 57%, serait illégitime.

En opposant le droit contractuel individuel (pour le gouvernement l’accessibilité n’a rien à voir avec les principes de la Charte des droits mais se résume au droit d’ouvrir une porte de collège) au droit fondamental (qui concerne les politiques d’accès à l’éducation), ce n’est pas qu’au droit d’association que les juges s’attaquent. Ils s’en prennent aussi au droit fondamental à l’instruction publique qui est au coeur des revendications étudiantes et non par la hausse des frais de scolarité qui entraînera nécessairement plus de sélection et de discrimination sur la base de la capacité de payer.

Une question de volonté politique

En cherchant à dépolitiser le conflit étudiant par des injonctions sans limites, le gouvernement ne fait que poursuivre son idéologie néolibérale dont l’objectif ultime est de soustraire les grands choix politiques de la société à la population pour les soumettre aux besoins de la finance et des grandes corporations.

Est-ce à dire que la lutte étudiante est perdue d’avance. La victoire partielle du mouvement étudiant chilien dont le conflit dure depuis plus d’un an, nous dit le contraire. Le gouvernement chilien vient de retirer le financement des études des mains des grandes banques. Il prendra directement à sa charge ce financement tout en haussant les impôts des grandes corporations pour y arriver.

Jean Garon, ancien ministre de l’Éducation au Québec publiait lui aussi son opinion sur la manière dont il s’est pris par le passé pour maintenir le gel des frais de scolarité. Dans son analyse , Jean Garon démontre que non seulement le gel des frais de scolarité est toujours possible mais qu’éventuellement on devrait arriver à la gratuité de l’enseignement. Tout est une question de choix et de volonté politique.