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Derrière les conseils du journal La Presse au Parti québécois

Le journal La Presse, propriété de Power Corporation et de Paul Desmarais a toujours soutenu le Parti libéral du Québec. Les intérêts de la multinationale Power Corporation au Québec, au Canada et même en Europe, font de Paul Desmarais un chef de file de la grande bourgeoisie québécoise et un ami très proche des gouvernements du Québec et du Canada. Ce qui explique l’option fédéraliste avouée du journal La Presse. De la même manière d’ailleurs que son opposition farouche au Parti québécois et à toute velléité souverainiste du Québec.

Comment expliquer alors l’intérêt soudain du journal La Presse pour le PQ et les bons conseils qu’il promulgue à ce dernier face à la crise interne que le Parti québécois traverse présentement. Selon Alain Dubuc l’idée d’une alliance électorale avec Québec solidaire serait « suicidaire » pour le PQ tandis que selon Lysianne Gagnon ce serait du « masochisme électoral caractérisé ». Cherchez l’erreur!

Pour bien comprendre cet intérêt soudain du journal La Presse envers le parti de Pauline Marois, il vaut la peine de lire cet article paru dans Vigile le 18 octobre 2011. L’homme d’affaires Charles Sirois et Paul Desmarais sont les deux plus illustres représentants de l’establishment économique qui expriment ici la crise de confiance du grand patronat envers le PLQ et son soutien à la CAQ.

Or le plus récent sondage de Léger Marketing démontre que pour la première fois, la CAQ commence à baisser dans les intentions de vote des Québécois. On donne 33 % à la CAQ contre 27 % au Parti libéral et 25 % au Parti québécois tandis que Québec solidaire frôle les 10 %. Une coalition entre le Parti québécois et Québec solidaire serait susceptible d’accentuer cette dégringolade de la CAQ, dont les appuis sont jugés fragiles par Léger-Marketing. Une idée qui a de quoi faire frémir le grand capital. Non seulement ce faisant, le PQ devrait envisager des concessions à gauche sur son programme, mais de plus, le projet de créer une assemblée constituante visant à définir le type de souveraineté que le Québec désire, tel que le préconise Québec solidaire, pourrait offrir au Parti québécois une porte de sortie intéressante pour son projet de souveraineté qui stagne depuis des années.

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La crise au PQ et les choix de Québec solidaire

Ces jours derniers, les médias y compris les médias sociaux n’en ont que pour la crise au Parti québécois et les tactiques électoralistes du PQ et de Québec solidaire.

Depuis le départ de François Rebello, qui a décidé de joindre les rangs de la CAQ (Coalition avenir Québec), on assiste du côté du Parti québécois à une véritable chute aux enfers. Cette crise est pire que celles qui secouent le parti depuis la présentation du projet de Loi 204 visant à sécuriser l’entente sur l’amphithéâtre de Québec entre le maire Labaume et Québécor. Malgré la concentration des analyses sur le sort de Pauline Marois et les magouilles de Gilles Duceppe, c’est avant tout le sort du Parti québécois lui-même qui est véritablement en cause ici. Ce qui fait dire aux éléments les plus juvéniles de Québec solidaire que ce dernier ne devrait faire aucune entente avec le PQ, tant ils sont convaincus que la disparition du Parti québécois profitera grandement à Québec solidaire.

Vrai et faux! La réalité est que la crise au PQ ne découle pas principalement de l’abandon de sa base populaire, mais de cette frange de la bourgeoisie nationale qui l’avait appuyée jusqu’à présent. Ces classes économiques se sont toujours opposées au contrôle exclusif des grandes puissances financières et industrielles personnalisées par le gouvernement du Parti libéral sur l’État québécois. On assiste présentement à un véritable jeu de sauvetage à la chaîne. La corruption et l’isolement du PLQ lui ayant soutiré sa confiance depuis la crise de l’industrie de la construction et du financement des partis politiques, l’establishment économique, Charles Sirois et Paul Desmarais en tête, se sont tournés vers la CAQ, une sorte de tête bicéphale, avec cette idée que François Legault irait chercher l’appui des classes moyennes (*) hésitantes, en particulier au sein des appuis traditionnels du Parti québécois. Tandis que le PQ qui a toujours véhiculé les intérêts de la petite et moyenne bourgeoisie du Québec avec un visage plus « social-démocrate » afin de maintenir l’appui de l’ensemble des travailleurs et de la population, se sent obligé d’aller plus loin encore vers sa gauche et jongle sérieusement avec l’idée d’une alliance électorale avec Québec solidaire. Ce qui est déjà une victoire en soi pour QS.

On est loin du débat sur la question nationale et la souveraineté. Ou, pour être plus précis, on commence à réaliser que le débat sur la souveraineté ne peut pas se situer au-dessus de tout contenu de classes. Pour qui la souveraineté? Quelle sorte de souveraineté?

Il sera intéressant de voir comment le mouvement syndical, la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec en particulier, se positionnera face à cette toute nouvelle conjoncture. On sait que le PQ et la FTQ, malgré toutes les dérives néolibérales et de droite des gouvernements péquistes successifs, avaient renforcé leur appui réciproque avec la création du Fonds de solidarité de la FTQ alors que Jacques Parizeau était ministre des Finances du Québec.

Les analyses les plus superficielles aujourd’hui, évaluent le bien-fondé d’une alliance tactique entre le Parti québécois et Québec solidaire en vue des prochaines élections, souvent en fonction du nombre de députés en plus ou en moins pour chacun des partis. Mais le véritable enjeu est bien supérieur, particulièrement pour Québec solidaire, le seul véritable parti de gauche au Québec. Hélas! sa principale faiblesse réside toujours dans une certaine coupure avec le mouvement syndical. D’un côté parce que plusieurs de ses membres, issus d’une frange antisyndicaliste du mouvement populaire refuse systématiquement un tel rapprochement. De l’autre côté parce que le mouvement syndical a donné depuis sa naissance, un appui quasi biologique au Parti québécois. Or le plus grand bienfait d’une entente électorale entre Québec solidaire et le Parti québécois serait précisément de forcer le mouvement syndical à élargir son appui aux candidatures de Québec solidaire.
Tous les partis aujourd’hui, à l’exception du PLQ font leur, le slogan de Jack Layton, qui appelle à faire de la politique autrement. Dans les circonstances actuelles, faire de la politique autrement signifie faire passer les intérêts de la population avant les intérêts étroits de chaque parti. En cela, l’ouverture de Pauline Marois en faveur d’une telle entente est significative et mérite une sérieuse considération de la part de QS. À défaut d’une telle entente, c’est une coalition de l’establishment économique avec la petite bourgeoisie nationale autour de la CAQ qui se réalisera. Avec le risque énorme de faire régresser le Québec de plusieurs années en arrière, comme on le voit à Ottawa présentement. Et cela, même avec quelques députés de Québec solidaire à l’Assemblée nationale.


* Par classes moyennes j’entends principalement les propriétaires de petites et moyennes entreprises et les plus hauts salariés du corps professionnel et de l’État.

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Du sable dans l’engrenage

Déjà au 19e siècle, analysant les rouages du système capitaliste, Marx et Engels écrivaient dans le Manifeste du Parti communiste : « Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière« . Moins directs aujourd’hui et profondément transformés par les acquis démocratiques émanant des luttes populaires, soumis à l’évolution de la presse écrite et parlée et encore davantage à l’ère des nouvelles technologies, par les médias sociaux, les gouvernements modernes ont pris l’habitude de se protéger sous de larges couvertures. Le code législatif rend de plus en plus difficiles les décisions politiques ouvertement hostiles au mouvement populaire. Les pressions pour faire accepter la logique de la course au profit maximum et ses conséquences sur les niveaux de vie des populations passe désormais par des ramifications médiatiques et idéologiques complexes dont la récente lettre de démission de Kai Nagata de son poste de directeur du bureau de Québec de « CTV » donne une bonne image de ces pratiques au Canada.

Ces techniques de vente n’en fonctionnent pas moins pour autant. Au point que des notions comme le « libre marché », la « démocratie » (lire la démocratie occidentale), la « liberté » (lire la liberté d’entreprise) sont considérées par nos vaillants idéologues de l’Establishment comme des valeurs « fondamentales » de référence à toute action dite humanitaire. Cela va des rapports sociaux au sein de nos régimes étatiques jusqu’aux guerres de « libération » comme la guerre en Libye. Au nom de la liberté, on donne son aval à l’ingérence dans les affaires des autres. Et pour conforter la population dont on a besoin de l’appui politique et morale, on crée alors un nouveau « droit » politique qui s’appellera le « droit d’ingérence ». La population allemande qui soutenait les guerres expansionnistes d’Hitler n’avait pas besoin de tant de fanfaronnades. Mais à cause de la Seconde Guerre mondiale justement, aujourd’hui il faut mettre des gants blancs.

Malgré tout, l’expansionnisme est l’expansionnisme. La guerre est la guerre. La souffrance et la mort seront toujours la souffrance et la mort.

Les résultats sont les mêmes et pour les décrire les mots ne changent pas. Seuls changent les mots pour y faire face. À socialisme on choisira « socialisme démocratique ». À laïcité on opposera « laïcité ouverte ». Même des termes comme bourgeoisie et luttes de classes sont à proscrire. En fait les classes ça « n’existe plus ». On en aura que pour la « classe moyenne ». Mais tiens donc. C’est une classe ça, la classe moyenne. Et si quand même les classes n’existaient plus, cela veut-il dire que la petite bourgeoisie et la grande bourgeoisie sont des illusions de l’esprit ?

C’est bien ce que la rectitude politique voudrait nous faire croire.

La roue tourne, mais…

Et la roue tourne. La seule grande valeur incontestable, le profit. Lui il ne cesse de croitre. Lorsque des embûches lui causent de tout petits problèmes, l’État « providence », celui-là même qui fut créé pour maintenir la survie de populations entière et leur assurer un pouvoir d’achat minimum, celui tant condamné pour les tenants du néolibéralisme et du capitalisme sauvage tout azimut, n’hésitera pas à leur venir en aide. Pas à coup de quelques dollars par mois pour les aider à boucler leur maigre « budget », mais à coup de centaines de milliards de dollars. Des centaines de milliards de dollars qui seront bien partagés entre ces mégas puissances et l’industrie militaire dont les capitaux, de toute façon, sont aujourd’hui complètement imbriqués.

La roue tourne tellement bien qu’on va enfin pouvoir lâcher du leste. On n’ira pas jusqu’à permettre aux entreprises locales trop de brutalité envers la force de travail. Mais libre-échange oblige, lorsqu’il s’agira de compagnies étrangères, rien dans la Loi ne les empêchera de se comporter comme au 19e siècle. Ainsi IQT pourra congédier sans avertissement ses 1200 employés et pour ajouter l’insulte à l’injure on demandera à ces employés de considérer leurs deux dernières semaines de travail comme du « bénévolat ». Cela au moment même où la Cie envisageait d’ouvrir un nouveau centre d’appels à Nashville aux É.-U..

Au nom de la sacro-sainte « liberté », la démonisation de tout ce qui comporte l’expression « sociale » va bon train et tout ce qui comprend le mot « privé » est porté aux nues, confondant intentionnellement la notion de « propriété privée » avec « propriété personnelle ». Et lorsqu’au nom de la propriété privée l’État et même son service de sécurité policière deviennent un obstacle, on ne fera pas dans la dentelle pour les détourner à leurs « propres » fins. Au point d’en oublier les usages de bon aloi qui consistent avant tout à convaincre la population pour qu’elle accepte l’inacceptable.

C’est ici que l’affaire Murdoch prend toute sa véritable dimension. Lorsqu’on voit défiler la palette de personnalités impliquées d’une manière ou d’une autre, dans ce qui deviendra certainement l’un de plus grands scandales du siècle, du magnat de la presse au premier ministre en passant par le chef du Scotland Yard, on découvrira qu’au bout du compte, l’État, son système « démocratique », ses lois, étaient devenus trop gênants pour les besoins de cette si chère liberté d’entreprise. Celle-là même qui a mené à la guerre en Irak et à la crise de 2008 dont nous ne sommes toujours pas vraiment sortis.

Scandale après scandale, faillite après faillite, crise après crise… La roue tourne toujours, mais là ça commence à faire beaucoup de sable dans l’engrenage !

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Une question de responsabilité sociale et d’éthique

Le récent procès de Guy Turcotte qui s’est terminé par un verdict de non-responsabilité criminelle est riche en enseignement, malgré la commotion que ce verdict a provoquée au sein de la population.

L’accusé ayant reconnu les faits qu’on lui reprochait, trois choix réels s’offraient au jury.

  • Meurtre avec préméditation
  • Homicide involontaire
  • Non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux

La justice n’est pas toujours juste. Cela est indéniable. Le meurtre avec préméditation par exemple, est sans doute le plus difficile à défendre devant un jury. Mais lorsqu’il s’agit d’un policier on dirait que l’accusation est inévitable. Ainsi ce jeune homme de 15 ans qui a tué un policier en le trainant avec le véhicule qu’il conduisait au moment d’un simple contrôle routier sera fort probablement trouvé coupable de meurtre avec préméditation. La différence entre le meurtre avec préméditation et l’homicide involontaire tient principalement à la sentence. Prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ou 30 ans d’emprisonnement. Pour un jeune homme de 15 ans, cela compte. Pourtant le meurtre avec préméditation est très difficile à prouver hors de tout doute raisonnable. Peut-on croire vraiment que le jeune ontarien de 15 ans, interpellé lors d’un contrôle routier, pouvait avoir prémédité son crime?

Quant à l’homicide involontaire, le terme d’emprisonnement sera moindre, mais le détenu, s’il est affecté d’une grave maladie mentale, ne recevra que des soins minimes comparativement à ceux qu’il pourrait recevoir dans un institut psychiatrique.

La non-responsabilité criminelle par ailleurs indique que le détenu était gravement malade au moment de commettre les faits qui lui sont reprochés. Au point où il n’était pas conscient des gestes qu’il posait ou des conséquences de ces gestes.

Le verdict du jury dans le procès de Guy Turcotte a provoqué un immense désarroi au sein de la population. En somme tout le système judiciaire fut pris à partie. Pourtant il s’agit d’un cas où le verdict fut d’une justice exemplaire, malgré un traitement médiatique souvent fort douteux. Le fait est que la population n’est pas éduquée adéquatement sur les procédures judiciaires et leurs conséquences lorsqu’il s’agit de non-responsabilité criminelle. Ce qui fait que bien souvent la vindicte populaire ou la pression d’un groupe organisé l’emporte sur la Justice, comme dans le cas de ce jeune homme de 15 ans qui aurait dû normalement être accusé d’homicide involontaire.

Le sensationnalisme l’emportant trop souvent dans la couverture médiatique on a laissé circuler amplement une croyance populaire voulant que le verdict contre Guy Turcotte correspondait à une simple libération. Plusieurs spécialistes ont d’ailleurs contribué à gonfler cette croyance. Même le psychiatre Gilles Chamberland abonde en ce sens laissant entendre sans connaître un diagnostic plus approfondi que Guy Turcotte ne souffrait d’aucune maladie mentale grave avant son crime. Ses connaissances et sa longue expérience devraient pourtant l’inciter à plus de prudence. Guy Turcotte, lui-même médecin, avait-il besoin de donner 40 coups de couteau avant de savoir que ses enfants étaient morts ? De l' »overkilling » comme on dit en psychiatrie ! Une manière de faire, propre aux psychotiques en proie à un délire profond. Le docteur Chamberland ne devrait-il pas savoir que certaines psychoses peuvent-être déclenchées soudainement, sans qu’on puisse nécessairement les voir venir, ni avoir manifesté d’antécédents, lorsque provoquées par une forte turbulence pour laquelle certaines personnes sont trop fragiles physiquement et mentalement ? La psychose ne rend pas le patient totalement inapte à certains comportements rationnels non plus. Ce qui explique l’apparence de calcul dans l’exécution d’un crime qui n’en répondra pas moins pour autant à une compulsion obsessionnelle hors contrôle. Le diagnostic final sera-t-il différent d’une psychose profonde ? Possible. Mais le résultat au bout du compte sera le même quand viendra le temps d’analyser les gestes posés par Guy Turcotte. Là, la sémantique devient secondaire.

Oui les psychiatres peuvent aussi se tromper. L’institut Philippe-Pinel a déjà remis en liberté des patients qui ont récidivé et commis un meurtre à peine 24 heures après leur sortie. L’auteur de ces lignes fut un témoin direct d’un diagnostic rendu où un jeune homme fut jugé apte à rentrer chez lui sans traitement particulier, avant de tuer sa femme dans les jours qui ont suivi. Il serait peu probable toutefois que la même chose se produise dans le cas de Guy Turcotte, tenant compte notamment de la pression médiatique qui entoure ce verdict de non-responsabilité criminelle.

Rappelons encore une fois qu’on ne peut pas simplement ignorer le sort de l’accusé ici. Même pour la sécurité de la société il vaut mieux un malade sous contrôle et traité adéquatement au plan médical, même si cela lui vaut une libération plus rapide, qu’un malade purgeant plus de temps en prison mais qui sera libéré tôt ou tard, sans avoir suivi les traitements appropriés. La société peut se prémunir le plus qu’elle le veut contre les crimes. Elle peut renforcer les lois, construire des prisons, augmenter la surveillance policière. Mais pourra-t-elle vraiment se prémunir contre ce genre de maladie mentale, aussi soudaine et imprévisible que féroce ?

Jamais rien ne pourra éradiquer de manière absolue le danger. Même une personne avec un suivi médical pourra succomber à nouveau à des impulsions incontrôlables. Le mieux qu’on puisse faire sera de contribuer à diminuer les risques. C’est ici qu’il faut parfois choisir entre la prison et l’institut psychiatrique. Cela aussi est un choix de société.

Le système judiciaire serait moins contesté s’il manifestait plus de constance dans ses jugements et la population plus réceptive si les médias l’éduquaient davantage plutôt que d’agiter un sensationnalisme guidé par la rentabilité de l’entreprise.

C’est une question de responsabilité sociale et d’éthique.

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Ministère de la Justice ou ministère de la Vengeance?

Les crimes commis par des personnes soudainement en proie à une profonde psychose sont tous horribles et inadmissibles. D’autant plus qu’ils sont inattendus et qu’ils frappent de plein fouet, bien souvent, des proches qui se sentaient en confiance dans leur entourage familial ou d’amis. Pas étonnant que dans un élan spontané, empreint d’émotivité, un tollé de protestations populaires se soulèvent et réclament justice.

Mais quelle justice doit-on réclamer pour ce genre de crimes.

Lorsqu’une personne est tenue non criminellement responsable des gestes qu’on lui reproche, cela ne veut pas dire que cette personne sera remise en liberté, contrairement à la croyance populaire. Cela veut simplement dire que l’accusé n’était pas en possession de ses capacités mentales au moment de commettre son crime.

Trop de criminels non-responsables pour cause d’aliénation mentale croupissent en prison sans recevoir les soins appropriés. Avec la même structure de pensée, autrefois, on enfermait dans des asiles psychiatriques ceux qui ne faisaient que penser différemment de leur entourage. Ces asiles sont disparus ou ont été complètement réformés. Aujourd’hui des spécialistes compétents travaillent dans des hôpitaux psychiatriques spécialement pour des personnes ayant commis des crimes graves. Ces institutions sont des « prisons » dans un sens, même si on ne les qualifie pas ainsi. Deux grandes diférences ici. De un – les personnes sont adéquatement traitées et des spécialistes sont à même de juger l’évolution de leur comportement. De deux – après un traitement prolongé et devant une rémission contrôlée de la maladie, ces personnes peuvent sortir de l’institut en maintenant un suivi médical. Généralement après sept ou huit ans, parfois plus. Mais cette « libération » se fait par étape, avec des surveillants au début et surtout, n’est pas automatique. Autrefois (j’ignore aujourd’hui), ces personnes demeuraient à vie sous la « protection du gouverneur général ». Une expression légale pour signifier qu’à tout moment toute personne pourrait le faire « interner » de nouveau dans un institut devant le moindre comportement douteux et menaçant.

Le traitement de ces grands malades est complexe et impossible dans les prisons traditionnelles. D’où l’apparition d’instituts comme celui de Pinel à Riviere-des-Prairies.

Refuser cette nouvelle réalité au profit d’un jugement de culpabilité sans nuance ne répond au fond qu’à la vindicte populaire. Un sentiment qui peut se comprendre dans un premier temps mais qui n’a pas sa place après une saine analyse de la situation, dans une société qui se dit moderne et évoluée. Sinon le ministère de la Justice ne sera plus qu’un ministère de la Vengeance.

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Une « dialectique implacable »

Dans un article qui fait corps avec les propos d’une droite volubile, généralement plus agitatrice qu’analytique, Denise Bombardier, dans Le Devoir du 4 juin dernier, répand son fiel et exprime tout son dégoût envers Amir Khadir et les citoyens du Plateau Mont-Royal qui l’ont élu comme représentant de Québec Solidaire à l’Assemblée nationale. À travers un amalgame de propos qui tiennent plus de la formule et du slogan que d’une analyse rigoureuse, Mme Bombardier révèle en fait à quel point l’establishment politique et intellectuel qui a bien souvent tenu le haut du pavé sur la scène médiatique avec ses analyses en surface, peut être déstabilisé par l’apparition d’une nouvelle conscience politique et sociale qui voit le jour au Québec et que représente bien le député de Québec solidaire à l’Assemblée nationale.

Ce faisant, Denise Bombardier reconnait néanmoins de grandes qualités chez Amir Khadir, dont ce qu’elle appelle, une « dialectique implacable ». Dans quel sens Mme Bombardier utilise-t-elle le terme dialectique, je l’ignore. Mais c’est précisément d’absence de dialectique dont souffre le plus son article.

L’explosion provoquée par la crise de 2008-2009 brûle toujours alors que de nouvelles explosions nous attendent

Tout s’enchaîne et se déchaîne à une vitesse étourdissante. La crise économique de 2008-2009 a certainement contribué à éveiller les esprits sur la nature des rapports économiques qui ficellent la structure politique de notre époque. À l’ère des médias sociaux, cette crise a mis en évidence la collusion entre les gouvernements et les grandes puissances économiques et financières. Les conséquences de cette complicité ont rendu les populations plus vigilantes et plus sensibles. Devant les crises environnementales, les crises humanitaires, l’utilisation sauvage des ressources naturelles, les guerres pour le pétrole et la déshydratation de la nature qui s’accompagnent de la détérioration continue de leur niveau de vie, les populations s’expriment désormais en contestant ouvertement les institutions traditionnelles et leur manière d’agir. Aux lois du marché biaisées par une spéculation incontrôlable; à une crise de l’emploi à son comble, les solutions du libre-échange et des marchés communs qu’on nous ressasse depuis plus de quarante ans n’ont pas tenu leurs promesses, bien au contraire.

L’impact direct de l’Union européenne sur la production et les exportations agricoles du Portugal et de la Grèce en est un exemple frappant. Elle aura contribué à faire de ces deux pays des quêteux du FMI. Refusant de voir la réalité en face, les idéologues de droite font porter le blâme à nouveau sur les « dépenses exorbitantes » de ces États. Et l’aide apportée par le FMI va toujours dans le même sens. Moins de règlementation, plus de libre marché. Les mêmes rengaines usées sur l’ « État providence » qui visent encore à faire porter le fardeau de la crise sur les populations locales.

Or il appert que le marché a ses limites. Même la spoliation des marchés étrangers ne peut plus répondre aux besoins des grandes puissances. Devant les soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte, Français et Américains, après de multiples tergiversations ont salué le vent de renouveau qui soufflait sur ces pays. Se croient-ils à l’abri dans leur propre pays alors que seules la fabrication et la surévaluation artificielle de la monnaie rendent leur faillite, pour le moment, théorique. En France comme aux États-Unis il est à prévoir des secousses économiques importantes à moyen terme. On ne peut prévoir l’étincelle qui secouera les masses. Elles se sont produites dans certains pays arabes. Elles sont aussi possibles en occident.

Les schémas politiques traditionnels s’effondrent

Au Canada, il est remarquable de constater à quel point les analystes furent pris de court devant les résultats électoraux du 2 mai dernier. Non pas tant par la majorité des députés conservateurs élus, malgré à peine plus de 40 % des voix, mais par l’effondrement des Libéraux à travers le pays et du Bloc québécois, au profit d’une députation historique du NPD au Québec.

La réalité ne se compose pas que de calculs stratégiques et de hasards. Encore moins de schémas calqués sur le passé. Au coeur de la politique, il y aura toujours les intérêts économiques des grandes classes sociales qui composent la société. Et c’est dans ce sens précisément que la crise de 2008-2009 ainsi que tous les bouleversements sociaux depuis, contribuent à modifier l’opinion publique.

La dernière élection fédérale est un bel exemple du vent qui tourne et de la mutation profonde qui s’empare de cette opinion. Une mutation qui résulte justement d’un questionnement fondamental : Dans quels intérêts s’opèrent les changements ? Quels intérêts desservent les solutions mises de l’avant ?

La question nationale

Qu’il s’agisse du processus de mondialisation ou qu’il s’agisse de la souveraineté du Québec, la question nationale n’échappe pas à cette profonde mutation. Dans les deux cas, les mêmes questions se posent : dans quels intérêts s’opèrent les changements ? Quels intérêts desservent les solutions mises de l’avant ?

Le néolibéralisme économique qui sous-tend le capitalisme sauvage et la restriction du rôle de l’État dans la société constitue l’essence idéologique et politique des intérêts nationaux défendus par les corporations et les grandes entreprises. Cette vision du monde se résume à l’idée que tout ce qui est bon pour l’entreprise privée est bon pour la nation. Plus l’entreprise sera puissante (ici, les mots entreprises et économie sont pratiquement deux synonymes), plus la nation sera forte. Dans cette perspective, la nation et l’entreprise privée ne font qu’un.

Or le terme nation n’est pas un terme abstrait, pas plus d’ailleurs que l’expression souveraineté nationale. Ce n’est pas innocemment d’ailleurs que l’ex-premier ministre et ex-chef du Parti québécois, Lucien Bouchard, ait tenté à la commission parlementaire sur la limitation des activités pétrolières et gazières, d’élever les grandes entreprises qu’il représentait, au rang de citoyens. A-t-il été « infidèle » envers le peuple québécois comme l’affirmait généreusement Amir Khadir ? Dans les faits, Lucien Bouchard n’aura toujours été fidèle qu’envers la grande entreprise. Ce qu’illustre particulièrement bien l’analyse de Jacques Gélinas sur la liquidation de la SOQUIP durant les années de pouvoir de Lucien Bouchard. D’aucuns parmi les partisans indéfectibles du Parti québécois ont souvent dénoncé Lucien Bouchard. Mais cette dénonciation visait essentiellement son idée de mettre l’option référendaire de côté pour laisser place à la nécessité de créer les « conditions gagnantes » avant la tenue d’un nouveau référendum sur la souveraineté. Il s’agit essentiellement du courant de pensée qui n’acceptait pas, avant Lucien Bouchard, l’approche « étapiste » de Claude Morin ou encore le « beau risque » de René Lévesque. Une opposition représentée principalement, dans la direction du Parti québécois par Jacques Parizeau. Ce qui n’a pas empêché ce dernier d’être un grand défenseur du déficit zéro et du libre-échange tout comme Bernard Landry après Lucien Bouchard.

Prétendre placer la question nationale au dessus des intérêts économiques c’est une manière de cacher les intérêts économiques sous le couvercle de la question nationale.

Pour les progressistes, la question nationale ne peut qu’être soumise aux intérêts des travailleurs et de la population en général. Ce n’est que dans cette perspective qu’on pourra alors se poser la question : « qui est le plus en mesure de défendre la souveraineté » ou encore : « de quelle souveraineté » parle-t-on. Celle pour les grandes entreprises et les puissances financières ou celle du peuple québécois.

Le projet de loi 204 à l’Assemblée nationale

Même si le président de la Banque centrale européenne affirmait ces jours-ci à Montréal que le Canada avait su éviter les graves manifestations de la crise économique et financière, il faudrait être naïf, voire complètement aveugle, pour ignorer que cette crise a eu des répercussions non négligeables au pays. Les milliards de dollars versés à l’industrie automobile et aux banques auront contribué à hérisser l’épiderme de la population face aux revenus faramineux des dirigeants d’entreprise et aux comportements sans scrupules des spéculateurs financiers.

Plus rien n’échappe à l’opinion publique et au citoyen, qu’on dit être devenu cynique face à la politique et à la chose publique en général, mais qui n’est pas dupe que la démocratie, elle non plus, n’est pas un terme abstrait. Outre les magouilles et l’arbitraire, les exemptions fiscales et un système de taxation inéquitable, les « démocraties » se protègent dans un système électoral non représentatif ainsi que dans un système judiciaire qui favorise en grande partie le droit individuel des entreprises au droit collectif. Sans compter la corruption tolérée qui déborde largement le cadre du pot-de-vin payé à un élu. Comme c’est le cas du petit entrepreneur qui doit remettre 20 % de ses revenus à un marchandeur pour obtenir un contrat substantiel d’une grande entreprise. Comme c’est le cas des entreprises qui se concertent lorsqu’une soumission publique est lancée. Lorsqu’un syndicat et une entreprise s’entendent pour que cette dernière décroche le gros contrat et favorise ainsi ce syndicat.

C’est ce genre de corruption précisément qui fait tant de bruit au Québec depuis près de deux ans et qui a provoqué une demande générale au gouvernement Charest pour qu’il tienne une enquête publique sur l’industrie de la construction et les agissements des municipalités, petites et grandes.

Deux ans que cela aura pris pour créer un des plus larges consensus jamais obtenu au Québec, incluant même la Fédération des travailleurs du Québec. Un consensus qui a complètement isolé le gouvernement Charest et qui révèle encore une fois l’indignation de la population et une grande détermination à mettre un terme à ce climat politique malsain en réclamant transparence et justice.

Et voilà que le Parti québécois, qui avait fait son cheval de bataille avec cet enjeu, vient nous « surprendre » en appuyant un projet de loi privé d’un membre de son caucus, Agnès Maltais, dans le but de mettre à l’abri de toute poursuite judiciaire, une entente entre le Maire de la ville de Québec, Régis Labeaume et Québécor Media (l’une des plus importantes entreprises québécoises avec un chiffre d’affaires de 10 milliards de dollars), dans la gestion d’une éventuelle et encore très hypothétique équipe de hockey de la Ligne nationale. Nonobstant les détails de cette entente et du projet de loi, le principe soutenu ici par le PQ s’attaque directement au droit constitutionnel du citoyen. Et, sans la persévérance et l’habilité du seul député de Québec solidaire à l’Assemblée nationale, Amir Khadir, ce projet de loi qui sera remanié et représenté devant l’Assemblée nationale l’automne prochain, serait possiblement adopté, dans sa version originale.

Amir Khadir a démontré qu’il y avait une autre façon de défendre les intérêts nationaux des Québécois que celle du PQ. Lorsque les intérêts économiques défendus par le Parti québécois sont mis à nue, on réalise qu’il n’y a pratiquement plus différence entre le PQ et le PLQ.

Du jamais vu au Québec

Les choses commencent à avoir de l’importance, lorsqu’on réalise que pour la première fois sans doute dans l’histoire du Québec, l’opinion publique, celle qui manifeste son raz le bol de la corruption et de l’appropriation de l’État par les entreprises, a un véritable porte-parole à l’Assemblée nationale. Déjà en 2010 les sondages plaçaient Amir Khadir comme le politicien le plus populaire au Québec, ce qui faisait dire à Patrick Lagacé qu’il était devenu le poil à gratter de l’Assemblée nationale.

Pour la première fois, un représentant de la gauche, non seulement est pris au sérieux, mais fait la une des grands médias. Depuis un mois, l’immense couverture de presse réservée à Amir Khadir, laisse sur la touche Pauline Marois et Jean Charest. Certains journalistes lui vouent toute leur admiration, nommons-les : Lise Payette du Devoir, Patrick Lagacé et Pierre Foglia de La Presse.

Qui aurait cru que Québec solidaire aurait autant de poids à l’Assemblée nationale du Québec. Même la tentative de contourner le droit de véto du député de Québec solidaire en incluant le projet de loi 204 dans la loi Omnibus a échoué. Signe de la justesse de la lutte menée par Khadir, quatre députés parmi les plus en vue du Parti québécois, ont démissionné avec fracas et s’apprêtaient à voter avec lui contre le projet de loi 204 puisque la direction de leur parti leur imposait la ligne de parti en cas de vote.

Malgré tout et sans rien enlever au charisme, à la personnalité et à l’intelligence politique du seul représentant de Québec solidaire à l’Assemblée nationale, force est de reconnaître que ce ne sont pas les seules raisons de ce succès politique. Québec solidaire fait écho à l’opinion publique et aux sentiments de la population à l’intérieur de l’enceinte parlementaire. Les Québécois commencent à reconnaître que la véritable souveraineté nationale n’est pas celle des entreprises et des grandes corporations. Ils savent de plus en plus reconnaître ceux qui défendent leurs véritables intérêts économiques. D’où les résultats d’un sondage CROP-La Presse paru ce matin qui révèle une perte de 5 points pour le Parti Québécois, une stagnation pour les Libéraux et l’ADQ mais une hausse de 12 à 17% pour Québec solidaire.

Comment évoluera ce sentiment, reste à voir. Mais il y a une dialectique implacable qui lie ce sentiment aujourd’hui, autant à l’élection des députés néo-démocrates lors des dernières élections fédérales qu’à la popularité dont jouit Amir Khadir. Une dialectique qui, de toute évidence, dépasse la compréhension de Mme Bombardier.

Opinion Scène québécoise

Le cynisme en politique ! Rien à voir.

Réunis en congrès le 14 août dernier, les Jeunes libéraux ont été encensés pour leurs efforts visant à « contrer le cynisme » envers l’État et les politiciens. Ils ont en fait proposé une série de mesures visant à civiliser les débats à l’Assemblée nationale, notamment en suggérant que les questions de l’opposition soient présentées 12 heures à l’avance.

Si le débat des Jeunes Libéraux fut bien accueilli, notamment par le premier ministre Jean Charest qui a fait son mea culpa durant les délibérations, puis indirectement par la chef de l’opposition péquiste, Pauline Marois qui a fait de même le lendemain, c’est peut-être en fait parce que la question ne les concernait pas vraiment. En réalité, c’est l’électorat qui est accusé ici d’être cynique envers la chose publique et non les politiciens. Ce qui rend les voeux pieux des Jeunes libéraux on ne peut plus paternalistes. S’est-on demandé une seule fois si le cynisme ne venait pas plutôt des politiciens eux-mêmes lorsqu’ils sont à court d’arguments pour justifier l’injustifiable. Des politiques, voire un État, dont les visées néo-libérales n’ont plus rien à voir depuis longtemps avec les intérêts profonds de la population.

Il faut en effet une bonne dose de cynisme pour que les dirigeants libéraux et péquistes soutiennent, sans rire, qu’ils ne sont pas impliqués dans le financement illégal de leur parti lorsqu’ils acceptent des fonds en provenance d’entreprises qui utilisent des prête-noms de leurs employés pour en « masquer l’origine » au DGE (Directeur général des élections).

N’eût été la performance exemplaire du député Amir Khadir qui a mis au jour les largesses de l’État aux entreprises minières, le scandale des pharmaceutiques et le financement illégal des partis de « l’Establishment », ces questions n’auraient sans doute pas surgi au Parlement.

Ce que les Jeunes libéraux appellent ‘le cynisme de la population’ n’est en fait qu’une saine attitude envers le cynisme des politiciens. C’est le début d’une prise de conscience qui, il faut espérer, se matérialisera un jour en portant au pouvoir un parti politique apte non seulement à changer les attitudes et les apparats à l’Assemblée nationale, mais la nature même de cette dernière. Une Assemblée où le qualificatif ‘nationale’ ne sera plus synonyme de la ‘grande entreprise et du capital’.

Opinion Scène québécoise

Projet Montréal

Peut-être aurez-vous la chance de voir cette vidéo avant les élections du 1er novembre. Ou peut-être regretterez-vous de ne pas l’avoir visionnée avant les élections.
La crise économique généralisée met en relief les gaspillages, la spéculation éhontée, la corruption politique qui illustrent le comportement des représentants de l’establishment politique. En traitant la nouvelle, les médias cherchent des coupables, des individus à qui faire porter la responsabilité, comme s’il s’agissait d’un accident de parcours dû à des poliitciens véreux. On pratique ni plus ni moins du populisme journalistique, une manière de traiter la nouvelle en surface seulement et d’éviter les questions de fonds et surtout de passer sous silence les enjeux fondamentaux. Voilà pourquoi il est rarement question des véritables solutions de rechange.
Connaissez-vous vraiment Projet Montréal ? Aviez-vous déjà entendu parler de Richard Bergeron ? Et surtout saviez-vous que Projet Montréal était un vrai parti de citoyens et citoyennes qui militent depuis le début des années 2000 pour démontrer qu’un autre Montréal est possible. Ce sont en bonne partie ces gens que Louise Harel traitait ni plus ni moins d’hurluberlus lorsqu’ils ont contribué à l’élection d’Amir Khadir aux élections provinciales. Des citoyens et des citoyennes qui nous montrent enfin qu’une autre manière de faire la politique au Québec était possible. Des gens pour qui le mot changement n’a pas qu’une signification électoraliste.

À voir : La fin du néandertal

Opinion Scène québécoise

La raison pour ne pas célébrer la Bataille des Plaines

Certes il y a plusieurs raisons pour ne pas célébrer. Certains vous diront qu’on ne célèbre pas une défaite. Et c’est vrai. D’autres diront que le Fédéral n’a pratiquement rien fait pour le 400e de Champlain. Et c’est vrai aussi. Pour la CCBN (Commission des champs de bataille nationaux) et son président André Juneau, la décision de ne pas reconstituer la Bataille des Plaines d’Abraham, relève avant tout d’une question de sécurité. Au Canada anglais on est en furie contre le Québec et son refus de collaborer tandis que pour les Québécois, tout cela est du Québec bashing à nouveau.

Peut-on déjà tirer une conclusion de tout ce brouhaha ? Oui, une conclusion incontestable et qui suffit à elle seule comme raison de ne pas célébrer le 250e anniversaire de la Bataille des plaines d’Abraham, ni d’un côté, ni de l’autre : la question nationale n’est toujours pas réglée au Canada. Elle ne le sera pas tant que le Québec ne se verra pas accordé ou tant qu’il ne s’emparera pas lui-même, de son droit à l’autodétermination nationale, à la souveraineté.

Un devoir de mémoire

C’est un fait que l’événement ne doit pas passer inaperçu. L’anniversaire de la Bataille des Plaines est une bonne occasion de réfléchir au sens à donner à l’évolution de l’histoire depuis 250 ans. Ne l’oublions pas, la victoire des Plaines, c’était en réalité la Conquête. Mais cette victoire n’était pas que militaire et elle n’aurait pu se réaliser en fait, à travers les ans, sans la participation d’une fraction importante de dirigeants francophones du Québec, notamment le clergé, qui acceptèrent de jouer les collaborateurs avec le conquérant en lui garantissant la paix sociale et la soumission de tout un peuple. En échange de quoi ? Une assemblée nationale (lire provinciale) avec certains pouvoirs législatifs et économiques ainsi qu’un contrôle sur certains domaines d’ordre politique, dont l’éducation.

Le prix à payer allait être lourd. Dans la vision des provincialistes et des fédéralistes du Canada anglais, la conquête devait non seulement mettre un terme au rêve de construire un Canada (français) caressé par les premiers colons d’origine française, mais devait aussi faire disparaître toute velléité de construire une nation francophone au Canada.

Dans un tel contexte, autant la célébration de la Bataille des plaines d’Abraham ne peut exprimer qu’une forme d’aliénation chez les Québécois, autant elle ne peut exprimer qu’une forme de chauvinisme, voire de néo-colonialisme chez les Canadiens anglais. Quand Jean Charest dénonce les dérapages qu’il attribue aux menaces de violence contre toute éventuelle célébration de la Bataille des Plaines, il manque une belle occasion d’identifier le véritable dérapage de la CCBN qui voulait profiter de l’événement pour sceller dans l’imaginaire des Canadiens et des Québécois, l’issue d’une bataille qui, en réalité n’est toujours pas terminée : la lutte nationale des Québécois.

Une cause toujours bien vivante

À partir de quand peut-on décréter qu’une cause est terminée ? Il y en a pour dire que la cause palestinienne est perdue. Que les réalités au Moyen-Orient ne sont plus ce qu’elles étaient avant la Seconde Guerre mondiale. Il y en a pour dire que les peuples autochtones en Amérique mènent aussi des batailles perdues d’avance. Qu’il est temps de reconnaître que nous ne vivons plus à l’ère des coureurs des bois. Combien de temps durera le désir des Serbes de reconquérir le Kosovo dont ils ont été chassés par l’intervention militaire de l’OTAN ?

Combien de causes pourrait-on identifier ainsi à travers le monde, qui entretiennent toujours le germe de la résistance et d’un potentiel de rébellion ? La réponse à la question de savoir si l’on peut décréter qu’une cause est terminée sera toujours biaisée selon qu’on est dans le camp des vainqueurs ou dans celui des vaincus. Et encore une fois, pourrons-nous dire que l’ Histoire sera toujours celle des vainqueurs.

Ainsi présentée toutefois, aucune grande cause à travers le monde ne trouvera un jour de solution. L’angle strictement historique et national ne peut que raviver les sentiments nationaux d’un côté et chauvins de l’autre. L’Histoire n’est pas un échange bipartite perpétuel du pouvoir entre vaincues et vainqueurs. C’est pourquoi l’amertume de la défaite et les cicatrices de l’histoire ne se referment jamais pour les vaincus.

La question nationale ne peut se résorber que de deux façons, soit  : l’assimilation totale, ce qu’on peut aussi appeler un génocide culturel, soit : la reconnaissance et la satisfaction des droits nationaux. Tant que la nation existe, tant qu’elle se bat pour ses droits, la cause en sera justifiée. Autant celle des Palestiniens, que celle des peuples autochtones, que celle des Québécois. Même si dans leurs expressions, biens souvent, ces luttes n’ont rien de comparable.

Quels intérêts nationaux

La question nationale ne s’exprime pas toujours de manière aussi tragique qu’en Palestine, ni de manière aussi directe que dans le rapport entre une métropole et une colonie. Par contre, tous les mouvements nationaux qui sont allés jusqu’au bout de leurs revendications ont mené soit à l’autonomie nationale, soit à l’indépendance nationale et à la création d’États sur le principe de : une Nation, un État. Un processus historique qui accompagnait dans tous les cas, le désir de la bourgeoisie naissante de prendre le pouvoir et le contrôle sur son marché national.

Ce qui est paradoxal ici, c’est qu’à l’heure de la mondialisation et du néolibéralisme, même les bourgeoisies nationales s’entendent pour favoriser les ententes de libres-échanges, jusqu’à appuyer la suprématie des tribunaux commerciaux et des grandes corporations industrielles, économiques et financières sur les pouvoirs législatifs nationaux. Jacques Parizeau et Bernard Landry furent tous les deux de fervents défenseurs de l’Accord de libre-échange négocié par le gouvernement conservateur de Brian Mullroney, avec les États-Unis.

Cela révèle qu’on ne peut pas dissocier la question nationale des questions économiques et sociales, plus précisément des intérêts des classes sociales pour qui l’on veut la souveraineté. Si on peut dire que la question nationale au Canada existera tant que le Québec sera amputé de l’exercice de son droit à l’autodétermination, il est faux d’affirmer par ailleurs que l’indépendance en soi, règlera la question nationale pour les Québécois. Surtout si cette indépendance est mise au service du néocolonialisme moderne par le biais de la mondialisation.

Si devoir de mémoire il y a, il faudra alors se rappeler que la nation n’est ni homogène, ni abstraite. À l’heure où une crise financière et économique d’une envergure sans précédent affecte la plupart des grandes puissances économiques, les forces démocratiques ne doivent pas se laisser duper par les prétendus défenseurs de la nation qui associent les intérêts des grandes entreprises et des sociétés financières aux intérêts de la nation. Une politique de sortie de crise pour qu’elle soit véritablement dans les intérêts de la nation, doit avant tout être conçue dans les intérêts des travailleurs et de la population en général. Ce qui impliquera nécessairement la solidarité entre les victimes de ces mêmes puissances financières et économiques, indépendamment des frontières nationales.

Opinion Scène québécoise

Irez-vous voir le film de Denis Villeneuve ?

Irez-vous voir le film de Denis Villeneuve sur le tragique événement de Polytechnique en décembre ’89, est désormais la question de l’heure au Québec. Personnellement je crois bien que j’irai voir le film malgré le fait que j’ignore son impact réel sur la société, sur sa possibilité de changer ce que les événements eux-mêmes n’ont pas réussi à changer. Le film aura sans doute le mérite de nous rappeler, au moins, que les pensées morbides et maladives qui habitaient Marc Lépine, prenaient leurs sources dans une réalité sociale toujours présente aujourd’hui, malgré les progrès accomplis.

Misogyne et déséquilibré sont les expressions les plus courantes pour caractériser la nature du geste de Marc Lépine. Une manière croiront certains de faire valoir qu’il s’agit d’un cas isolé. Néanmoins, en s’attaquant uniquement à des femmes et en les identifiant comme responsables de ses propres malheurs, Lépine véhiculait une rengaine systémique entretenue par des politiques et des pratiques discriminatoires envers les femmes. Des pratiques qui acceptent mal l’entrée des femmes sur le marché du travail et qui justifient par de soi-disant contraintes économiques, l’iniquité salariale envers les femmes. Ne devrait-on pas en fait, parler de misogynie sociale ?

Irez-vous voir le film Polytechnique ? Je l’ignore bien sûr. Mais pourrions-nous faire quelque chose tous ensemble pour que Stephen Harper, dont le discours du trône de novembre 2009 trouve encore le moyen de ne pas respecter la politique d’équité salariale, aille voir le film de Denis Villeneuve ? Pourrions-nous faire quelque chose pour que le journaliste Sylvain Bouchard de 93,3 FM (et ses patrons), qui s’insurge publiquement, en s’adressant directement à des ados, du fait qu’un manuel scolaire souligne le bon travail de Françoise David, pour la défense du droit des femmes, aille voir le film lui aussi ?

L’éducation justement, en général, est à la base des valeurs qu’on enseigne aux enfants. Hélas, l’éducation sera toujours le reflet des intérêts que la société dessert en premier lieu. Est-ce à dire qu’il n’y a rien à faire ? Non, bien au contraire. Une chance qu’il y a encore des personnes comme Françoise David qui le comprennent.