L’île de l’éternité de l’instant présent
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage !
Chère Marie,
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage disait ton père. Tu te rappelles ? Comme tu me le soulignes dans ta dernière lettre, elle ne provient pas de l’Odyssée d’Homère, mais du premier vers du sonnet XXX1 des Regrets du poète du Bellay, peignant ainsi la nostalgie du pays natal. Le voyage atteint sa beauté quand on a la chance de retourner au pays de ses origines pour y mourir en paix entouré de ceux qu’on aime.
C’est en retournant enseigner aux enfants des enfants du camp Ste-Rose que j’atteignis enfin la sérénité du pays natal, pour y mourir en paix entouré de ceux que j’aime, les magnifiques de ce monde qu’ils soient philosophes ou poètes.
Alors que la plupart des professeurs de philosophie prennent leur retraire à cinquante-cinq ans, je commence la mienne. Ma barbe est grise, mes cheveux longs et encore nombreux parsemés de blond et de blanc. Mes paroles rares, mes oreilles grandes ouvertes et mes yeux émerveillés.
Je suis rendu à l’âge où aucune vérité n’est sûre. D’où est-ce que je viens ?, qui suis-je ?, où vais-je ? je me baigne dans la jouvence de mes adolescents et adolescentes pour mieux me ressourcer. Quand « ils » ou « elles » sont autour de moi dans la classe, à refaire le monde, je vois en eux des bateaux de nouveaux Ulysse en train de se construire au quai même de leur existence. Discrètement, je donne à manger aux oiseaux en les regardant œuvrer à donner un sens à leur vie. Et quand ils ou elles s’en retournent chez eux ou chez elles, je raconte à ma lune combien mes futurs marins me bouleversent à la veille de partir, à leur tour, à l’aventure de leurs rêves.
Je t’aime Marie
J’irai te voir aux Marquises
Durant les vacances d’été
Un des fils d’Ulysse
FIN