Accommodements raisonnables, le vrai danger !

Un récent sondage SOM-La Presse-Le Soleil démontre que près de six Québécois sur 10 (58,6 %) estiment que la société est trop tolérante en matière d’accommodements raisonnables. En même temps, le sondage fait ressortir que 61,8% des Québécois considèrent l’immigration comme un atout pour la société.

L’ouverture au phénomène de l’immigration et l’opposition aux accommodements raisonnables cela ressemble à une contradiction qui révèle les vrais sentiments des Québécois au sein d’une société ouverte pour qui le concept des accommodements raisonnables demeure une notion mal définie ou tout au moins mal comprise.

Interrogé récemment à Radio-Canada, Julius Grey rappelait, fort à propos, que la notion d’accommodement raisonnable s’appliquait aux individus et non pas aux groupes ou à des communautés, contrairement à l’idée que les médias et les courants de droite véhiculent généralement. Même si parfois la nuance est ténue elle demeure importante, car faut-il le rappeler, de tels accommodements ne sont admissibles que lorsqu’ils sont raisonnables. Il ne s’agit donc pas d’exclure ou de placer au-dessus des lois des communautés entières selon leur croyance ou leur culture propre, mais bien de faciliter l’intégration dans un milieu d’individus dont la culture tend parfois à les isoler pourvu que cela ne perturbe pas fondamentalement le fonctionnement de la société.

Ce qui apparaît par ailleurs inquiétant de ce sondage est le constat que plus les Québécois sont éduqués, plus ils s’opposent aux accommodements raisonnables. L’explication des sondeurs dans ce cas veut que plus les Québécois sont scolarisés, plus ils favorisent une société laïque. On pourrait se demander toutefois si nous n’assistons pas tout simplement à un tournant à droite des sphères de la société traditionnellement plus au centre, sinon plus à gauche et si le virage à droite n’est pas en train de gagner les couches les plus éduquées de la population.

Tout comme on évitera d’établir une équation entre pensée de gauche et nationalisme, on ne s’étonnera pas du fait que l’intolérance augmente en proportion lorsque les personnes consultées sont de langue maternelle française. 65,9% de ces dernières considèrent le Québec trop tolérant contre 27% des personnes avec une autre langue maternelle. Un phénomène qui n’est pas sans rappeler la vraie nature du nationalisme encore présent au sein de l’ADQ de Mario Dumont qui semble vouloir placer cette question au niveau d’un enjeu électoral comme le font aujourd’hui en France, non sans un certain succès hélas, les Jean-Marie Le Pen et les Nicolas Sarkozy.

Commentaires (anciens)

1. Le jeudi 25 janvier 2007 à 12:40, par Danisou

Allô Claude,

Il faut lire la position du MLQ (Mouvement Laïque Québécois), porte-parole de la laïcité au Québec.

« Contribution du MLQ au débat sur les accommodements raisonnables »
Position adoptée par le Conseil national du MLQ, fin 2006

http://www.mlq.qc.ca/6_dossiers/accommodement/accommodement_position.html

2. Le jeudi 25 janvier 2007 à 20:18, par Claude Demers

Bonjour Danisou,

C’est un très bon texte en effet, qui en plus, met en relief la distinction entre le sens initial de l’expression « accommodement raisonnable » et le sens plus « actuel » d’accommodements fondés sur la croyance religieuse. La distinction faite entre accommodement raisonnable et liberté d’expression est aussi importante et je partage l’opinion à l’effet que la liberté d’expression doive aussi être encadrée et subordonnée, si je peux me permettre, aux intérêts supérieurs (collectifs et démocratiques) de la société.

Cela dit je crois que la négation en bloc des accommodements raisonnables dans le sens culturel et religieux représente aussi une erreur et un glissement dangereux. Faudra-t-il déterminer alors que le port d’une chaine avec une croix « bien chrétienne » au cou constitue un symbole religieux à interdire dans nos institutions scolaires ? Si on peut mettre en cause des situations exigeant des frais supplémentaires dans les budgets déjà limités alloués aux institutions, ou encore des situations ou les enseignants et les programmes sont modifiés à l’encontre du principe, que j’endosse entièrement par ailleurs de la laïcité, il en va autrement lorsqu’il s’agit de la possibilité pour un individu d’afficher ses propres croyances, que ce soit par la manière de se coiffer ou des objets qu’il porte sur lui lorsque ces derniers ne représentent aucune menace et danger pour les autres. En d’autres mots, les institutions publiques ont le devoir de promouvoir la laïcité, mais pas d’interdire à une personne d’afficher ses croyances du fait qu’elle se trouve sur un lieu public et laïc.

Je crois qu’ici c’est le MLQ qui confond « liberté d’expression » avec « accommodement raisonnable » et que celui-ci peut être nécessaire pour permettre l’exercice de celui-là.

Le danger que je décèle dans l’attitude négative face aux accommodements raisonnables est lié au traitement de cette question sur une base strictement théorique qui ne tient pas compte d’une situation aussi réelle que nouvelle, soit l’immigration moderne et de la nécessité de favoriser l’intégration d’individus aux valeurs différentes de notre société de manière inclusive et non coercitive.

J’endosse entièrement par ailleurs la position du MLQ sur la nécessité d’officialiser et d’universaliser la laïcité de l’enseignement et des institutions publiques.

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